Semaine de 4 jours : est-ce à l’Etat ou aux entreprises d’en décider ?
La réduction du temps de travail nourrit le débat public depuis quelques années et s’invite à nouveau sur le devant de la scène à l’occasion de la campagne présidentielle française.
« La semaine de quatre jours n’est pas une mesure qu’on décide d’en haut et qui s’imposerait à toutes les entreprises. C’est un choix de l’entreprise. » Telle est la position du gouvernement, relayée jeudi 3 février par Elisabeth Borne, sur le plateau de BFMTV.
Une mesure qui ne peut être imposée d’« en haut »
La ministre du Travail a notamment fait valoir que ce nouveau de rythme de travail pouvait générer du stress chez les travailleurs s’il s’agissait d’absorber la même charge de travail en quatre jours qu’en cinq. Et, dans l’hypothèse où le nombre d’heures de travail diminuerait également, elle craint que cela ne pose « des problèmes de pouvoir d’achat » : « On ne peut pas laisser croise aux gens qu’on va travailler moins sans impact sur le pouvoir d’achat », a-t-elle martelé, rappelant que le passage aux 35h s’est traduit par une augmentation moins rapide des salaires au début des années 2000.
La réduction du temps de travail : « le sens de l’histoire » ?
Mais tous les responsables politiques ne partagent pas cet avis. A l’heure où les aspirations des actifs à plus de flexibilité au travail et à un meilleur équilibre vie pro/vie perso grandissent, la question de la réduction du temps de travail s’invite au cœur du débat présidentiel français. Et figure dans le programme de nombreux candidats au scrutin, à gauche de l’échiquier politique, de Jean-Luc Mélenchon (LFI) à Anne Hidalgo (PS) en passant par Philippe Poutou (NPA), Fabien Roussel (PC) et Yannick Jadot (EELV).
Ce dernier a déclaré, mercredi 2 février, sur RTL que la réduction du temps de travail s’inscrivait dans le « sens de l’histoire », même s’il ne compte pas imposer la semaine de 4 jours à l’ensemble des entreprises : « Cela peut aussi s’organiser différemment. Cela peut être six mois [de temps libre] au bout de cinq ans ou une année au bout de dix ans parce qu’on a un projet. »
La flexibilité au cœur des réflexions des entreprises
En France, certains entreprises n’ont pas attendu la prise de position des pouvoirs publics pour transformer l’essai. Interrogé par HelloWorkplace, Olivier de Clergerie, CEO de LDLC, a adopté la semaine de 4 jours, début 2021, sans baisse de salaire, et explique que cela n’a pas engendré de stress supplémentaire, bien au contraire : « Avec la semaine de quatre jours, mes collaborateurs sont mieux reposés et plus libres dans leur tête (…) Je ne crois pas que ce modèle s’impose naturellement à toutes les entreprises mais je pense qu’elles se doivent d’engager la réflexion du temps de travail et de la flexibilité au travail », complète-t-il.
L’idée semble avoir fait son chemin chez TotalEnergie. Dans une interview au quotidien Les Echos, l’annonce de son PDG, Patrick Pouyané, en a surpris plus d’un : « Avec la crise du Covid-19, depuis septembre, on s’aperçoit que le taux d’occupation de nos bureaux est de 65 % du lundi au jeudi. Le vendredi, c’est moitié moins. Je me demande s’il ne faudrait pas libérer une demi-journée, voire une journée entière, pour permettre aux salariés de s’occuper de leurs tâches personnelles pour que le reste de la semaine soit dédié à leur mission professionnelle. »
A chaque entreprise son modèle : certaines ont choisi de fermer un jour fixe par semaine, d’autres restent ouvertes cinq jours mais assurent un roulement des équipes en fonction des souhaits de jour off de leurs collaborateurs. Selon le secteur d’activité et les impératifs horaires, les organisations du temps de travail varient d’une entreprise à l’autre. C’est pourquoi il apparaît plus pertinent et logique de laisser les employeurs libres de fixer eux-mêmes les conditions de passage à la semaine de quatre jours.
Une impulsion gouvernementale pour accompagner les entreprises ?
L’Etat n’a-t-il pour autant aucun rôle à jouer ? Dans certains pays, le gouvernement a décidé de donner une impulsion. C’est le cas en Espagne, où la semaine de quatre jours est expérimentée depuis 2022 dans 200 entreprises volontaires. Les modalités du test ? Passer de 40h à 32h par semaine sans baisse de salaire pendant trois ans. L’objectif ? Comparer les résultats obtenus en termes de qualité de vie au travail et de productivité dans ces entreprises cobayes au regard de celles qui ont conservé une organisation classique.
Preuve que cette initiative du politique peut déboucher sur une évolution des pratiques des entreprises : l’expérimentation de la semaine de 4 jours, en Islande, menée entre 2015 et 2021 par l’Etat et la mairie de Reykjavik, a été tellement concluante qu’aujourd’hui 86% des actifs, secteur public et secteur privé confondus, bénéficient d’une réduction de leur temps de travail ou d’une flexibilité dans leur contrat de travail permettant de réduire leur volume horaire de travail.