RH : comment donner les mêmes opportunités de carrière aux femmes et aux hommes
Sexisme ordinaire, stéréotype de genre, différences de durée entre congé paternité et congé maternité… Autant d’éléments qui peuvent rendre les évolutions professionnelles des femmes plus compliquées que pour leurs collègues masculins. Comment y remédier ?
« Ah c’est vrai ; j’oublie tout le temps ! On ne peut pas compter sur elle le mercredi ! », « Tu comprends bien qu’avec l’annonce de ta grossesse, on reparlera de ta promotion plus tard » : 80% des femmes ont entendu sur leur lieu de travail des remarques sexistes liées à la parentalité, selon une étude menée par le CSEP et l’Institut BVA auprès de 37 000 salariés et publiée en 2019.
Des commentaires inacceptables qui n’épargnent pas les hommes : 59% des pères ont déjà entendu des phrases du type : « C’est pas ta femme qui récupère tes enfants le soir ? », « Ton fils est malade ? Ta femme ne peut pas s’en charger ? »
Sanctionner les comportements sexistes
Aussi, le premier levier à actionner pour remédier à ce sexisme ordinaire est la condamnation ferme de ces propos : « Reconnaître le harcèlement et les comportements sexistes, cela passe par le fait d’en parler dans l’entreprise, de nommer ces dérives, de ne pas les laisser passer, sans pour autant stigmatiser les hommes, explique Juliette Mandrin, co-fondatrice de la plateforme elleboss, qui encourage l’entrepreneuriat au féminin. On a toutes vécu dans nos vies un moment où on s’est dit que le comportement d’un collègue ou d’un chef était limite. Il faut pouvoir en parler en toute confiance ! »
Informer les salariés sur leurs droits liés à la parentalité
Toujours selon l’enquête CSEP-BVA, 77% des femmes et 68% des hommes jugent que la parentalité est insuffisamment prise en compte dans l’organisation du temps et des lieux de travail. Alors que 66% des parents d’enfants de 0 à 3 ans font part de difficultés à articuler leur vie personnelle et leur vie professionnelle, selon une étude Insee de 2020. Preuve que les entreprises doivent se saisir du sujet à bras le corps et mettre au point une vraie politique parent-friendly si elles veulent attirer et fidéliser leur talents.
C’est la conviction de Selma El Mouissi, Lead Transformation chez Haigo, à l’origine avec Judith Aquien, Isma Lassouani et Clémence Pagnon du Parental Challenge. Leur mouvement propose des solutions, en libre-accès, pour mieux prendre en compte la parentalité dans l’organisation des entreprises. Il comporte un guide de 100 actions concrètes (dont deux tiers à coût zéro), et une charte d’engagement de 12 mesures signées par plus de 70 entreprises, comme Payfit, Openclassrooms, ou encore Dataiku : « On s’est aperçues que 50% des salariés qui s’apprêtent à devenir parent n’avaient pas connaissance de leurs droits. Nous proposons de les recenser dans un document accessible à tous les collaborateurs, à tout moment, car la parentalité débute dès le désir d’enfant. »
Le guide du Parental Challenge est également une mine d’informations pour les RH qui peuvent ainsi mettre à jour leurs connaissances, notamment sur les absences autorisées et rémunérées pour les parents engagés dans un parcours de PMA.
Augmenter la durée des congés second parents
Les différentes durées de congé entre les mères et les seconds parents renforcent également les inégalités entre les salariés et ce, dès le recrutement, signale Selma El Mouissi : « Certaines entreprises sont frileuses à l’idée de recruter une femme en âge d’avoir des enfants. Pour lutter contre ces biais culturels, il faut aider les recruteurs à déconstruire ces visions liées à la parentalité et rééquilibrer la durée des congés parentaux. »
Si le Parental Act a eu la vertu de déboucher sur l’allongement de la durée du congé du second parent à 28 jours, 41% des Français jugent cette évolution insuffisante, selon le baromètre Opinion Way pour Familles Durables, paru en 2021. 29% des personnes interrogées souhaitent que ce congé soit plus long et obligatoire.
Quelques entreprises françaises ont d’ores et déjà voulu aller dans ce sens en proposant un congé parental rémunéré à hauteur égale entre les deux parents. C’est le cas, entre autres, d’Aviva, de l’Occitane, de Novartis, de Kering, de Shine ou de Sanofi.
