L’opting out, ou ces femmes qui quittent leur job au sommet de leur carrière

Le mot RH de la semaine. Sarah Huet, co-fondatrice de AFemaleAgency, dévoile les coulisses de ce choix, souvent contraint, qui pénalise l’évolution professionnelle des femmes.

Le retrait de sa vie professionnelle au faîte de sa carrière concerne bien plus de femmes que d'hommes.
Le retrait de sa vie professionnelle au faîte de sa carrière concerne bien plus de femmes que d'hommes. © Lightfield Studios/stock adobe.com

« L’opting out, c’est lorsque des femmes au sommet de leur carrière jettent l’éponge pour rentrer à la maison, le plus souvent pour s’occuper de leur famille. Un choix qu’elle ne font pas toujours de gaieté de cœur. »

« Ce phénomène est beaucoup plus documenté aux Etats-Unis qu’en France, où les premiers travaux sérieux à ce sujet ont été publiés en mars 2023, par Viviane de Beaufort, professeure à l’Essec. Elle y parle de ‘’pas de côté de femmes dirigeantes’’, un euphémisme pour parler de femmes qui quittent leur job pour revenir à la maison. 44% des femmes interrogées par la chercheuse dans le cadre de son étude qualitative, ont refusé une proposition de nomination à un poste exécutif. »

Inégalités salariales et plafond de verre

« Pour quelles raisons ces femmes bardées de diplômes et très expérimentées prennent-elles cette décision de se retirer ? Les motivations sont multiples, mais on retrouve dans le trio de tête :

  • Les inégalités salariales et le plafond de verre qui demeurent. Les femmes gagnent encore, aujourd’hui, environ 24% de moins que les hommes à poste et diplôme égaux
  • La charge mentale et organisationnelle de la parentalité, qui repose bien plus souvent sur les femmes
  • Une bro culture et un monde du travail encore façonné d’après des standards masculins, avec son lot, notamment d’afterworks, de réunions planifiées tard… »

Quelles marges de manoeuvre côté RH ?

« Pour limiter des décrochages de carrière au féminin, les RH peuvent jouer sur différents tableaux :

  • Impliquer plus de femmes dans les process de recrutement, pas seulement des RH mais également des managers. Et notamment inviter des femmes occupant des fonctions à haute responsabilité à mener les entretiens d’embauche.
  • Mieux prendre en compte la parentalité dans la vie des entreprises, par exemple en n’organisant pas de réunion après 18h ou en garantissant une flexibilité horaire. On peut avoir des enfants et être ambitieux professionnellement ! Mais cela suppose qu’il y ait suffisamment de places d’accueil pour garder ses enfants. Les entreprises peuvent aussi inciter davantage de pères à prendre leur congé paternité en maintenant leur rémunération à 100% durant toute sa durée.
  • Faire émerger des rôles modèles, par l’organisation de conférences inspirantes de femmes qui ont réussi
  • Mettre en place des séances de coaching pour les femmes manager, notamment au moment de leur prise de poste
  • Mettre un terme à toute forme d’inégalité salariale et donner les mêmes opportunités de progression aux femmes qu’aux hommes. A cet égard, les lois Copé-Zimmermann (2011) et Rixain (2022), imposant, respectivement, des quotas de femmes dans les conseils d’administration et de surveillance (de l’ordre de 40% de femmes), et au sein des instances dirigeantes (30% d’ici 2027 et 40% d’ici 2030), vont dans le bon sens
  • Sanctionner systématiquement les remarques et les comportements sexistes. La nouvelle vague MeToo qui a déferlé sur le cinéma français rappelle la nécessité de mettre fin au harcèlement et aux agressions qui visent les femmes. Il faut que ces pratiques cessent !
  • Favoriser le développement et le dialogue avec des réseaux professionnels féminins. Les hommes se retrouvent plus naturellement au sein de clubs d’investisseurs, sportifs ou culturels… Ces espaces d’échanges informels leur permettent de se souder, de s’entraider, de se coopter. Par conditionnement social, les femmes ont moins accès à ces cercles de sociabilité. Elles ont tout intérêt à créer les leurs pour pouvoir s’y rencontrer. »

Un sujet qui dépasse les frontières de l’entreprise

« On aurait tort de dire que l’opting out n’est qu’un sujet d’entreprise face auquel les DRH seraient seuls. C’est aussi une question de société dont doivent s’emparer les pouvoirs publics, les médias, mais aussi chaque individu, en particulier à travers l’éducation de ses enfants. »

Bien s’équiper pour bien recruter