Pourquoi et comment intégrer davantage les soft skills à vos processus de recrutement
Les recruteurs sont de plus en plus persuadés que les compétences comportementales ont autant, voire plus, d’importance que les compétences techniques d’un collaborateur.
Si les recruteurs disent s’intéresser de plus en plus aux compétences comportementales des candidats et aux profils atypiques, dans les faits, le diplôme et l’expérience professionnelle restent des critères d’embauche déterminants. C’est ce que met en lumière un sondage*, à l’initiative des associations Article 1 et Mozaïk RH, mené auprès d’actifs et de recruteurs.
Fondateur d’Article 1, qui lutte contre l’inégalité des chances en matière d’orientation et d’insertion professionnelle des jeunes de 16 à 25 ans, Benjamin Blavier explique pourquoi il est essentiel de mettre les soft skills au cœur des processus de recrutement.
Que désignent les soft skills ?
Benjamin Blavier : Il s’agit de capacités ou aptitudes émotionnelles, relationnelles ou méthodologiques, que l’on peut acquérir et développer au fil de nos multiples expériences : à l’école, au travail ou dans le cadre de nos loisirs, comme l’esprit d’initiative, la capacité à gérer les conflits, la communication…
Ces compétences transversales sont différentes de la personnalité en ce sens qu’elles peuvent plus facilement être développées et relèvent davantage de l’acquis que de l’inné.
Dans le cadre d’un recrutement, la question des soft skills peut être un piège ou une opportunité. Un piège, car les jeunes les plus défavorisés ne savent pas ce que c’est, ne comprennent pas leur importance et ne peuvent, par conséquent, pas les mettre en avant. Chez Article 1, notre mission est d’accompagner ces jeunes, qui pensent qu’ils ne savent rien faire, à identifier leurs points forts et à les valoriser auprès des recruteurs.
Elle peut aussi se transformer en opportunité lorsque les recruteurs s’aperçoivent qu’un candidat a développé un talent très intéressant pour le poste à pourvoir dans le cadre de séances de soutien scolaire, d’un job étudiant ou d’une pratique sportive.
Comment expliquer que 88% des recruteurs n’aient jamais entendu parler des soft skills ?
B.B : 75% des recruteurs que nous avons interrogés sont convaincus des bienfaits de ces « compétences douces » pour leur entreprise. Mais ils ne mettent pas le mot de soft skills dessus. Les notions de compétences comportementales ou de savoir-être leur parlent davantage. Il y a un problème de démocratisation et d’objectivation des soft skills.
Plus de la moitié des recruteurs sondés estiment que ce critère est important mais le jugent non prioritaire dans le cadre du choix de leurs futurs collaborateurs. Il est souvent relégué au troisième plan, derrière l’expérience professionnelle et la formation suivie, le plus souvent par manque d’outils d’évaluation, car les soft skills sont moins évidentes à jauger qu’un niveau de diplôme.
Quel est l’intérêt, pour une entreprise, de prendre davantage en compte les soft skills dans son processus de recrutement ?
B.B : Dans une large majorité d’emplois, un bon professionnel est quelqu’un qui dispose des compétences académiques requises et qui sait faire preuve d’un comportement adapté au bon déroulement de ses missions. Quand on monte dans un avion, on est rassurés de savoir que le pilote a le diplôme requis pour diriger l’appareil mais on aimerait connaître aussi sa capacité à faire face à l’imprévu. Que ferait-il si l’avion prenait feu ? Quelles compétences émotionnelles mobiliserait-il à ce moment-là ? Saurait-il conserver son sang-froid ? Le confronter à cette situation lors d’une séance de simulateur de vol permet d’avoir la réponse.
Faire des soft skills un critère-clé de recrutement permet aussi de donner la même chance à tous les candidats, quels que soient leur milieu et leur parcours, et de lutter contre les discriminations à l’embauche. L’évaluation du candidat en termes de compétences transversales permet d’éviter les biais subjectifs de décision : j’embauche ce candidat parce qu’il partage mes codes/a fait la même école que moi/parle le même langage… Ce type de recrutement affinitaire est parfaitement discriminant !
Pour tirer son épingle du jeu dans la guerre des talents, il est important de diversifier ses recrutements. Les jeunes que nous accompagnons auront parfois un moins bon niveau de culture générale ou moins de confiance en eux que la moyenne des autres candidats, mais ils sauront peut-être faire preuve d’une meilleure capacité d’adaptation, d’une faculté supplémentaire de comprendre des univers complexes, d’aptitude à remettre en question certaines pratiques. Le coût de recrutement de ces candidats sera généralement plus élevé (car il faudra passer du temps pour identifier les soft skills) mais cela vaut la peine car, en termes de gestion des talents à moyen terme, c’est chez ces candidats que vous trouverez vos réelles pépites.
Comment un recruteur peut-il déceler sur le CV d’un candidat des compétences comportementales intéressantes pour le poste à pourvoir ?
B.B : La première étape est de faire le point avec le manager sur le savoir-être requis pour occuper le poste. A-t-il besoin d’une personne capable de travailler en équipe, de s’adapter rapidement, de faire preuve d’autonomie ?
Le deuxième travail est de lire entre les lignes du CV pour détecter les capacités du candidat : la pratique régulière d’un sport collectif sera un indice d’une capacité à travailler en équipe quand une expérience de bénévolat à la Croix-Rouge témoignera de l’empathie du candidat.
Vous pouvez aussi vous baser sur des micro-certifications, comme celles que nous délivrons sur notre plateforme JobReady. Au terme de questions posées au candidat, on lui décerne un badge qui atteste d’une compétence comportementale auprès des recruteurs : esprit d’initiative, négociation, leadership positif, créativité… Et on l’invite à la mentionner sur son CV.
Et au cours de l’entretien d’embauche ?
B.B : Vous pouvez orienter vos questions en fonction des aptitudes recherchées : si vous souhaitez recruter un manager pour encadrer une équipe composée de fortes personnalités et que le candidat fait partie d’une équipe de foot, vous pouvez lui demander comment il a géré les situations de conflit sur le terrain, ce qu’il a mis en place pour apaiser les esprits.
Vous pouvez également les évaluer en lui proposant une mise en situation professionnelle. Pour tester sa bonne capacité à communiquer, vous pouvez lui demander : « Votre principal client vient de rompre son contrat avec vous. Comment l’annoncez-vous à vos équipes en étant transparent mais sans les décourager ? »
*Sondage réalisé avec ViaVoice du 12 au 19 octobre 2021 auprès de 1 500 personnes, représentatives de la population active française âgée de plus de 18 ans, et par téléphone du 11 au 27 octobre 2021 auprès de 206 recruteurs, représentatifs des entreprises françaises de plus de 5 salariés.