Tests de personnalité : à quelles conditions peuvent-ils être pertinents pour vos recrutements ?

Un outil à envisager pour limiter les erreurs de recrutement.

Construisez votre modèle prédictif en sélectionnant les facettes de personnalité à valoriser chez le candidat en fonction du poste à pourvoir.
Construisez votre modèle prédictif en sélectionnant les facettes de personnalité à valoriser chez le candidat en fonction du poste à pourvoir. © Michael Brown/stock adobe.com

Plébiscité par les partisans du recrutement sans CV, le questionnaire de personnalité s’invite aussi dans les processus de sélection classiques. Son objectif : révéler d’autres facettes du candidat afin de mieux prédire ses chances de succès à un poste donné. Comment expliquer que de plus en plus de recruteurs s’intéressent à cette méthode d’évaluation des candidatures ?

Emeric Kubiak, Head of Science chez AssessFirst, une solution de recrutement prédictif, y voit le signe que les entreprises ont compris qu’il fallait changer d’approche pour aller chercher de nouveaux talents : « Historiquement, les décisions de recrutement étaient basées sur le capital social des candidats. C’est-à-dire que votre entourage vous permettait d’accéder à l’emploi. Ensuite, on est passé à une période où les recruteurs ont davantage fondé leurs décisions sur le capital métier, donc les compétences techniques, les hard skills. Toutefois, depuis le début des années 2000, le nombre de jobs basés sur des tâches non répétitives et nécessitant de fortes capacités d’adaptation et d’apprentissage a dépassé celui des métiers plus routiniers et répétitifs sur le marché du travail. Et ce phénomène s’accentue après chaque crise. Fortes de ces constats, les entreprises misent davantage sur les compétences comportementales des candidats, et leur potentiel. »

Autre facteur explicatif du développement de ces questionnaires d’évaluation de personnalité : l’évolution des attentes des candidats et des collaborateurs vis-à-vis de leur employeur : « Ils désirent être jugés sur qui ils sont réellement et pas sur leur parcours ou leur expérience passée, constate Emeric Kubiak. Cette volonté s’inscrit dans un mouvement global de la société : on se recentre sur notre identité et on valorise cette singularité, y compris dans le cadre professionnel ! »

Vous souhaitez intégrer un test de personnalité à votre processus de recrutement ? Voici quelques conseils pour tirer le meilleur profit des résultats obtenus.

Bien choisir son test de personnalité

Il existe deux grandes typologies de questionnaire pour évaluer la personnalité :

  • Les tests typologiques, dont les plus célèbres sont le DISC ou le MBTI, qui associent une personne à un profil-type. S’ils présentent l’avantage d’être simples et intuitifs, ils n’ont pas été conçus à des fins de recrutement. L’objet du questionnaire est d’identifier les préférences psychologiques d’un individu, pas de déterminer ses aptitudes ou ses compétences. Et encore moins de prédire les performances. Sur son site, l’éditeur du questionnaire MBTI, la Myers-Briggs Company, explique elle-même que ce questionnaire ne doit pas être utilisé dans le cadre d’un recrutement. « Appliqué au recrutement, ce genre de tests fournit des résultats peu fiables et peu nuancés, qui varient fortement dans le temps, même à trois semaines d’écart », développe Emeric Kubiak.
  • Les tests factoriels, à l’image de SWIPE, qui sont basés sur une conception quantitative et continue, où la personnalité est considérée au travers de plusieurs facettes, notées sur un continuum (par exemple de 1 à 10). Ils ont été conçus d’après le modèle des Big Five, qui ont été validés par des scientifiques. « Ces questionnaires proposent un bilan plus détaillé de la personnalité du candidat. Ils apportent une meilleure information au recruteur pour prendre sa décision. »

« Aussi, pour limiter le biais de désirabilité sociale dans ces questionnaires, plusieurs stratégies existent. L’une d’elle consiste à utiliser des questions à choix forcé, pour lesquelles le candidat doit choisir l’option qui lui correspond le plus entre deux propositions. Ce genre de format permet un temps de passation moins long, et d’avoir une mesure moins biaisée », explique Emeric Kubiak.

