Le productivity theater, un vrai travail… d’acteur !

Le mot RH de la semaine. Vesna Pajovic, recruteuse au Mercato de l’Emploi, revient aux sources de cette mise en scène du travail.

Le productivity theater, un vrai travail… d’acteur !
Il est important de travailler intelligemment et de prendre le temps de se détendre et de recharger ses batteries. © Andrey Popov / Adobe Stock

« Tout le monde a en tête ce collègue qui donne toujours le sentiment d’être débordé ! Le terme de productivity theater (ou “productivité d’apparence”) représente l’ensemble des stratagèmes mis en place par un salarié pour faire croire à son employeur ou à ses collègues qu’il travaille d’arrache-pied. Désormais, cette “comédie du travail” se manifeste aussi bien chez les travailleurs à distance que ceux au bureau. Alors, comment contrecarrer ce phénomène ? »

Faire semblant de travailler

« En télétravail ou au bureau, la faculté de certains collaborateurs à faire croire qu’ils sont débordés a déjà été observée à maintes reprises par chacune et chacun d’entre nous… Récemment, des salariés d’une grande banque américaine ont été licenciés pour avoir fait semblant de travailler à distance. Plusieurs de ses employés s’étaient organisés pour donner l’illusion d’un travail scrupuleux en simulant une activité sur leur clavier d’ordinateur. De plus en plus d’employeurs tentent d’utiliser la technologie pour surveiller la productivité de leurs salariés. Certains salariés ont trouvé la parade pour ne pas être repérés en diffusant des vidéos factices ou en utilisant des simulateurs de mouvement de souris appelés jigglers. L’objectif : garder les écrans d’ordinateurs éveillés et tromper les logiciels de surveillance en leur faisant signaler que tout le monde est à la tâche. »

Quelques illustrations

« Il est important de rappeler que la productivité ne se résume pas à travailler dur et à paraître occupé. Ces subterfuges représentent quelques-uns des comportements les plus courants de ce simulacre de travail :

– l’employé qui répond à un e-mail très urgent… à 23h59

– l’énorme pile de dossiers sur le bureau

– assister à des réunions inutiles

– la réunion interminable

– le « faux » déjeuner d’affaires

– le collaborateur qui reste au bureau tard, même si son travail est terminé

– l’employé qui envoie des e-mails à ses collègues à toute heure de la nuit

– le salarié qui se vante de sa charge de travail

– le salarié qui répond rapidement à un courriel ou à un message instantané

– garder l’écran d’un ordinateur portable actif lorsqu’on ne travaille pas

– programmer l’envoi d’un courriel à une date ultérieure

– effectuer des recherches supplémentaires pour rester occupé. »

Les raisons de cette “fausse productivité”

« L’essor du travail à distance, provoqué par la pandémie, a conduit de plus en plus d’entreprises à utiliser des plateformes comme Microsoft Teams et Slack pour garder le contact avec les collaborateurs. Sans ces outils, la communication entre équipes décentralisées et distantes aurait été impossible. Revers de la médaille : ces outils permettent aussi de surveiller les employés, par exemple quand et combien de temps ils sont en ligne et leur rapidité de réponse à un message. Cela peut alors faire craindre que si une personne n’apparaît pas présente et disponible sur ces types de plateformes, on supposera qu’elle ne travaille pas. Bien sûr, il y a toujours ceux qui sont adeptes du moindre effort et qui arrivent à faire illusion. Mais, ce comportement peut aussi traduire une peur du collaborateur vis-à-vis du manager. Montrer une forme d’agitation et d’omniprésence de la part du collaborateur, fût-elle fictive, vise à être mieux valorisé par le manager, et éviter toute sanction potentielle. Le salarié peut souhaiter que son comportement soit reconnu avant tout par ses managers, puis par ses pairs, les chefs de service et enfin par l’équipe de direction de l’entreprise. »

Distinguer “l’agitation” des résultats tangibles

« Il est important de travailler intelligemment et de prendre le temps de se détendre et de recharger ses batteries. Au lieu de surveiller scrupuleusement les heures travaillées ou les e-mails envoyés, les entreprises devraient créer une culture dans laquelle elles mesurent les performances en fonction des résultats réels. Des objectifs clairement définis par les managers aident les salariés à prioriser le travail qui a le plus d’impact. Cela permet également aux collaborateurs d’accomplir leur travail de la manière la plus productive et responsable. Il est possible de s’absenter de son ordinateur pour se concentrer sur une tâche. Ce qui compte, c’est le résultat. Certaines entreprises utilisent un logiciel de surveillance de leurs salariés pour prendre régulièrement des captures d’écran de l’écran de son poste de travail ou suivre exactement le nombre d’heures passées à travailler activement sur un ordinateur. Ce n’est pas un bon signal envoyé aux collaborateurs. Il faut plutôt valoriser les objectifs et l’obtention des résultats. Il ne faut pas nécessairement se focaliser sur le temps consenti par le salarié pour les obtenir.

Ainsi, s’il n’existe pas de système de gestion des performances, qui indique clairement les objectifs de quelqu’un ainsi que ses tâches quotidiennes, hebdomadaires et mensuelles à accomplir, alors les salariés seront plus enclins à essayer de montrer à l’extérieur qu’ils travaillent ou qu’ils sont occupés. »

Bien s’équiper pour bien recruter