Salariés aidants : « Dès mon arrivée dans l’entreprise, ma DRH m’a parlé des dispositifs d’accompagnement »

Comment un employeur peut-il faciliter le quotidien de ses collaborateurs aidants ?

Les aidants développent des soft skills qu'ils peuvent mettre à profit dans le cadre professionnel.
Les aidants développent des soft skills qu'ils peuvent mettre à profit dans le cadre professionnel. © Alexander Raths/stock adobe.com

« J’appelle ma grand-mère maternelle tous les matins, avant de partir au travail, puis le soir en rentrant. En ce moment, je prends aussi de ses nouvelles le midi, car elle est hospitalisée après une fracture du col du fémur. Et puis je viens plus régulièrement lui rendre visite, m’occuper de sa maison et de son chat. La difficulté, c’est qu’elle vit dans le Tarn et que j’habite à Paris, à 700km. Cela nécessite beaucoup d’organisation au quotidien. »

Aurélia Le Baudour, consultante en stratégie digitale à La Mutuelle Générale, fait partie des 11 millions d’aidants que compte la France, selon des chiffres du ministère de l’Economie datant de 2021. Parmi eux, 61% conjuguent cette activité avec un emploi. Une réalité qui devrait concerner une part encore plus importante de la population dans les années à venir, si l’on prend en compte l’augmentation de l’espérance de vie et l’aspiration croissante des personnes âgées à rester le plus longtemps possible à leur domicile.

« Mon employeur a mis des mots sur un phénomène familier »

« En fait, je n’avais pas conscience d’être une salariée aidante avant d’arriver à La Mutuelle Générale, en novembre dernier. Mon employeur a mis des mots sur un phénomène qui m’était familier, mais que je ne verbalisais pas tel quel, car il n’était pas spécialement abordé dans les entreprises dans lesquelles je travaillais auparavant. »

En plus de venir en aide à sa grand-mère de 94 ans, Aurélia s’occupe aussi de ses voisins de 85 ans, gravement malades et sans enfants : « Au début, je leur rendais de menus services, puis la maladie s’est aggravée. La dame est atteinte de Parkinson. Récemment, elle a eu une phase de paralysie et ne pouvait plus faire aucun geste du quotidien. Elle chutait tout le temps et j’étais la personne qu’on appelait en urgence pour venir la relever. »

Il y a l’accompagnement au quotidien : les appels, les visites, les allers-retours en train, les prises de rendez-vous médicaux, la gestion des visites à domicile de l’infirmière, du kinésithérapeute, de l’aide-ménagère, les démarches pour médicaliser le logement. Et puis les moments de crise : les brusques pertes d’autonomie, l’aggravation de la maladie, les chutes, les hospitalisations, qui nécessitent un investissement accru, des appels et déplacements plus fréquents, des solutions à trouver rapidement pour s’adapter.

« Il faut se rendre disponible quoi qu’il arrive »

« Pendant ces périodes-là, on met le reste de notre vie perso entre parenthèses, il faut se rendre disponible quoi qu’il arrive. Au mois de juin, j’ai dû gérer simultanément des impératifs professionnels, la gestion de deux personnes gravement malades, une représentation théâtrale. On tient en se disant que la situation est temporaire et en demandant de l’aide. Pour ma grand-mère, je peux compter sur deux couples de voisins, qui peuvent réagir beaucoup plus rapidement que moi en cas de problème. Il faut continuer de s’écouter, connaître ses limites, se ménager des petits moments de récupération, car si on n’est pas en forme on ne tiendra pas sur la durée. »

Comme la plupart des salariés aidants, Aurélia souhaiterait que ses journées comptent plus de 24 heures : « On court après le temps et il n’y a pas un moment où on ne pense pas aux personnes qui ont besoin de nous. On a deux cerveaux qui tournent à plein régime : celui du travail et celui du reste. On peut débrancher le premier, en prenant des vacances, mais pas le second. Et la plupart du temps, on switche de l’un à l’autre. Le télétravail facilite cette gymnastique et c’est d’ailleurs l’une des raisons pour lesquelles que j’ai choisi de postuler à la Mutuelle Générale ! »

Le télétravail, un précieux allié pour les aidants

L’entreprise propose en effet un accord télétravail très flexible : travail à distance l’essentiel du temps et présence 4 jours par mois au bureau minimum. À cela s’ajoute un dispositif très complet d’accompagnement des salariés aidants : « Dès le jour de mon arrivée, ma RRH m’a parlé des différents dispositifs existants dans l’entreprise : six jours de RTT supplémentaires dans l’année, l’existence d’un référent sur le sujet au sein de l’entreprise, d’un guide du salarié aidant et d’une plateforme de services, via laquelle on peut joindre un care manager, dont la mission est de chercher des prestataires, des partenaires et des financements en fonction des besoins des salariés aidants. Je l’ai sollicité dans le cadre du retour à domicile de ma grand-mère pour adapter éventuellement son logement. »

Le fait que l’entreprise traite le sujet libère la parole chez les collaborateurs, qui échangent entre eux des conseils et des bonnes pratiques : « On a besoin que notre employeur soit à l’écoute, car c’est générateur de stress de mener de front sa vie pro, sa vie de famille et l’accompagnement d’un proche en perte d’autonomie. Ça peut avoir des répercussions négatives sur notre travail :  retard parce que notre proche n’a pas envie qu’on le quitte le matin, absences inopinées. Si l’entreprise prend en compte cette donnée et propose des solutions pour aider le salarié à concilier ses différents agendas, ça diminue le niveau de stress, ça contribue à améliorer la performance du collaborateur, et tout le monde est satisfait. Les entreprises qui ont développé un dispositif autour du salarié aidant envoient un signal de solidarité fort. Elles peuvent en faire un réel atout de marque employeur et un élément de fidélisation de leurs collaborateurs. »

« Un salarié aidant n’est pas un salarié moins efficace »

Aux entreprises qui partent d’une page blanche en matière de politique d’accompagnement des aidants, Aurélia conseille de commencer par identifier les besoins des collaborateurs : « Cela peut se faire à travers une enquête anonyme qui débouchera sur une concertation entre différents acteurs : la médecine du travail, les instances de représentation du personnel, la direction, des managers ou même des salariés aidants qui acceptent de se faire connaître et de devenir porte-paroles. »

« Il faut également accompagner les managers pour qu’ils intègrent cette donnée et ne stigmatisent pas un collaborateur qui part plus tôt ou qui ne déjeune jamais avec ses collègues, parce qu’il doit aller rendre visite à ses parents. Il faut leur montrer que ces personnes-là ont des choses à apporter à l’équipe. On prend des décisions plus rapidement, on sait prendre du recul et prioriser. Ces soft skills peuvent être mises à profit dans le cadre professionnel et les RH peuvent sensibiliser les managers au fait qu’un salarié aidant n’est pas un salarié moins efficace. »

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