Des tests utiles pour tous types de postes

« Cette méthode de recrutement est pertinente pour toutes les typologies de poste », poursuit-il. Si elle peut se suffire à elle-même dans les professions qui ne nécessitent pas de prérequis en termes de diplôme, elle doit évidemment être complétée par d’autres critères s’il s’agit de professions réglementées, comme dans le secteur médical ou juridique.

« L’utilisation de cet outil est aussi à mettre en perspective avec la volumétrie de candidats disponibles. S’il n’y a qu’une poignée d’experts dans le monde susceptibles d’occuper le poste sur lequel vous recrutez, vous allez plutôt leur proposer le questionnaire en fin de process, pour affiner votre décision. »

Contextualiser la personnalité par rapport au poste

Persuadé qu’un talent, « c’est la bonne personnalité au bon endroit », Emeric Kubiak invite les recruteurs à créer un modèle prédictif pour chaque poste. C’est-à-dire à cartographier les facettes de personnalité à valoriser pour un poste donné et celles qui ont moins d’importance. « Un modèle prédictif est un ensemble de facettes de personnalité et de motivations, qui, ensemble, permettent de prédire la réussite sur un poste donné. Ce modèle prédictif va bien sûr varier en fonction du poste. Chez un commercial, par exemple, le modèle intégrera des facettes comme l’assertivité, l’énergie et la persévérance. Alors que chez un Data Scientist, ce modèle prendra en compte, entre autres, des facettes comme la rigueur, la curiosité et l’esprit analytique. »

L’idée est ensuite de comparer ce modèle prédictif avec le bilan de personnalité de chacun des candidats. Les scores d’adéquation des profils avec les besoins du poste indiqueront ensuite au recruteur s’il peut avancer dans le processus de recrutement. « Les questionnaires de personnalité permettent de se recentrer sur l’un des éléments les plus prédictifs de la réussite en poste. Alors que l’expérience professionnelle ou le nombre d’années d’études inscrites sur le CV ne permettent de prédire qu’1 à 3% de la réussite future, la personnalité a un pouvoir prédictif plus important, notamment quand elle est couplée aux motivations et capacités de raisonnement. Elle apporte une meilleure information pour la prise de décision, et met rapidement en lumière les points forts de la personne pour le poste et ceux qui risquent de lui poser problème dans le cadre de ses fonctions. »

Choisir le bon moment pour faire passer le test

Sur les fortes volumétries de candidatures, notamment les métiers de la vente, mieux vaut faire passer les tests au tout début du process de recrutement, pour filtrer un certain nombre de profils.

En revanche, si les candidats sont moins nombreux à postuler, le recruteur peut d’abord valider qu’ils possèdent certaines compétences clés avant de faire passer les tests de personnalité à ceux qui seront retenus en short list.

Communiquer sur ces tests auprès des candidats

Les employeurs utilisant des tests de personnalité dans le cadre de leurs recrutements doivent en informer les candidats au préalable (article L.11221-8 du Code du travail). La loi ne précise, en revanche, pas les modalités de communication de cette information. Vous pouvez le préciser dans l’offre d’emploi, dans le mail de convocation à l’entretien d’embauche ou à l’oral, lors d’un échange téléphonique.

Dans la plupart des applications proposant ce type d’évaluation, le candidat est plongé dans un parcours d’onboarding lui expliquant quelles données sont récoltées et pour quels usages. Le candidat peut aussi avoir accès à une synthèse de ses résultats, qui l’amène à mieux se découvrir. « En cas de rejet de sa candidature, la personne pourra réutiliser ces éléments lors d’un prochain processus de recrutement. Certains candidats décident même de rendre publics ces résultats sur leurs réseaux sociaux, preuve qu’ils ont conscience de l’atout que ça peut représenter pour un recruteur. »

Côté recruteur, cette synthèse facilite les retours aux personnes non retenues. « Chez AssessFirst, nous sommes très sélectifs dans notre tri de candidatures, car nous en recevons beaucoup. Ce test nous fournit des arguments objectifs pour expliquer aux candidats pourquoi ils ne sont pas en phase avec le poste ou la culture d’entreprise, les éléments de leur personnalité qui font qu’ils ne s’épanouiront pas à ce poste ou dans notre entreprise. Il nous aide aussi à proposer des axes concrets de développement à la personne pour ses candidatures futures. »

Bien s’équiper pour bien recruter