Le congé de parentalité de 10 semaines : un outil au service de l’égalité femmes-hommes

Abeille Assurances (ex-Aviva France) a fait le choix, il y a cinq ans, de proposer à tous ses collaborateurs un congé de parentalité de 10 semaines rémunéré pour le deuxième parent, afin de renforcer l’égalité professionnelle hommes-femmes.

L'entreprise a décidé de mettre en place ce congé rémunéré de dix semaines en 2017.
L'entreprise a décidé de mettre en place ce congé rémunéré de dix semaines en 2017. © pololia/stock adobe.com

En novembre 2017, l’assureur a été l’une des premières entreprises françaises à mettre en place un congé de parentalité de 10 semaines ouvert à tous ses collaborateurs accueillant un enfant. Claire Danion, directrice des relations sociales chez Abeille Assurances, dresse un bilan très positif du dispositif.

Pourquoi avoir décidé d’instaurer ce congé de parentalité ?

Claire Danion : Cela fait plusieurs années que la parentalité est au cœur de nos réflexions et que nous travaillons à rééquilibrer les parcours des hommes et des femmes dans l’entreprise. L’égalité professionnelle est portée au plus haut niveau de l’entreprise par les dirigeants et le top management. On a mis en place ce congé de parentalité pour le deuxième parent, avec maintien des éléments fixes de rémunération et des droits (congés payés, RTT, protection sociale…) pendant toute la durée de l’absence, pour que chacun, homme ou femme, puisse bénéficier d’un droit d’absence rémunéré pour s’occuper de l’arrivée de l’enfant.

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Directrice des relations sociales chez Abeille Assurances

Qui a droit à ce congé et comment le demander ?

C.D. : Les salarié(e)s  éligibles sont les deuxièmes parents qui ont droit au congé paternité ou au congé d’adoption. Ces dix semaines, qui peuvent être prises à compter de l’arrivée de l’enfant (naissance ou adoption), incluent les 28 jours de congé paternité. Ce congé peut être fractionné, du moment qu’il est pris dans les six mois suivant l’accueil de l’enfant.

Pour en bénéficier, le collaborateur ou la collaboratrice doit informer son employeur de son absence au moins trois mois avant la date effective de début de celle-ci. Il doit préciser la date de naissance ou d’adoption prévue et la date de fin du congé. Dès lors que nous en sommes informés dans le délai imparti, nous ne pouvons pas refuser ce congé ni imposer son report. Comme pour le congé maternité, le collaborateur retrouve, à son retour, le poste qu’il occupait avant son départ.

Avez-vous rencontré des difficultés dans la mise en œuvre de ce congé ?

C.D. : Au début, on a été confronté à des réticences managériales : « Comment vais-je m’organiser si l’un ou plusieurs de mes collaborateurs s’absentent demain pendant 10 semaines pour continuer à faire fonctionner mon service ? » On a dû faire preuve de pédagogie, accompagner les équipes, leur expliquer qu’elles pouvaient répartir les tâches du collaborateur absent entre ses collègues et, si besoin, embaucher en CDD. Mais, la plupart du temps, nous n’avons pas besoin de remplacer les collaborateurs sur une durée si courte. Les craintes ont disparu, notamment grâce à des partages d’expérience entre managers. In fine, les mentalités ont évolué et cela ne pose plus de problème à personne.

Autre défi : changer la perception de certains pères qui estimaient que leur présence n’était pas forcément indispensable sur une si longue durée à l’arrivée de leur enfant. Aujourd’hui, la question ne pose plus. Les doutes que pouvaient avoir certains ont été levés, notamment grâce aux dispositions très protectrices de notre accord : le salarié a l’assurance de retrouver son poste lorsqu’il revient, sa rémunération est maintenue à 100% pendant la totalité de son congé et sa carrière ne s’en trouve pas pénalisée.

Quels sont les retours de vos collaborateurs qui en ont bénéficié ?

C.D. : À leur retour de congé, nous accueillons des collaborateurs ravis de ces moments uniques passés avec leur enfant et avec leur conjoint, on sent beaucoup moins de frustration qu’auparavant, lorsque les pères n’avaient droit qu’à quatorze jours de congé.

Notre ancien directeur de la communication a pris cinq semaines d’un coup, puis une semaine par mois durant cinq mois pour être au côté de son épouse lorsqu’ils ont eu des jumeaux. Il était très heureux de passer du temps avec ses bébés et sa fille ainée, et de pouvoir soutenir sa femme. Le fait qu’il occupe un poste à responsabilité, directement rattaché au DG, n’a pas posé de problème. Son départ avait été anticipé, son équipe s’est répartie différents sujets, il a fait la transition.

Ce congé permet aussi à certaines femmes de reprendre le travail plus tôt si leur conjoint prend le relais dans la garde du bébé.

Et quels avantages pour l’entreprise ?

C.D. : C’est clairement un facteur d’attractivité pour les candidats. Permettre aux jeunes parents de bénéficier d’un temps dont ils ont besoin pour s’occuper de leur enfant est un argument auquel beaucoup sont sensibles. On le met d’ailleurs en avant dès notre processus de recrutement comme un élément central de notre marque employeur. C’est un engagement concret de notre politique en faveur de l’égalité hommes-femmes.

C’est aussi un formidable levier d’engagement et d’attachement à l’entreprise. Les collaborateurs sont d’autant plus impliqués à leur retour et ont davantage envie de s’investir.

Vos salariés éligibles prennent-ils tous l’intégralité de ce congé ?

C.D. : Depuis 2017, 85% des collaborateurs éligibles ont pris l’intégralité de ce congé de parentalité, et ce, quel que soit leur niveau de responsabilité dans l’entreprise.

Contribue-t-il à rééquilibrer les parcours professionnels des hommes et des femmes ?

C.D. : Grâce à ce dispositif, l’absence à l’arrivée d’un bébé n’est plus du tout un sujet car hommes comme femmes sont concernés. L’impact de la parentalité sur les parcours professionnels des uns et des autres est proche de zéro. Cela lève aussi les biais inconscients et réduit les risques de discrimination des femmes à l’embauche. Tous les recruteurs savent qu’un père comme une mère prendra ce congé de dix semaines et défendent cette vision auprès des candidats.

Bien s’équiper pour bien recruter