Difficultés de recrutement : la faute à l’inadéquation des compétences ou au manque d’adaptabilité des employeurs ?
Comment expliquer les difficultés de recrutement auxquelles sont confrontées les entreprises françaises ?

Les entreprises françaises ont plus de 3 millions de projets de recrutement en 2022, selon la dernière enquête BMO (besoins en main-d’œuvre) de Pôle emploi. Mais 57,9% de ces projets sont jugés difficiles, soit 13 points de plus qu’en 2021 ! D’un autre côté, le nombre de demandeurs d’emploi demeure élevé (3,5 millions au 2e trimestres 2021). Mais comment expliquer ce décalage entre l’offre et la demande d’emploi ?
Une étude de la Dares, publiée le 18 mai 2022, avance quelques clés pour comprendre cette situation de tension sur le marché de l’emploi français.
L’inadéquation de compétences : principal obstacle à l’embauche ?
Dans l’enquête BMO, une majorité d’employeurs imputent leurs difficultés de recrutement au décalage entre leurs attentes et les compétences des candidats. Pour vérifier si ce diagnostic est juste, l’institut de données statistiques du ministère du Travail s’est principalement appuyé sur des données américaines à l’issue de la crise des subprimes en 2008-2009. Des résultats qui permettent de dresser un parallèle avec la conjoncture post-Covid.
Il en ressort que l’inadéquation des compétences n’est qu’une cause limitée du taux de chômage, de l’ordre de 15 à 20%, en fonction des études. Autrement dit, le fait que les demandeurs d’emploi ne recherchent pas un emploi dans les secteurs où il y a le plus de postes vacants ne constitue pas la principale source des difficultés de recrutement.
Autre donnée qui vient conforter cette thèse : selon l’étude, 90% des salariés français en poste estiment que leurs compétences correspondent à celles attendues par leur employeur.
Quelle part de responsabilité des employeurs ?
Se pose alors une autre question : quelle part de responsabilité incombe à l’employeur dans ces tensions sur le marché de l’emploi ? D’après l’étude, les efforts insuffisants pour s’adapter aux souhaits des candidats auraient plus d’impact que l’inadéquation des compétences pour expliquer ce phénomène.
Parmi les efforts que fournissent les entreprises en matière d’embauche, les chercheurs américains ont examiné plusieurs variables : le niveau de salaire proposé, les critères d’embauche, le budget alloué au recrutement, le nombre de candidats reçus en entretien.
Leur conclusion : le durcissement des critères d’embauche des recruteurs en période de récession économique est le principal frein au recrutement de nouveaux talents. « Lorsque la productivité agrégée diminue, la productivité des emplois diminue puisque, dans ce cadre, elle dépend non seulement de la productivité individuelle du salarié mais aussi de la productivité agrégée. Pour compenser cette baisse de productivité agrégée, les employeurs élèvent leurs critères d’embauche (c’est-à-dire le seuil minimal de productivité individuelle requis pour un candidat donné). Il en résulte une baisse de la part des relations d’emplois acceptables, puisque les salariés ayant une productivité suffisante pour être embauché ou que leur emploi soit préservé sont moins nombreux, et une réduction du nombre d’embauches pour un nombre donné d’emplois vacants », détaille la Dares.
De manière moindre, le manque d’ajustement à la hausse des salaires par les employeurs, n’incite pas non plus particulièrement les personnes en recherche d’emploi et ayant les compétences requises à postuler. Enfin, le déficit d’attractivité de certains secteurs, à cause de leurs conditions de travail difficiles, entre aussi dans l’équation.
Des critères moins exigeants et des salaires et conditions de travail plus attractifs
Les entreprises ont donc un rôle de premier plan à jouer pour réussir à surmonter leurs difficultés de recrutement en proposant de meilleures conditions de travail et des niveaux de salaire plus satisfaisants. Mais surtout en étant moins intransigeantes sur leurs critères de sélection des candidats.
Des efforts qui doivent être soutenus par les pouvoirs publics, estime la Dares : « Des politiques de subvention à l’embauche pourraient donc inciter les entreprises à accroître leurs efforts de recrutement et ainsi améliorer l’efficacité du processus d’appariement en complément des efforts d’accompagnement des demandeurs d’emploi. En France, la décision récente de Pôle emploi de davantage accompagner les entreprises rencontrant des difficultés de recrutement en leur proposant une solution pour les surmonter (méthode de recrutement par simulation, analyse de poste, présélection des candidatures, appui à la conduite d’entretiens, amélioration de l’attractivité de l’offre d’emploi, etc.) va également dans ce sens. »