« DRH est un métier exigeant, où l’on doute beaucoup, mais qui procure tant de joies ! »
DRH au ministère de l’Europe et des Affaires étrangères, Agnès Romatet-Espagne revient sur les trois chapitres de sa vie professionnelle et ses chantiers de transformation RH à l’œuvre.

Diplomate, communicante, DRH du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères : Agnès Romatet-Espagne a eu trois vies professionnelles. Plusieurs métiers, mais une constante : laisser la passion, les hasards et les rencontres guider ses choix.
Parmi la galaxie de métiers qui font vivre le ministère, ces trois spécialisations (la RH, les affaires économiques et la communication) se sont imposées à elle. « Des gens intelligents m’ont proposé de me faire grandir sur des compétences qu’ils avaient détectées. Je me suis ensuite spécialisée en fonction de mes goûts propres et de hasards qui ont très bien fait les choses. »
De son parcours, Agnès Romatet-Espagne a tiré une leçon qu’elle partage encore volontiers avec les agents du ministère : « Le job de vos rêves n’est pas forcément celui dont vous rêvez à un instant T. Pour ma part, il n’y a pas un poste que je regrette d’avoir accepté ! »
Laisser une trace et faire entendre la voix de la France
Sa carrière l’a conduite aux quatre coins du globe : Jordanie, Australie, Canada, Sénégal, Espagne. « Toutes ces destinations ont été des moments de grande satisfaction professionnelle, mais aussi d’épanouissement personnel, car le métier de diplomate est difficile à séparer du contexte familial », avance celle qui est partie vivre à l’étranger avec son mari, également diplomate, et ses quatre fils.
En feuilletant son carnet de route, elle s’attarde sur le pivot de coopérations sur les enjeux de l’eau et sur la valorisation de sites antiques en Jordanie, sur les travaux d’identification des terres rares et minerais critiques en Australie, sur le soutien à l’installation d’entreprises étrangères en France. « Je crois que ces chantiers, que nous avons menés collectivement, laissent encore des traces aujourd’hui. Cela me rend fière. »
Au moment des attentats du 11 septembre, elle occupe le poste de chargée du service de presse de l’ambassade de France au Canada. Elle doit alors faire entendre la voix de la France, dissonante dans le concert guerrier des nations ayant décidé d’intervenir en Irak : « La presse Murdoch éreintait la France, les journaux canadiens n’étaient pas en reste. Nous étions isolés mais il a fallu défendre notre point de vue et nous l’avons fait », se souvient-elle.
« Les bonnes personnes, au bon endroit, au bon moment »
Comment est-elle venue aux ressources humaines ? « Lorsque j’occupais des fonctions d’encadrement, je me posais souvent cette question :’’Est-ce que j’ai les bonnes personnes, au bon endroit, au bon moment ? ’’. Quand on est manager, on se dit qu’on aimerait bien convaincre le DRH de faire les choses différemment : sélectionner d’autres profils, former autrement, mieux accompagner les projets professionnels de nos agents, mieux gérer leurs frustrations… A un moment donné plutôt que de dire : ‘’J’aurais fait comme ça’’, j’ai accepté de le faire quand cela m’a été proposé ! »
« Ce poste de DRH, j’en rêvais sans le savoir. C’est un métier exigeant, où l’on doute beaucoup, mais qui procure tant de joies ! D’autant plus que j’exerce ce métier à un moment palpitant de profondes transformations. » A l’issue des Etats généraux de la diplomatie, début 2023, le Président de la République a demandé au ministère d’innover pour, entre autres, « rénover les carrières, professionnaliser la fonction RH, anticiper les nominations », mais aussi « continuer à s’adjoindre des talents venus d’ailleurs » et « mieux projeter les agents du Ministère partout où leur expertise peut être utile, au ministère et à la France ».
« Il faut donner de la lisibilité à nos parcours »
Des idées neuves, Agnès Romatet-Espagne en a rapporté de ses expériences en mobilité. Ses chantiers actuels sont nombreux et étroitement corrélés, car, « en RH, tout se tient ! ». L’un des grands enjeux est de « plus s’ouvrir à tous les visages de notre société pour que notre diplomatie soit plus à l’image de notre pays ».
Cela passe, en particulier, par : une refonte des concours, pour sélectionner des profils plus en adéquation avec les besoins, une révision de la GPEEC [gestion prévisionnelle de l’emploi, des effectifs et des compétences], une redéfinition des parcours professionnels, un travail sur la QVT au travers de l’animation de collectifs (de consuls, d’ambassadeurs, de secrétaires généraux d’ambassade…) et une ambition rehaussée pour nos formations.
« Même si nous ne souffrons pas encore d’une crise des vocations, il faut se préparer à cette hypothèse et être en mesure de proposer une perspective de carrière séduisante à ceux qui nous rejoignent. Nos parcours sont datés et n’accordent pas assez de place à la formation. Il faut leur donner de la lisibilité, de la prévisibilité. »
« On ne peut pas être RH si on n’aime pas les gens »
Agnès Romatet-Espagne souhaite également développer les actions en faveur de l’égalité professionnelle : le programme Tremplin a vu le jour l’an dernier pour faire sauter le plafond de verre, qui empêcherait certaines femmes de se porter candidates aux postes de direction. Son principe : accompagner des femmes du ministère, pendant une année, à travers des séances de coaching pour leur permettre de mieux se connaître et des formations à la prise de parole en public ou au management.
« Deux des 20 femmes accompagnées ont été nommées ambassadrices depuis. Au total, à l’été 2023, 44% des primo nominés étaient des ambassadrices, ce qui porte leur nombre à 54 dans le monde, soit 31,1% des ambassadeurs. Nous devons faire encore mieux et étendre ce programme à d’autres catégories d’agents. L’idée est de faire basculer les mentalités : on ne coache pas un agent parce qu’il n’est pas suffisamment bon, on investit sur ceux qui ont du potentiel ! »
Si elle n’a pas le sentiment d’avoir rencontré d’obstacles au cours de sa carrière, du fait de son genre, la DRH reconnaît avoir failli s’autocensurer : « On m’a proposé un poste de chef de cabinet d’un secrétariat d’État. Je venais alors d’accoucher de mon troisième garçon et mon aîné avait 4 ans. Je me suis dit que je n’en serais pas capable. Le directeur de cabinet m’a dit de venir le rencontrer et m’a assuré qu’on allait trouver une solution. Finalement, j’ai dit oui parce que je savais que j’allais adorer travailler avec cette personne. Je partais le soir avec des parapheurs, je profitais des siestes des enfants pour travailler le week-end. J’ai appris à travailler très vite. Discerner l’essentiel et l’urgent de l’accessoire. Aller droit au sujet qui compte. Ne pas écrire trop long. Je n’ai jamais regretté ce choix. »
Jamais de regrets et des convictions chevillées au corps : « On ne peut pas être RH si on n’aime pas les gens et les aider, y compris dans l’adversité, à donner le meilleur d’eux-mêmes. » Une chose est certaine : la passion d’Agnès-Romatet pour son métier est intacte, son envie aussi.