Entreprises : quelles solutions pour réduire les tensions de recrutement ?

Le Conseil économique, social et environnemental a publié, mercredi 12 janvier, une série de préconisations, pour résoudre la pénurie de main-d’œuvre dans certains secteurs d’activité.

Les personnels hospitaliers font partie des métiers en tension sur le marché du travail.
Les personnels hospitaliers font partie des métiers en tension sur le marché du travail. © spotmatikphoto/stock adobe.com

Selon les calculs de la DARES et de Pôle emploi, 6 métiers sur 10 étaient en forte tension de recrutement en 2019 contre 1 sur 4 en 2015. En clair, cela signifie que le nombre de postes à pourvoir est bien supérieur à celui des candidats potentiels.

Le manque d’attractivité de certains secteurs

Parmi les professionnels les plus compliqués à recruter, on trouve les chauffeurs routiers, les serveurs, les aides à domicile, les professionnels de santé, les travailleurs sociaux, les ouvriers non-qualifiés de l’industrie. Des métiers qui cumulent conditions de travail difficiles, horaires atypiques et manque de reconnaissance et de valorisation salariale.

Si ces tensions préexistaient à la crise sanitaire, celle-ci n’a fait que renforcer les difficultés des recruteurs à trouver de la main-d’œuvre. En cause, entre autres, une perte d’attractivité de certains métiers liée à des salaires trop faibles et des conditions de travail difficiles.

A cela s’ajoute une quête de plus en plus intense de sens au travail, qui doit remplir une fonction d’utilité sociale, et une volonté d’un meilleur équilibre vie pro/vie perso, particulièrement marquée chez les jeunes générations.

Le défi des transitions écologique et numérique

Enfin, le CESE explique aussi cette pénurie par l’accélération de la transition écologique et de la transition numérique de certaines familles de métiers. Selon l’ADEME (Agence de la Transition écologique), les emplois directs de la filière concourant à la transition énergétique ont augmenté de 72% entre 2006 et 2019, notamment dans les secteurs des énergies renouvelables et de l’efficacité énergétique des bâtiments. Or, ces besoins de recrutement se heurtent à un manque de compétences adaptées. C’est le cas, par exemple, pour les métiers de riveteur et de soudeur dans l’éolien et le photovoltaïque.

La crise a aussi favorisé une prise en compte accrue de l’urgence climatique : « Face à la prise de conscience de l’impact de certains métiers sur le climat ou la biodiversité, de plus en plus de personnes acceptent de se détourner de leur projet professionnel, souvent bâti de longue date et très rémunérateur, pour s’orienter vers des projets porteurs de sens, moins lucratifs, mais compatibles avec les impératifs de transition », note le CESE.

Pour accompagner les transformations numériques, de nombreux secteurs d’activité cherchent à recruter des experts en informatique, télécommunications, traitement des données, en cybersécurité et font face à une pénurie de candidats. De plus, une large part de métiers évoluent et mobilisent de nouvelles compétences numériques que les salariés doivent acquérir pour maintenir leur employabilité.

Quelles sont les solutions à la main des entreprises ?

Négocier des accords de branche sur l’attractivité des métiers, les salaires et la qualité de vite au travail

Dans les secteurs peu attractifs, le CESE préconise de réfléchir à des accords de branche qui garantissent à chaque collaborateur un salaire au moins égal au SMIC mais aussi une réduction des horaires de travail atypiques, une limitation des contrats courts et des temps partiels imposés, des actions pour encourager la mixité au travail, des aides proposées aux salariés pour faire garder leurs enfants, des actions de lutte contre les discriminations, des engagements de maintien et de retour en emploi des seniors.

Ces accords peuvent également prévoir des avantages collectifs attrayants tels que des chèques déjeuner, mobilité, logement ou garde d’enfants.

Mettre l’accent sur la formation continue

Le CESE note que les compétences demandées par les recruteurs sont de plus en plus pointues et ne peuvent pas nécessairement être acquises dans le cadre de la formation initiale. C’est pourquoi les experts préconisent de développer la formation professionnelle continue, sujet insuffisamment investi par les entreprises françaises au regard de leurs homologues européennes.

L’APEC (association pour l’emploi des cadres) souligne, par ailleurs, que les entreprises ont des progrès à faire pour mieux coordonner Compte personnel de formation (CPF), conseil en évolution professionnel et entretien professionnel en vue de former leurs collaborateurs aux métiers de demain.

Développer l’alternance

Dans la lignée du plan de réduction des tensions de recrutement annoncé en septembre 2021 par le gouvernement, qui prévoit une aide exceptionnelle jusqu’à 8 000€ pour l’embauche d’un demandeur d’emploi en contrat de professionnalisation, les entreprises sont incitées à recruter davantage d’alternants.

Le CESE appelle à renforcer la collaboration entre les entreprises et les lycées et CFA pour multiplier les périodes d’immersion et de formation en milieu professionnel.

Faire appel à des groupements d’employeurs

Des secteurs comme l’hôtellerie-restauration, le tourisme ou l’agriculture, déjà en proie à un turn over important du fait de la saisonnalité de l’activité, rencontrent aujourd’hui de grande difficultés. Leurs employés habituels se sont, le plus souvent, tournés vers des contrats plus longs et pérennes.

Pour pallier ce déficit de main-d’œuvre, les experts conseillent, autant que possible, de faire appel à des groupements d’employeurs au sein d’un même bassin d’activité. Ces structures permettront également aux TPE et PME, qui ne bénéficient pas de moyens financiers importants ou de service des ressources humaines, de trouver leurs talents.

Prendre en compte les problèmes de mobilité

Le CESE recommande de « rendre effective la mise en place des plans de mobilité d’entreprise ou des plans de mobilité interentreprises, insuffisamment assurée à ce jour, afin de s’assurer que les problèmes de mobilité ne constituent pas un obstacle au recrutement pour les publics dépourvus de moyens de transport personnels, notamment pour ceux qui travaillent en horaires décalés. »

Favoriser une meilleure conciliation des temps

L’articulation entre la vie personnelle et la vie professionnelle est une préoccupation majeure des collaborateurs. Et les entreprises ont leur rôle à jouer pour améliorer cet équilibre pro/perso, notamment en adaptant l’organisation du temps de travail, en facilitant la mise en œuvre du télétravail et en accompagnant mieux les salariés proches aidants.

Bien s’équiper pour bien recruter