Le « glue work », ces clichés qui collent à la peau des femmes

Le mot RH de la semaine. Vesna Pajovic, recruteuse au Mercato de l’Emploi, met en lumière ces tâches non valorisées, mais essentielles au bon fonctionnement des équipes, souvent exécutées par des femmes.

Le « glue work » a des conséquences directes sur la progression professionnelle des femmes.
Le « glue work » a des conséquences directes sur la progression professionnelle des femmes. © Lustre Art Group/stock adobe.com

« Le concept de glue work, popularisé par l’experte en management Tanya Reilly, met en lumière une réalité souvent occultée dans le monde du travail : les tâches non valorisées, invisibilisées, et pourtant essentielles au bon fonctionnement des équipes, sont souvent occupées par des femmes. Comment l’expliquer ? Comment rectifier le tir ? »

Un travail qui crée du lien… et, pourtant, sous les radars

« Cette mission n’apparaît dans aucune fiche de poste. Elle est pourtant essentielle à la vie d’une équipe. Souvent invisible, non valorisé et non rémunéré, le glue work consiste à assurer la cohésion des équipes, à résoudre les conflits, à s’occuper de l’organisation logistique et à répondre aux demandes diverses et variées. Problème : les femmes effectuent une quantité disproportionnée de ce glue work et ne sont pas reconnues en tant que telles. Cette situation perpétue non seulement les inégalités de genre au travail, mais prive également les entreprises d’une reconnaissance formelle de contributions vitales à leur fonctionnement. Cette tendance révèle les failles de nos systèmes d’évaluation professionnelle, qui peinent à valoriser les compétences relationnelles et organisationnelles. Elle traduit également l’urgence d’une refonte de nos cultures d’entreprise pour promouvoir une reconnaissance plus équitable de toutes les formes de travail. »

Pourquoi les femmes sont-elles plus enclines à effectuer ce type de tâches ?

« Ce phénomène s’explique par trois raisons principales :

  1. Conformité aux stéréotypes de genre : les femmes sont perçues comme naturellement empathiques et collaboratives. Ces stéréotypes les poussent à assumer ces responsabilités, parfois pour éviter d’être jugées égoïstes ou peu impliquées.
  2. Recherche d’harmonie relationnelle : elles acceptent ces tâches pour maintenir de bonnes relations au travail, éviter les tensions ou renforcer leur intégration dans l’équipe, même si cela ne bénéficie pas directement à leur carrière.
  3. Perception erronée de la valorisation du glue work : certaines femmes considèrent, à tort, que ces contributions renforceront leur visibilité et leur reconnaissance professionnelle. En réalité, ces tâches sont souvent sous-évaluées dans les systèmes traditionnels de progression de carrière.

Ces dynamiques reposent donc sur des biais culturels et organisationnels qui perpétuent l’inégalité dans la répartition des responsabilités. Pour y remédier, une prise de conscience collective et une révision des pratiques d’évaluation du travail sont indispensables, afin de valoriser équitablement toutes les contributions au sein des équipes. »

Les conséquences du glue work sur la carrière des femmes

« Le glue work a des conséquences directes sur la progression professionnelle des femmes :

  • Limitation des opportunités : en consacrant une part importante de leur temps à des tâches non valorisées, les femmes ont moins de temps et d’énergie à consacrer à des projets à fort enjeu qui pourraient leur permettre d’évoluer.
  • Sous-évaluation des compétences : les compétences développées grâce au glue work (leadership, gestion de projet, résolution de conflits) sont souvent sous-estimées par rapport aux compétences techniques.
  • Renforcement des stéréotypes de genre : en effectuant une majorité de tâches liées aux relations humaines, les femmes renforcent l’idée qu’elles sont plus adaptées à certains types de rôles. »

Comment lutter contre le glue work et favoriser l’égalité professionnelle ?

« Pour lutter contre le glue work et favoriser l’égalité professionnelle, plusieurs actions peuvent être mises en œuvre :

  • Sensibiliser les entreprises et les managers : il est essentiel de sensibiliser les entreprises et les managers à l’existence du glue work et à ses conséquences.
  • Valoriser toutes les compétences : les compétences développées grâce au glue work doivent être reconnues et valorisées au même titre que les compétences techniques.
  • Redistribuer les tâches : les tâches liées au glue work doivent être réparties de manière équitable entre tous les membres de l’équipe.
  • Encourager la prise de parole : les femmes doivent être encouragées à exprimer leurs besoins et à refuser les tâches qui ne leur permettent pas de progresser.
  • Mettre en place des politiques de diversité et d’inclusion : ces politiques doivent viser à créer un environnement de travail plus équitable, où tous les collaborateurs se sentent valorisés et respectés.

La tendance du glue work invite les entreprises à repenser fondamentalement leur conception du travail et de la valeur. Elle les pousse à créer des environnements professionnels où chaque contribution, visible ou invisible, est reconnue à sa juste valeur. C’est un défi à relever collectivement pour construire un avenir professionnel plus équitable et plus efficace.»

Bien s’équiper pour bien recruter