La « threat rigidity » ou la culture du « on a toujours fait comme ça »
Le mot RH de la semaine. Salomon Parienti, directeur général Armatis Financial Services, revient sur cette aversion tenace de certains dirigeants au changement.
« La threat rigidity décrit l’aversion au changement des dirigeant(e)s avec une forme de statu quo. La tendance à répondre aux problèmes en étouffant l’innovation au sens large et en se concentrant exclusivement sur ce qui a fonctionné dans le passé. L’inconvénient de ce travers : considérer tout changement comme une menace sur l’existant, ce qui peut limiter la croissance d’une entreprise. »
L’aversion au changement
« Barry Staw, psychologue organisationnel et professeur à l’Université de Berkeley en Californie, a inventé le terme de threat rigidity pour la première fois au début des années 1980. Cette expression a été utilisée plus récemment au moment de la question du retour au travail après la période du covid. En effet, certains dirigeants mettaient en œuvre des exigences strictes de retour au bureau qui semblaient déconnectées des nouvelles aspirations des salariés enclins au travail hybride ou à distance. La rigidité face à la menace est un modèle de comportement dans lequel les individus, lorsqu’ils sont confrontés à un stress et à une incertitude importante, s’accrochent inconsciemment à ce qui fonctionne. Par ailleurs, quand un manager prend une décision qui ne marche pas, il peut avoir beaucoup de difficultés à couper court et à abandonner. Persévérer dans l’erreur est aussi une forme de rigidité face à toute forme de remise en question. »
Une crispation contre-productive pour la marque employeur
« Les opérationnels et les RH sont concernés au premier chef dans leur capacité à accepter, et surtout à anticiper, le changement. Cela peut se manifester par une réticence à adopter de nouvelles façons de travailler, une nouvelle organisation…. Enfermés dans leur “tour d’ivoire mentale”, certains dirigeants peuvent être tentés de conserver d’anciennes méthodes de travail, même si elles ne sont plus adaptées aux besoins des collaborateurs ou du marché. Le risque est d’abimer la marque employeur et de voir partir les talents prometteurs. Elle peut conduire à un sentiment de désengagement et de déconnexion chez les employés, ainsi qu’à une perte de productivité. L’aversion à toute révolution technologique, telle que l’IA, en est aussi une des manifestations les plus concrètes. Ainsi, face aux crises et à l’adversité, surtout lorsque celles-ci sont de nature nouvelle ou inconnue, des mécanismes pavloviens de protection peuvent apparaître en refusant tout changement. »
La nécessité d’être audacieux et flexible
« Pour éviter ces problèmes, les dirigeants doivent adopter une approche plus ouverte et flexible du leadership, casser la routine, favoriser l’esprit collaboratif, être prêts à expérimenter de nouvelles façons de travailler et d’innover sans se sentir dépossédés. Illustration avec l’arrivée de ChatGPT en novembre 2022. Passé l’effet de sidération, de nombreux dirigeants ont incité leurs salariés à tester l’outil et tous ces avatars afin de voir comment être plus productifs au quotidien. Des entreprises ont également nommé des référents IA pour effectuer une veille continue du marché et étudier comment les process peuvent être optimisés et automatisés. Cette soif d’expérimentation peut donner lieu à de nouvelles idées qui peuvent émerger de la base plutôt que du sommet de la hiérarchie. »
Les bonnes pratiques
« – Casser les codes : Les forces du marché et de l’innovation vont si vite qu’il faut anticiper le changement et repenser ses automatismes ;
– Être conscient de ses propres biais, notamment dans le recrutement : Prendre le temps de réfléchir à vos propres expériences et à la façon dont elles peuvent influencer vos décisions ;
– Être ouvert aux nouvelles idées : Il faut encourager les collaborateurs à partager leurs idées et à remettre en question le statu quo. La vérité n’appartient plus forcément à ceux en haut de la pyramide. Il faut faire œuvre d’humilité ;
– Être prêt à expérimenter : Il ne faut pas avoir peur d’essayer de nouvelles choses, même si elles échouent. L’entreprise doit sortir de sa zone de confort et oser l’inconnu. C’est là qu’elle peut découvrir des perspectives insoupçonnées. Elle envoie aussi un message volontariste aux collaborateurs ;
– Communiquez efficacement : Il est crucial d’informer les talents concernant vos décisions et des raisons qui les motivent. »