Discriminations à l’embauche : ce que contient la proposition de loi sur les testings

Une proposition de loi visant à généraliser les testings anti-discrimination va être examinée à l’Assemblée nationale d’ici la fin de l’année.

Le texte doit être débattu à l'Assemblée nationale d'ici la fin de l'année.
Le texte doit être débattu à l'Assemblée nationale d'ici la fin de l'année. © Sebastien Rabany/stock adobe.com

En 2019-2020, 18% des personnes de 18-49 ans disaient avoir subi « des traitements inégalitaires ou des discriminations », contre 14% en 2008-2009, selon une enquête de l’Insee publiée en juillet 2022. Dans son dernier rapport annuel, le Défenseur des droits constate que l’emploi demeure le principal domaine de discriminations.

Lutter contre les biais de recrutement

Comment expliquer la persistance de ces discriminations malgré un droit du travail condamnant fermement ces dérives ? « Ces pratiques sont des habitudes culturelles. Notre objectif est que les employeurs prennent conscience de leurs biais pour mieux lutter contre les discriminations à l’embauche. Celles-ci sont principalement liées à l’âge, à l’origine et à l’adresse du domicile des candidats », explique Marc Ferracci, vice-président du groupe Renaissance à l’Assemblée nationale, à l’origine d’une proposition de loi visant à généraliser les testings anti-discrimination.

L’enjeu du texte est double : « Changer les comportements des recruteurs et faciliter le recours juridictionnel pour les victimes de discriminations à l’embauche. » Pour ce faire, le député entend mobiliser une technique qui a déjà fait ses preuves : le testing sur CV, « la méthode la moins contestable pour mesurer les discriminations sur le marché du travail », précise une note du Conseil d’Analyse économique de juin 2020.

Ce procédé a mis au jour un certain nombre de comportements discriminatoires, poursuit le CAE : « Les femmes sont discriminées lorsqu’elles sont en âge d’avoir des enfants, notamment dans l’accès aux postes à responsabilité. À candidature équivalente, la probabilité pour les Français blancs d’être invités à un entretien d’embauche est de 50 à 100 % supérieure à celle de Français issus de minorités non blanches. (…) Les testings sur CV révèlent également que les seniors ont en moyenne 50 % de chances en moins que les jeunes d’être invités à un entretien d’embauche. »

Test statistique et test individuel

Plus précisément, la proposition de loi tend à généraliser deux types de test :

  • Le test statistique, qui consiste à envoyer à des recruteurs des candidatures fictives similaires, ne différant que par un critère de discrimination choisi, afin de voir si elles sont traitées différemment ;
  • Le test individuel est le fait, pour un candidat qui s’estime victime de discrimination à l’embauche, d’envoyer un autre CV, identique au sien à l’exception du critère sur lequel porte la discrimination supposée.

« On constate qu’il est difficile de constituer des preuves de discriminations de la part de personnes morales, comme les entreprises. Le testing individuel en est une et permet aux victimes d’obtenir réparation dans le cadre d’un recours juridictionnel. Aujourd’hui, cette possibilité existe mais est sous-utilisée car peu connue et difficile d’accès. Nous voulons donc proposer aux citoyens un service pour les appuyer dans leur démarche », souligne Marc Ferracci.

A l’inverse, le test statistique ne peut pas faire figure de preuve (car il repose sur des candidatures fictives) et ne peut s’appliquer qu’à des entreprises de taille significative : « Le but est de déceler les entreprises qui feraient apparaître des irrégularités, pour les accompagner dans l’évolution de leurs pratiques », développe le parlementaire.

Six mois pour adopter des pratiques vertueuses

Une fois la discrimination avérée, l’entreprise devra, dans un délai de six mois, prendre des mesures correctives, à travers un accord d’entreprise ou la mise en place d’un plan d’actions, sous peine de voir les résultats du testing divulgués.

« Le problème des testings statistiques actuels, c’est qu’ils sont parfois perçus comme illégitimes de la part des entreprises », remarque Marc Ferracci. Comme lors de la campagne de « name and shame » de 2019, qui avait affiché sept entreprises du SBF 120 pour leurs pratiques discriminatoires : « Les entreprises estimaient que les canaux de recrutement par lesquels les chercheurs leur avaient fait parvenir les candidatures n’étaient pas ceux privilégiés par leurs recruteurs. »

Un service public du testing anti-discrimination

Pour éviter ce type de procès, le texte propose de créer « un véritable service public des testings anti-discrimination », au sein de la DILCRAH (Délégation interministérielle à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT), avec un comité des parties prenantes (représentants des entreprises et des salariés, parlementaires, experts des tests statistiques…) « qui dialoguera, en amont, des méthodes de test et, en aval, de l’opportunité de publier les résultats ».

Ce service public fournira également aux entreprises un certain nombre d’outils labellisés pour faire reculer les discriminations à l’embauche : CV anonymes, modules de formation pour les managers qui recrutent… « Plusieurs études ont établi un lien entre diversité des recrutements et bonne performance économique ! Les entreprises ont compris qu’elles ont intérêt à diffuser leurs bonnes pratiques en matière de diversité, si elles veulent attirer une variété de profils et rester compétitives. »

Marc Ferracci espère faire examiner sa proposition de loi début décembre à l’Assemblée nationale pour une application au cours du premier trimestre 2024.

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Bien s’équiper pour bien recruter