RH : 5 conseils pour valoriser les femmes dans les secteurs dits masculins
Aurore Malherbes, co-fondatrice de Padok, nous livre de bonnes pratiques RH à adopter pour valoriser les femmes dans les milieux professionnels surreprésentés par les hommes.
A l’heure où la voix des femmes résonne, heureusement, de plus en plus dans le débat public, certaines branches d’activité sont encore majoritairement investies par les hommes. C’est le cas notamment de certains secteurs manuels ou techniques, comme le BTP ou le numérique.
Lorsqu’elle a créé sa start up Padok, il y a deux ans et demi, Aurore Malherbes était la première femme co-fondatrice au sein de l’écosystème Theodo, qui donne naissance à deux start up par an.
« Nous sommes aujourd’hui trois femmes parmi les 20 dirigeants et Theodo a missionné une collaboratrice pour s’occuper des questions de mixité dans le processus de recrutement, mais on a encore du chemin à parcourir », constate la CTO (Chief Technology Officer) de Padok.
« Ce sujet me tient à cœur, mais ce n’est pas pour autant que je veux être identifiée comme la femme qui parle des femmes dans la tech, je suis avant tout une femme et une développeuse », nuance-t-elle.
Son expérience l’a conduite à réfléchir à des leviers à activer, côté RH, pour améliorer la visibilité de ses paires dans les secteurs majoritairement masculins. Elle nous fait part de solutions concrètes à mettre en œuvre.
1. Cultiver une culture d’entreprise bienveillante envers les femmes (sans en faire trop !)
Pour attirer plus de femmes dans votre société, adaptez votre culture d’entreprise. « Créer un environnement professionnel où les femmes se sentent incluses, en sécurité, et n’aient pas à se poser la question de savoir si elles peuvent venir travailler en jupe ou, a contrario, en sweat, est crucial », note la chef d’entreprise.
Avant d’accueillir une femme dans une équipe exclusivement composée d’hommes, Aurore Malherbes conseille d’ailleurs de briefer ces derniers : « Avant l’arrivée de notre première collaboratrice dans notre équipe technique, je leur ai dit : ‘’que vous le vouliez ou non, vous allez être impressionnants pour elle car vous êtes douze hommes. Elle aura peut-être tendance à s’effacer, à ne pas avoir confiance en elle, donc laissez-lui de l’espace, écoutez ce qu’elle a à dire’’. »
Mais attention, être bienveillant ne signifie pas surprotéger ses collègues femmes ! « Certains hommes ont pour travers de nous considérer comme des personnes fragiles, qu’il ne faut pas brusquer. Cela part d’un bon sentiment mais ce type d’attitude peut conduire certains managers à ne pas proposer à leur collaboratrice une promotion. Une parfaite illustration du concept d’’’empathie ruineuse’’ développé par Kim Scott dans son livre Radical Candor : on donne l’impression d’être empathique mais, sur le long terme, ce comportement s’avère néfaste. »
Côté marque employeur, Aurore Malherbes suggère de valoriser des femmes sur les pages carrière de vos entreprises. Lors du recrutement, les fiches de poste doivent également faire l’objet d’une attention particulière. Sans parler de recourir systématiquement à l’écriture inclusive, bannissez certains termes trop virils qui pourraient décourager certaines candidates.
2. Présenter des rôles-modèles accessibles
Certes, il existe des exemples de femmes, telle Sheryl Sandberg, COO (Chief Operating Officer) de Facebook, qui ont réussi à s’imposer dans un milieu d’hommes. Mais pas toujours simple de s’identifier à ces wonder women !
Aurore Malherbes préconise de présenter aux femmes des référentes plus atteignables, avec lesquelles elles pourront partager leur expérience professionnelle. « Quand je suis devenue CTO, je cherchais des femmes de 15 ou 20 ans de plus que moi, qui pourraient me donner des conseils sans être pour autant Sheryl Sandberg. J’ai trouvé ces contacts via TechRocks, une communauté de CTO qui cherche à favoriser la mixité dans la Tech et j’ai reçu par ce biais de précieux conseils ! »
Selon elle, les RH ont notamment pour rôle d’informer leurs collaboratrices de l’existence de ce type de communautés et de blogs, mais aussi de mettre en lumière certaines collaboratrices, si celles-ci sont d’accord : « les RH peuvent proposer à des femmes de partager en interne leur expertise, sur un nouveau projet par exemple, lors d’une conférence. Lorsqu’on est une femme, on a tendance à penser que lorsqu’on sait faire un truc, tout le monde sait le faire, alors que c’est faux ! ». Aurore Malherbes suggère également d’inviter des professionnelles extérieures à prendre la parole dans l’entreprise pour témoigner de leur expérience et, pourquoi pas, devenir des sources d’inspiration !
