Ces infos que les jeunes n’indiquent pas sur leur CV par crainte d’être discriminés
Certains candidats de 18 à 24 ans choisissent de ne pas mentionner leur handicap ou leur adresse sur leur CV, car ils redoutent d’être évincés du processus de recrutement.

« J’ai déjà menti sur mon CV uniquement pour ma tête. J’ai déjà envoyé des photos de moi sans voile alors que je porte le voile. Parce qu’avec un voile on n’est pas prise partout. » « Je parle arabe mais je ne l’ai jamais mis dans un CV parce que ça marque la différence et je n’ai pas envie que la personne en face de moi ait des a priori. » Le témoignage de ces vingtenaires, recueillis dans le cadre d’une enquête CSA*, prouve que le phénomène d’autocensure dans le cadre d’une candidature est bien réel au sein des jeunes générations.
Des stratégies d’évitement
Dans le détail, 84% des jeunes de 18 à 24 ans estiment que l’apparence physique peut influencer positivement ou négativement le recrutement. Ils sont 80% à penser que l’appartenance réelle ou supposée à un groupe ethnique peut avoir un impact positif ou négatif sur la sélection d’un candidat. 64% prétend aussi qu’à compétences égales, une femme a moins de chances d’être embauchée qu’un homme.
Pour contrer ces risques de discrimination, nombreux sont ceux qui adoptent des stratégies d’évitement : 34% des Français de 18 à 24 ans interrogés disent avoir déjà volontairement omis de mentionner l’une de leurs singularités (handicap, croyances, origine, adresse, situation familiale…), parce qu’ils craignaient que cela ne porte préjudice à leur candidature.
Des soft skills jugées anecdotiques
Persuadés que les recruteurs accordent davantage d’importance au parcours de formation et au diplôme, les jeunes candidats relèguent souvent leurs soft skills aux dernières lignes de leur CV : si 79% de l’échantillon dit indiquer ses compétences « douces » dans ses candidatures, seuls 20% pense que ces savoir-être constituent les principaux atouts pour être recrutés.
« Les constats que font ces jeunes sont à la fois une réalité et à la fois une projection : sur la réalité, les entreprises doivent se mobiliser, et sur la projection, c’est le sujet de la confiance en soi qui est important », explique Florence Cauvet, DRH de Sanofi France.
Quels moyens d’action pour les entreprises ?
Comment les entreprises peuvent-elles se mobiliser ? D’abord en formant leurs équipes de recrutement aux biais cognitifs qui les poussent à écarter d’emblée certaines candidatures. Mais aussi en remettant les soft skills au cœur des processus de sélection des candidats. Pour Saïd Hammouche, président de la Fondation Mozaïk, cela passe enfin par l’attitude managériale : cela signifie « créer les conditions d’un management plus ouvert où chacun, quelle que soit sa singularité, va pouvoir s’exprimer et faire émerger des solutions partagées, innovantes ».
Et pour combattre l’idée ancrée que ces jeunes ne décrocheront pas d’emploi s’ils n’ont pas de réseau, Saïd Hammouche insiste sur d’autres solutions : « Stigmatisés et pénalisés dès le départ par une mauvaise connaissance du marché de l’emploi, nombre de candidats qui ne disposent pas des bons relais abandonnent avant même d’avoir commencé leurs démarches. D’où l’importance du mentorat, le réseau de ceux qui n’en ont pas, ou des programmes de rencontres avec et par des professionnels. Il est donc essentiel que des entreprises s’engagent dans des logiques d’accompagnement permettant aux candidats d’élargir leurs horizons professionnels et d’affiner leur stratégie de recherche. »
L’enquête se clôt sur une note positive : les jeunes sont majoritairement enthousiastes vis-à-vis du monde du travail qu’ils considèrent comme un facteur central d’épanouissement professionnel et personnel.
*Étude « Les jeunes et l’autocensure en matière d’emploi » composée d’une étude quantitative réalisée auprès de 1751 jeunes âgés de 18 à 24 ans, dont 213 résidant en quartier prioritaire de la ville, du 26 janvier au 16 février 2024, et d’une étude qualitative consistant en dix entretiens téléphoniques, menés entre le 1er et le 12 février 2024, de 5 jeunes en emploi et 5 jeunes sans emploi, issus de quartiers prioritaires de la ville.