Le « career scrolling » : le coaching pro en mode réseaux sociaux

Le mot RH de la semaine. Leticia Figino, experte en recrutement au Mercato de l’Emploi, revient sur cette pratique en pleine expansion chez les jeunes qui entrent sur le marché du travial.

career scrolling
« Reddit s'est imposé comme le mentor professionnel préféré de la génération Z. » © PixieMe/stock adobe.com

« Face au maquis des dispositifs de conseils en évolution de carrière, la Gen Z, biberonnée au digital, trouve instinctivement les réponses à ses questionnements professionnels sur son terrain de jeu favori : les réseaux sociaux. Comment les DRH peuvent-ils tirer parti de cette tendance ? »

TikTok, Reddit et les autres…

« TikTok, Reddit et Discord sont devenus une nouvelle boussole pour guider la jeune génération, en plein questionnement sur son avenir professionnel ou les tracas quotidiens du bureau. Ces plateformes, axées traditionnellement sur le divertissement, sont détournées de leur objet et viennent se substituer à l’expertise de professionnels. Une agora numérique où chacun vient poster et consulter des conseils sur des problématiques bien précises (surcharge de travail, boss “imbuvable”…) suivant la loi algorithmique. »

« Selon une enquête récente de Gateway Commercial Finance, 63 % des travailleurs de la Gen Z ont puisé des conseils de carrière directement sur ces plateformes. Plus frappant encore, près d’un quart (22 %) ont même démissionné après avoir été influencés par des contenus publiés sur ces espaces. Le mentor n’est plus le Conseil en évolution professionnelle (CEP) ou le collègue averti, mais le “quidam”, porteur d’une vision simple, directe et radicale. Toutefois, il faut noter que “viral” n’est pas synonyme de “vrai” : nombre de conseils sont décontextualisés (pays, secteur, statut) et doivent être vérifiés avant d’agir. »

Une hiérarchie des priorités

« Reddit s’est imposé comme le mentor professionnel préféré de la génération Z, utilisé par 57 % des répondants pour des conseils professionnels, suivi de YouTube (44 %) et de TikTok (37 %). Les subreddit “r/emploi” ou « r/AntiTaff » sont des mines d’information pour les utilisateurs en quête de soutien, de conseils pratiques, et de retours d’expérience sur les incertitudes du parcours professionnel. Fait intéressant relevé dans l’étude : les conseils les plus populaires que la Gen Z glane en ligne ne sont pas des stratégies d’optimisation de CV, mais des leçons de survie professionnelle. Les conseils les plus prisés incluent la fixation de limites strictes au travail (44 %), le ciblage de types d’emploi spécifiques (41 %) et le rejet de l’idée de « se surpasser » sans rémunération (36 %). Cette hiérarchie confirme que la Gen Z est profondément sélective, privilégiant le sens, la culture d’entreprise et l’équilibre vie professionnelle-vie personnelle sur les marqueurs traditionnels de réussite. »

Les exigences non-négociables : un nouveau contrat social

« Cette génération a cristallisé ses besoins en une hiérarchie claire, qui devrait servir de feuille de route à tout employeur souhaitant recruter et retenir ces talents :

  • Des managers qui respectent les limites (65 %). L’humain prime sur l’exécution aveugle. Un bon manager n’est plus celui qui pousse à l’excellence à tout prix, mais celui qui protège son équipe du burn-out.
  • Des structures salariales transparentes (61 %). L’opacité salariale, perçue comme un piège et une injustice systémique, est un deal-breaker absolu. La Gen Z exige l’équité salariale visible.
  • Des horaires de travail clairement définis (47 %). Le flou sur la charge de travail et les attentes temporelles génère un stress insupportable. La culture du « toujours disponible » est rejetée en bloc.
  • Le télétravail comme pratique standard (46 %). La flexibilité n’est plus un avantage négociable ; c’est une attente de base, au même titre que le salaire. »

Un enjeu pour la marque employeur

« La Gen Z n’utilise pas les réseaux sociaux simplement pour se plaindre. Elle en fait son coach de carrière virtuel et son “juge” de l’employabilité. Cette tendance signale un changement d’attitude profond et durable dans le rapport au travail. Pour les employeurs, le message est limpide : la Gen Z ne se contentera plus d’une vie au service d’un CV. Ils travaillent pour vivre, et non l’inverse. Les entreprises doivent donc cesser de « vendre un mirage » lors du recrutement et commencer à offrir un environnement de travail qui valorise l’humain autant que le profit. Si ce n’est pas le cas, TikTok les enverra tout simplement ailleurs… »

« Face à cette révolution silencieuse, les directions des ressources humaines ont tout intérêt à :

– observer activement ces plateformes pour comprendre les vraies attentes et frustrations des jeunes talents (social listening sur #WorkTok, #CareerTok, r/AntiTaff, r/emploi ; cartographier 10 irritants récurrents) ;

– adapter leur communication en adoptant un ton plus authentique, moins corporate (FAQ candidats, sessions “Ask Me Anything” RH / managers trimestrielles) ;

– repenser leurs politiques RH en intégrant ces exigences non-négociables (publication des fourchettes salariales et des règles de progression) ;

former leurs managers à cette nouvelle génération qui fait passer l’authenticité avant l’autorité ;

– mesurer leur e-réputation employeur sur ces canaux informels mais ultra-influents.

Ainsi, pour connaître les aspirations réelles des jeunes générations, les DRH peuvent, eux aussi, trouver leurs réponses sur Discord, Reddit ou TikTok. »

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Bien s’équiper pour bien recruter