Ma victoire RH : « Porter l’inclusion des LGBT+ grâce aux rôles modèles »
La série qui célèbre vos grands succès et vos petites victoires professionnelles. Rencontre avec Aude Carrier, directrice associée RH France au sein du groupe BD.

« Il y a trois ans, je me posais la question, comme beaucoup, de savoir “avons-nous besoin d’aborder ces thématiques en entreprise ?” Après tout, chacun fait ce qu’il veut, ça devrait être un non sujet. Mais en entendant des témoignages, j’ai compris qu’il fallait en faire une thématique, parce que, c’est un sujet. »
« Ce que j’essaie de faire depuis, c’est m’assurer que tous les collaborateurs aient la même expérience BD [groupe spécialisé dans les technologies médicales], peu importe leur périmètre, et sur tous les sujets transverses. La partie “inclusion et diversité” fait partie de ces sujets transverses qui impactent tous les collaborateurs de l’entreprise. »
« Un rôle modèle, c’est une déclaration des valeurs de l’entreprise »
« Tout a commencé il y a trois ans, quand on a initié un workshop avec AFL Diversity, qui accompagne les acteurs du management vers la diversité et l’inclusion, et Sophie Delanoix, à l’époque directrice de la fondation Le Refuge. À la suite de plusieurs initiatives engagées en interne, nous avons signé la charte de l’association L’Autre Cercle et notre président a été le premier à devenir rôle modèle « allié.es ». Ça a été la porte d’entrée. »
« L’année dernière, un de nos directeurs d’unité a été choisi par L’Autre Cercle pour être rôle modèle LGBT+. Je pense que ça a été une libération pour lui, après toutes ces années en entreprise. Aujourd’hui, il en parle plus ouvertement. Et cette année, j’ai été désignée en tant qu’ « allié.es » aux côtés de deux personnes membres du groupe de collaborateurs volontaires (« ERG/ARG ») pour l’inclusion et la diversité des personnes LGBT+ dont un « allié.e » et un LGBT+. »
« Nos rôles modèles, ce sont soit des dirigeants qui, de par leur posture, vont accompagner l’organisation dans sa transformation vers l’inclusion, soit des membres de groupe de collaborateurs volontaires qui passent du temps pour soutenir et pour aider à l’inclusion et la diversité des individus, pour faire avancer les choses. »
« Je suis fière de faire partie d’une entreprise qui ne fait pas de compromis sur ces sujets »
« Ce qui est important, c’est que ce soit porté au plus haut niveau, que ça vienne du haut. Ça n’aurait pas été possible sans notre président ni notre comité de direction. »
« Si l’entreprise ne déclare pas de manière assez forte qu’aucune discrimination ne sera tolérée, qu’on est dans cette démarche d’inclusion, on peut passer à côté. Le but, c’est vraiment que ce soit très clair pour tout le monde, qu’il n’y ait pas d’ambiguïté sur ce sujet. »
« On a eu plusieurs événements sur le site. On a des accroches-badges avec le drapeau. Au sol, on a le drapeau arc-en-ciel sur la place centrale qu’on appelle la Place du village. Même si ce n’est pas le jour de l’événement, peu importe. On a des personnes qui nous ont dit : “C’est rare d’avoir des entreprises qui affichent ce symbole et cette inclusion partout et tout le temps.” »
« Ce n’est pas un problème de devoir répéter et expliquer pourquoi on fait ce qu’on fait »
« La limite entre le professionnel et le personnel est un défi continuel, parce qu’on touche à l’affectif, à la vie de couple. C’est une question légitime que je me suis moi-même posée à un moment. »
« En tant que personnes hétéros, ça ne nous traverse pas l’esprit de s’interroger sur la photo qu’on va publier, de faire attention à changer le “compagne” en “compagnon”. C’est absurde. Ce sont des choses qu’on explique aux gens qui, soit comprennent tout de suite, soit sont totalement opposés et dans ce cas-là, il n’y a pas de débat. Notre déclaration est très claire sur le fait que les personnes qui ne seraient pas alignées avec les valeurs de l’entreprise, soit elles la quittent, soit elles gardent leurs opinions pour elles. »
Des effets positifs en interne et externe
« Ce qu’on voit beaucoup quand on parle avec nos équipes recrutement ou à l’intégration, c’est qu’on a des candidats qui nous disent clairement que “oui, j’ai postulé parce que j’ai vu que BD est une entreprise inclusive, que vous êtes sur ces thématiques”, et d’autant plus chez les jeunes générations. Ça a forcément un impact sur notre image et notre attractivité, mais surtout, c’est un moyen d’attirer les bonnes personnes, celles qui sont en phase avec nos valeurs. »
« Parfois, des personnes nous disent : “J’ai entendu dans les couloirs un homme parler de son mari qui devait récupérer la voiture ce week-end ». On n’aurait jamais entendu ça, il y a cinq ou dix ans. Ça, c’est notre plus belle réussite, que nos collaborateurs osent parler. Ceux qui nous rejoignent savent tout de suite ce qu’il en est et partagent très librement, comme une personne hétéro le ferait ».
« On peut toujours aller plus loin »
« Au début, on ne sait pas trop par quel bout prendre la thématique tellement c’est vaste. C’est important de se faire accompagner. On a notamment travaillé avec des agences externes pour faire des workshops. »
« On a encore beaucoup à faire. Par exemple, on avait beaucoup réfléchi sur la partie LG (lesbienne, gay), mais pas encore assez sur la partie T (trans). Puis on a eu une personne qui était en cours de transition et on s’est retrouvé confronté à ne pas savoir comment gérer certaines situations, comment répondre aux questions. On a donc fait un guide pour outiller les managers sur ces questions. »
« On a refait des articles sur nos intranets pour s’assurer qu’on avait bien “second parent” et pas “père” ou “mère”. Quand on a discuté avec le service paie, on s’est rendu compte qu’on n’avait jamais officiellement eu de situation où une future mère nous aurait contactés pour nous dire “je suis second parent, c’est ma compagne qui porte l’enfant, quels sont mes droits ?”. Statistiquement, ce n’est pas possible. Il y a encore beaucoup à faire des deux côtés, et pour que les gens sentent qu’ils peuvent contacter le service RH. »
Après avoir travaillé pendant onze ans au sein du service juridique du groupe BD, acteur majeur des technologies médicales, Aude Carrier a rejoint il y a trois ans l’équipe RH. Elle y occupe d’abord un poste de manager RH senior en charge de l’accompagnement des managers dans leur organisation. Depuis deux ans, elle est directrice associée RH, avec en plus pour mission de favoriser l’expérience collaborateur, tout périmètre confondu.