3. Soutenir des initiatives de mentoring
Avec quatre collègues du Groupe Theodo, Aurore Malherbes a créé le groupe de mentoring Women M33 dédié à l’accompagnement de femmes à la recherche de conseils dans le cadre de leur vie professionnelle. Le principe est simple : toute femme peut envoyer un mail et se verra proposer un déjeuner avec un mentor qui lui fera prendre du recul et avec lequel elle pourra échanger sur le long terme au cours de sa carrière.
« L’idée n’est pas de remplacer un manager ou un coach, mais de leur permettre de poser des questions qu’elles n’auraient pas eu envie de poser à leur manager homme. Je conseille néanmoins aux RH qui souhaitent mettre en place un tel groupe d’écrire une charte pour définir ses objectifs. Dans notre groupe, nous sommes toutes les cinq alignées sur la marche à suivre : le but n’est pas de se plaindre de notre sort, mais d’assumer notre ambition et de débloquer les freins éventuels. »
Dernier conseil avant de lancer un groupe de mentoring : en parler à l’ensemble des collaborateurs de l’entreprise, avec des statistiques venant appuyer sa raison d’être. « Il ne faut pas que ce groupe œuvre de manière sous-terraine, sinon cela peut être perçu par ceux qui en sont exclus comme du favoritisme ou de la discrimination positive. »
4. Encourager les femmes à se libérer de leurs auto-censures
Autre enjeu de taille : inciter les femmes à se rendre compte qu’elles se brident et à débloquer leurs freins personnels. « Je me suis dit quinze mille fois que je n’avais pas les compétences pour monter cette boîte, et pourtant je l’ai fait et j’ai réussi. Aujourd’hui on est une quarantaine et on a fait 3 millions d’euros de CA en 2020 ! Beaucoup de femmes ont des envies, des ambitions mais pensent qu’elles ne sont pas prêtes et n’en parlent pas avec leur manager. Mais c’est normal de ne pas se sentir prêtes ! » témoigne Aurore Malherbes.
Pour prendre confiance en elles, les femmes ont besoin que les RH les rassurent, notamment sur le plan de la maternité. « Dans son livre Lean In, Sheryl Sandberg raconte qu’une de ses collaboratrices a refusé une promotion parce qu’elle disait vouloir des enfants un jour. La COO de Facebook s’est ensuite rendu compte en discutant avec sa collègue que cette dernière n’avait pas de copain et qu’elle n’aurait sans doute pas d’enfants avant deux-trois ans. A certains moments, il vaut mieux se dire : ‘’je prends le poste et on verra !’’. A cet égard, les RH doivent faire passer le message suivant : à n’importe quel poste, vous pouvez avoir des enfants et l’entreprise vous aidera. »
Autre point de vigilance à avoir à l’esprit : les cycles de progression des femmes au sein des entreprises. Interrogez-vous lorsque vous constatez que la carrière d’une collaboratrice stagne : est-ce voulu de sa part ou est-ce parce qu’on ne lui a pas offert d’opportunité d’évolution ?
Quant à l’hypothèse d’instaurer des quotas dans les instances dirigeantes des entreprises, la CTO de Padok juge que « cela va permettre à un lot de femmes compétentes de pénétrer dans une sphère à laquelle elles n’auraient pas eu accès autrement. J’espère cependant que ce ne sera que transitoire ».
5. Eduquer dès le plus jeune âge à l’égalité professionnelle
Enfin, Aurore Malherbes prône de traiter les racines du mal en misant sur une éducation des petits garçons et des petites filles non biaisée et non genrée.
« Pour choisir une filière d’orientation les petites filles ont besoin d’avoir en ligne de mire un métier dans lequel elles peuvent se projeter. C’est important de montrer dès le plus jeune âge que des femmes sont épanouies dans leur job, même s’il est perçu comme non féminin », estime la chef d’entreprise, qui encourage les interventions dans les collèges et les lycées pour présenter certains métiers.