« En Suède, la parentalité n’est pas un frein dans la carrière des femmes »

Dans ce nouvel épisode de notre série Recruteurs d’ailleurs, nous allons en Suède, pays où la parentalité n’est pas un problème en entreprise, avec notamment un congé parental de 480 jours pour chaque enfant.

Visuel Suède
Pour Sophie Maillard, Business Partner on Talents au sein du cabinet de recrutement Lincoln, le congé parental suédois aide à l'égalité entre hommes et femmes. © Hellowork

Beaucoup de salariés français en rêveraient. En Suède, pays de l’enfant roi, les jeunes parents peuvent bénéficier d’un congé parental de 480 jours par enfant (environ 16 mois), à se partager entre le père et la mère. Surtout, durant 390 jours, celui-ci est rémunéré à hauteur de 80% du salaire, plafonné à 39 360 couronnes suédoises brut par mois, soit 3 400 euros. Les 90 jours restants sont indemnisés au tarif de 5 400 couronnes suédoises par mois (463 euros). A titre de comparaison, le congé parental en France est rémunéré 456 euros par mois pour une durée d’un an renouvelable deux fois jusqu’aux 3 ans de l’enfant. Dans la très grande majorité des cas, ce sont les femmes qui le prennent.

« Le congé parental suédois permet de répartir la responsabilité familiale. Les femmes ne sont plus les seules à prendre de longues absences en entreprise, ça permet de réduire l’écart salarial entre les femmes et les hommes », explique Sophie Maillard, Business Partner on Talents au sein du cabinet de recrutement Lincoln.

La parentalité valorisée dans les entreprises

Plus largement, celui-ci s’inscrit dans une culture où la parentalité est valorisée jusque dans le monde professionnel, comme dans d’autres pays scandinaves. « Dans les entreprises, prendre sa place en tant que parent est vu comme quelque chose de positif en Suède. C’est ancré culturellement de prendre un congé parental sans que ce soit mal vu, qu’on soit cadre, employé ou ouvrier, homme comme femme. La parentalité n’est pas un frein dans la carrière des femmes », ajoute la recruteuse, une Française partie vivre en Suède avec sa famille en 2012.

Dans les règles du congé parental suédois, sur les 480 jours par enfant indemnisés par Försäkringskassan, l’équivalent de la Sécurité sociale, chaque parent a droit à 240 jours, dont 90 ne peuvent être transférés à l’autre parent. Il faut savoir qu’en Suède, une place en crèche est réservée pour tous les enfants à partir de leur un an ; aux parents d’assurer la garde jusque-là. « On fait des enfants pour s’en occuper, c’est très prégnant dans la culture suédoise. La famille est au centre de tout », insiste Sophie Maillard.

Depuis l’été 2024, il est aussi possible de transférer jusqu’à 45 jours par parent (90 jours pour les parents célibataires) à un proche, par exemple un grand-parent ou toute autre personne de son choix, rémunéré selon ses propres revenus. « Cette mesure vise à offrir plus de flexibilité aux familles et à alléger la charge des parents, notamment des mères célibataires », contextualise Sophie Maillard.

Un argument pour attirer les talents en Suède

Pour attirer des talents qualifiés en Suède, un pays où le taux de chômage atteint 8,1% mais qui n’est pas épargné pour autant par des tensions de recrutement sur certains métiers, cette politique en matière de parentalité peut devenir un argument. « Pour des jeunes d’une trentaine d’années, ça peut évidemment compter. C’est un plus pour ceux qui auraient un projet professionnel de couple de venir en Suède, même si ça n’est pas non plus le moteur essentiel », nuance la recruteuse.

En 2024, plus de 835 000 parents ont perçu une allocation de la part de l’agence suédoise de la sécurité sociale dans le cadre du congé parental, sur une population totale de 10,5 millions d’habitants. Parmi eux, 54 % étaient des femmes, 46 % des hommes. Pour autant, en nombre de jours pris, les femmes restent encore largement majoritaires : l’année dernière, 30,7% des jours pris l’étaient par des hommes. « Les hommes diplômés et cadres prennent plus de jours que les hommes moins qualifiés », constate encore Sophie Maillard.

Au-delà du congé parental, d’autres mesures existent en Suède pour favoriser l’équilibre entre vies professionnelle et personnelle au sein des familles. Le VAB, qui tire son nom de « vård av sjukt barn » (s’occuper d’un enfant malade), permet par exemple de toucher une indemnité égale à 80% de son salaire (avec un plafond) si son enfant est malade et qu’on ne peut pas travailler ce jour-là, dans la limite de 120 jours par an jusqu’aux 12 ans de l’enfant. « Les personnes qui en bénéficient n’ont un justificatif à fournir qu’au-delà du 7ème jour. Comme tout en Suède, c’est basé sur la confiance », note Sophie Maillard.

Certaines inégalités hommes-femmes demeurent

Pour autant, la Suède n’est pas parfaite en matière d’égalité hommes-femmes dans le monde du travail. Selon les derniers chiffres du Medlings Institutet, qui relève du ministère du Travail, l’écart entre le salaire moyen des hommes et celui des femmes était de 10% en 2023. Un écart stable depuis 2019, mais qui se réduit de plus de 6 points comparé à 2005. En France, la différence est de plus de 22% sur le même indicateur, selon L’Insee. « En Suède, il y a encore des efforts à faire sur le nombre de femmes à des postes de dirigeants, même si ça dépend des secteurs », ajoute la recruteuse du cabinet Lincoln.

Dans les rues de Stockholm, beaucoup de pères de famille se baladent équipés d’une grosse poussette. Les hivers sont rudes, les journées très courtes et les poussettes sont toutes équipées de pneus neige. Et n’allez pas croire qu’en Suède, les nounous sont plus souvent des hommes. Ce sont bien leur propre enfant qu’ils promènent, le temps d’un congé parental bien apprécié au pays du Prix Nobel.

Bien s’équiper pour bien recruter