Laïcité : quelle place pour la conviction religieuse des salariés en entreprise ?

Le licenciement d’une salariée qui avait refusé de prêter serment par conviction religieuse a été jugé abusif par la Cour de cassation. Jusqu’où un employeur peut-il se prévaloir du principe de laïcité en entreprise pour sanctionner ces collaborateurs ?

Un équilibre est à trouver entre respect des croyances de chacun et respect de la laïcité en entreprise.
Un équilibre est à trouver entre respect des croyances de chacun et respect de la laïcité en entreprise. © VectorMine/stock adobe.com

Novembre 2007. Une employée de la RATP doit prononcer un serment pour passer du statut de stagiaire à celui de salariée permanente : « Je jure et promets de bien et loyalement remplir mes fonctions et d’observer en tout les devoirs qu’elle m’impose ». Elle ne souhaite pas prononcer cet engagement en ces termes au motif que sa foi chrétienne l’empêche de jurer et propose donc une formule alternative de son employeur. Refus net de ce dernier qui procède à un licenciement pour faute grave.

Respect de la liberté de conscience

Juillet 2021. La Cour de cassation vient de juger ce licenciement abusif. Dans sa décision, la juridiction suprême fait valoir que le respect de la liberté de conscience « impose de permettre à une personne qui prête serment de substituer à la formule « je le jure » une formule équivalente d’engagement solennel », de type « je promets solennellement ».

La Cour de cassation a condamné la RATP à verser des indemnités à la salariée licenciée mais n’a toutefois pas condamné la RATP pour discrimination, estimant que l’entreprise n’avait pas décidé ce licenciement en raison des croyances religieuses de la collaboratrice.

Cette décision repose la question de la place de la conviction religieuse en entreprise, à l’heure où le fait religieux progresse en entreprise, selon le dernier baromètre de l’Observatoire du fait religieux en entreprise (OFRE) et de l’institut Montaigne, publié début mai 2021. Selon ces chiffres, deux tiers des managers observent, régulièrement ou occasionnellement, des faits religieux au travail, contre 22% en 2012. Comment concilier respect des croyances de ses collaborateurs et du principe de laïcité en entreprise ?

Que prévoit la loi ?

Un employeur ne peut pas interdire à son salarié d’avoir une conviction religieuse ni se servir de celle-ci pour le sanctionner ou le discriminer, précise le Code du travail. Autrement dit, la foi religieuse ne doit pas être un motif de rejet de candidature lors d’un entretien d’embauche et ne peut constituer un motif de licenciement.

En revanche, le droit de manifester sa religion sur son lieu de travail peut être encadré s’il est justifié par la nature de l’activité du collaborateur (contact avec le public, règles de sécurité ou d’hygiène…). Ces éléments doivent être précisés dans le règlement intérieur de l’entreprise.

« Le règlement intérieur peut contenir des dispositions inscrivant le principe de neutralité et restreignant la manifestation des convictions des salariés si ces restrictions sont justifiées par l’exercice d’autres libertés et droits fondamentaux ou par les nécessités du bon fonctionnement de l’entreprise et si elles sont proportionnées au but recherché », peut-on lire dans le Code du travail.

Ce qui est autorisé

Les salariés peuvent porter un vêtement ou un signe religieux (bijoux…) sur leur lieu de travail, à condition que celui-ci soit compatible avec les règles de sécurité et sanitaires liées au poste occupé (équipement de protection obligatoire…).

La collaborateur peut faire la demande d’un congé pour fête religieuse ou d’un aménagement d’horaires lié à la pratique de sa religion. Mais l’employeur est en droit de refuser.

Le salarié peut prier sur son lieu de travail durant son temps de pause. Cependant, son employeur est en droit d’interdire la prière si elle a lieu pendant le temps de travail ou perturbe le travail des autres collaborateurs.

Ce qui est interdit

La loi du 11 octobre 2010 interdit la dissimulation du visage dans l’espace public. Les employés ne sont donc pas autorisés à se couvrir le visage (cagoule, voile intégral…) s’ils travaillent au sein d’un lieu ouvert au public (commerce, espace de loisir, banque, gare…) ou d’un organisme chargé de service public (clinique privée, caisse primaire d’assurance maladie). Cette interdiction ne concerne pas les salariés travaillant dans une entreprise sans contact avec le public.

Un salarié ne peut pas refuser d’effectuer une mission pour laquelle il a été embauché au motif que sa religion le lui interdit. Il ne peut pas non plus se soustraire aux visites médicales obligatoires pour motif religieux.

Enfin, toute activité de prosélytisme religieux en entreprise est sanctionnable par l’employeur.

Bien s’équiper pour bien recruter