Donner l’exemple au plus haut niveau de l’entreprise
Cette évolution des mœurs ne peut être pérenne que si elle est soutenue par le top management, souligne Selma : « Même si toutes les entreprises ne peuvent pas se permettre de proposer des formations à la parentalité, on doit s’assurer, a minima, que les managers aient lu notre guide et qu’ils montrent l’exemple. Selon l’étude CSEP-BVA, seuls 78% des pères avaient pris leur congé paternité dans leur intégralité en 2018, dont seulement 47% des cadres dirigeants. Il y a fort à parier que depuis l’allongement du congé second parent, encore moins de cadres dirigeants le prennent en totalité. »
Favoriser le télétravail à des moments clés de la parentalité
Autre mesure forte du Parental Challenge en faveur de l’égalité professionnelle : permettre le télétravail à 100% pendant des moments clés de la grossesse et aux femmes en parcours de PMA qui vivent des effets secondaires pénibles. Ces aménagements permettent de limiter les arrêts de travail dans l’hypothèse où l’état de santé de la collaboratrice n’est, par exemple, pas compatible avec un temps de transport important mais lui permet d’effectuer ses missions depuis son domicile.
Selma El Mouissi incite également les entreprises à proposer un arrêt de travail de trois jours pour les femmes et les conjoints en cas de fausse couche et de leur offrir la possibilité d’enchaîner sur une période de télétravail, le temps de se remettre de cette épreuve.
Accompagner les retours de congé long
« On entend aujourd’hui de nombreuses femmes dire que leur départ en congé maternité n’a pas été facile et qu’à leur retour, on leur a confié des tâches subalternes », constate Juliette Mandrin.
Pour accompagner ces retours de congé long, il est bon de prévoir un vrai temps de re-onboarding avec le manager pour faire le point sur ce qui s’est passé dans le service et l’entreprise en l’absence du collaborateur et définir sa feuille de route. « Il ne faut pas oublier qu’on doit augmenter quelqu’un revenant de congé maternité ou d’adoption dans une proportion égale à la moyenne de l’ensemble des augmentations de son entreprise durant la durée de son absence. C’est une obligation légale », rappelle Selma.
Encadrer les horaires de réunion
Au-delà du cadre légal, l’entreprise peut agir dans l’organisation même du travail, en évitant les réunions tôt le matin ou tard le soir, pour ne pas exclure les parents, qui doivent accompagner ou aller chercher leur enfant, de ces moments où des décisions stratégiques peuvent être prises. « Qu’ils soient parents ou non, tous les salariés tireront profit de ce meilleur équilibre vie pro/vie perso », fait valoir Selma.
Se baser sur des critères objectifs lors des entretiens annuels
Les biais de proximité peuvent, eux aussi, avoir un impact dans une décision d’augmentation et de promotion et engendrer un traitement inéquitable entre membres d’une même équipe, comme le fait remarquer la Lead Transformation : « Certains seront plus disponibles que d’autres pour participer à des moments de sociabilisation informelle : des pots après la journée de travail, des activités de team building en soirée ou le week-end… Pour éviter que ces liens tissés en-dehors du bureau n’aient trop d’influence, il faut fixer au salarié des objectifs concrets, clairs, transparents et mesurables, qui serviront de base à la discussion lors de l’entretien annuel. »
Assurer l’accès aux mêmes formations pour les femmes et les hommes tout au long de leur carrière
La co-fondatrice d’elleboss appelle, quant à elle, les entreprises à se défaire « du stéréotype des compétences genrées » : « Certaines femmes peuvent se sentir mises à l’écart de formations consacrées aux postures managériales, de sessions de coaching dédiées à l’affirmation de soi, au leadership, parce que ce sont parfois des compétences jugées à tort masculines. L’entreprise doit, au contraire, garantir l’égal accès à l’ensemble de son catalogue de formation aux femmes et aux hommes. »
Mettre en place des services pour alléger la charge mentale des collaborateurs
Alors que la charge mentale liée à la vie familiale et à l’intendance du foyer incombe encore largement aux mères, Juliette Mandrin, invite les entreprise à proposer à leurs collaborateurs des conciergeries ou des services qui aident les parents à trouver des modes de garde pour leurs enfants, y compris en urgence. Car, selon une étude Filapi réalisée auprès de 1 800 familles françaises ayant des enfants de 3 à 10 ans, un problème ponctuel de garde d’enfant génère près de 4 heures d’inefficacité au travail (coups de téléphone, interruption de journée…) et se traduit par un coût trois fois supérieur pour l’entreprise à celui d’une solution d’urgence proposée proactivement.
Encourager les femmes à entreprendre
Enfin, les entreprises ont un rôle à jouer pour encourager les femmes à se lancer dans l’entrepreneuriat, d’après Juliette Mandrin : « A la tête des 26 licornes françaises, on ne compte qu’une femme… Les entreprises doivent sensibiliser les femmes à l’entrepreneuriat dès le lycée. C’est important de montrer à ces jeunes filles que c’est à leur portée et que l’entrepreneuriat n’a jamais été aussi facile pour les femmes, avec des garanties de prêt, des parcours de formation pris en charge par le CPF, des programmes de la CCI dédiés aux femmes ! »