Egalité hommes-femmes : comment rendre le monde du travail plus inclusif
Comment réinventer le monde du travail, imaginé par et pour les hommes, pour que les femmes s’y sentent mieux ? La question peut sembler provocatrice. Elle repose pourtant sur des faits irréfutables.
Dans son livre, Merci mais non merci, Céline Alix explique qu’il est grand temps de repenser les pratiques du monde du travail. A commencer par le moule auquel les femmes sont censées se conformer pour réussir professionnellement, mais qui n’a pas été façonné pour elles. Un ouvrage basé sur des témoignages de femmes qui occupaient des postes à responsabilité (DRH, directrice juridique, artistique ou éditoriale, directrice du marketing, de la communication…) et ont choisi de démissionner.
A la genèse de ce livre, un constat : de plus en plus de femmes abandonnent leur poste prestigieux, leur brillante carrière. Pourquoi ? Selon une analyse empruntée par l’auteure à la sociologue Pamela Stone, leurs raisons « tiennent davantage aux défaillances du monde professionnel, peu adapté aux valeurs et aux besoins des femmes, qu’à un prétendu désir personnel et typiquement maternel qui, selon un mythe largement entretenu par les médias, pousserait ces dernières à tout arrêter pour se consacrer exclusivement à leurs enfants ».
Un modèle du travail périmé
Les figures parentales
Exemple paradoxal, les femmes ont « entendu leurs mères leur répéter qu’elles devaient impérativement gagner leur vie et travailler tout autant et comme les hommes, mais les ont vues, dans les faits, passer beaucoup de temps à la maison ». Dans le même temps, ces femmes ont été encouragées par leur père à faire aussi bien qu’eux. Mais, nuance Céline Alix, « ils n’avaient aucune idée des défis et des enjeux professionnels spécifiques auxquels ces dernières allaient être confrontées ».
Des pratiques d’un autre âge
Les femmes interrogées par Céline Alix dénoncent quatre comportements qu’elles jugent plus répandus chez les hommes :
- Les manœuvres politiques : certains hommes mettraient en place des stratagèmes d’influence (intimidation, renvoi d’ascenseur, copinage…) pour parvenir à leurs fins plutôt que de miser sur leur seul mérite ;
- La fanfaronnade : se faire mousser auprès de leurs chefs, monopoliser la parole ou la couper en réunion…
- Le sexisme : « Il y a celle à qui son directeur reprochait de ne pas porter assez de jupes, celle à qui l’on avait expliqué qu’elle ne pouvait pas faire partie du comité de direction parce que cette fonction était incompatible avec sa vie de famille, ou encore celle, seule avocate associée parmi onze hommes, qui n’était tout simplement jamais conviée aux pots du vendredi soir qu’organisaient entre eux les dix autres partners. »
- La culture du présentéisme : réunions planifiées tard le soir ou tôt le matin, demandes d’ajustements d’horaires ou de congé sabbatique rejetées…
« Le monde professionnel actuel, avec ses horaires de travail fixes, ses rituels de réunions et de reporting et sa culture du surinvestissement présentiel, a été élaboré à une époque où les femmes n’y avaient aucune place et se chargeaient de l’intégralité des aspects de la vie du foyer, note l’auteure. Lorsque celles-ci sont arrivées sur le marché du travail, il y a une cinquantaine d’années, rien n’a été prévu, d’une part, pour leur faciliter l’entrée dans ce monde qui avait été imaginé exclusivement par des membres de l’autre sexe et, d’autre part, pour répondre à la question de qui allait désormais s’occuper des aspects domestiques pendant que les hommes et les femmes travaillaient. »
Deux modèles caricaturaux de réussite au féminin
Les femmes sont-elles condamnées à devenir femme parfaite (celle qui réussit tout : sa vie pro, son couple, ses enfants, ses vacances, sa maison, ses amis, son apparence…) ou superwoman (celle qui s’est conformée au modèle masculin dominant pour réussir) pour s’accomplir professionnellement ? Heureusement, non ! Une troisième voie existe, mais elle suppose de promouvoir l’équilibre entre les moments de vie et de repenser la nature du pouvoir professionnel.
Des solutions pour un monde du travail plus inclusif
Une approche sororale
Ce monde inclusif ne pourra naître que si les femmes s’allient. Pour en finir avec les rivalités professionnelles féminines, l’auteure appelle à privilégier une approche sororale : ne jamais nuire volontairement à une femme, ne jamais provoquer le mépris envers une femme, privilégier une femme, à niveau de compétences égales dans le cadre d’un recrutement ou d’une promotion, s’entraider en mettant en place des actions de mentorat.
De nouveaux espaces-temps de travail
Les femmes souhaitent passer moins de temps « inutile » au bureau, ce fameux temps perdu par certains en gesticulations par pur arrivisme. « Celles qui sont mères, très concrètement, souhaitent essentiellement quatre choses (de manière très simplifiée, chaque situation individuelle étant évidemment différente) : emmener leur enfant chez le pédiatre en cas d’urgence, aller le chercher à la sortie de l’école de temps en temps, dîner avec lui et ou vérifier ses devoirs deux ou trois fois par semaine, assister à son spectacle de judo/chorale/danse une ou deux fois par an. Il ne s’agit que de quelques heures hebdomadaires ou l’équivalent de deux demi-journées par mois. Il s’agit surtout, pour ces femmes, d’avoir le droit, l’idée, cette fenêtre dans leur esprit, la liberté donc de savoir qu’elles peuvent s’échapper, quitter leur poste et sortir des quatre murs de leur bureau, pour un temps, sans avoir à demander, à se justifier, à culpabiliser. »
Une flexibilité qui pourrait bénéficier à tous, y compris aux collaborateurs qui n’ont pas d’enfants mais souhaitent s’extraire de leur quotidien professionnel trépidant, une heure ou deux, pour aller se promener, faire du sport ou une course urgente. Un crédit-temps de deux ou trois heures par semaine, accordé par l’employeur à ces collaborateurs, à condition qu’ils restent joignables par mail, pourrait être un outil au service de cet équilibre pro/perso, propose Céline Alix.
Une nouvelle définition du pouvoir
Selon l’auteure, pour être plus inclusif, le pouvoir professionnel doit être envisagé :
- Au service de l’équipe et non de l’intérêt individuel,
- Comme un attribut ou un moyen d’action et non une possession,
- Au service de l’efficacité professionnelle et non comme instrument d’un rapport de force dominant/dominé.
Merci mais non merci, comment les femmes redessinent la réussite sociale, de Céline Alix, éditions Payot