Pourquoi et comment entamer une démarche slow en entreprise

À l’heure de l’urgence climatique, des nouvelles attentes des consommateurs et de la perte de sens au travail, le rôle des entreprises est amené à évoluer. Et si pour y parvenir la clé résidait dans une démarche slow ?

Le slow en entreprise
À l’instar d’une voiture de course, l’entreprise doit savoir accélérer mais aussi ralentir pour mieux prendre les virages © Martin Barraud/KOTO - stock.adobe.com

On parle aujourd’hui de slow dans tous les secteurs où le fast a fait des ravages et dans toutes les branches d’activité : slow food, slow travel, slow fashion, slow content, slow marketing…

Agir en conscience, produire de manière plus raisonnée, redonner du sens à nos activités… Voilà ce à quoi aspire le slow. Plus qu’un concept marketing, la démarche slow s’applique à l’échelle de l’entreprise et participe à redessiner son rôle pour mieux épouser les besoins de la société aujourd’hui.

Qu’est-ce qu’une démarche slow ? Comment l’appliquer en entreprise et quels sont les avantages à adopter une telle posture aujourd’hui ? Mise en lumière de ce concept avec Heidi Vincent, co-autrice de l’ouvrage “Osez le slow en entreprise !” aux éditions Dunod. 

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Heidi Vincent accompagne les dirigeant-e-s pour penser leur stratégie dans la durée et la synchroniser en cohérence avec toutes les dimensions de l’entreprise (RSE, RH, achats, marketing, communication,… ) et ses parties prenantes (clients, fournisseurs, distributeurs, partenaires, territoire).

C’est quoi le slow en entreprise?

Le contexte actuel pousse les entreprises à revoir le rôle qu’elles occupent dans la société. On parle d’entreprises à impact, d’entreprises contributives ou encore d’entreprises à mission pour désigner ces nouveaux modèles qui répondent aux aspirations de la société, des clients et des différentes parties prenantes. Leur point commun ? Elles s’inscrivent dans une démarche slow. Mais que veut dire ce terme ?

Le slow, ce n’est pas ralentir

Contrairement à ce qu’on peut imaginer, le mouvement slow n’est pas une injonction au ralentissement et ne prône pas la lenteur, qui est antinomique avec les entreprises. “À l’instar d’une voiture de course, l’entreprise doit savoir accélérer mais aussi ralentir pour mieux prendre les virages. Le problème d’aujourd’hui, c’est qu’on va à fond tout le temps… et sur un grand prix on termine dans le mur !” illustre Heidi Vincent. 

Le slow pour faire mieux, plus propre et plus juste

Le slow encourage à “faire mieux”, à agir avec plus de conscience, à mieux collaborer et à viser la durabilité dans son sens large. Initié en Italie avec le mouvement Slow food dans les années 80, c’est une prescription pour le “bon”, le “propre” et le “juste” en entreprise, une invitation à faire émerger une société plus durable et plus vertueuse.

Le slow appelle à reconsidérer l’impact qu’ont les entreprises sur le territoire et l’environnement, mais aussi à agir avec plus de respect et plus de considération pour les parties prenantes (consommateurs, salariés, partenaires…). Être dans une démarche slow, c’est s’engager pour son territoire, ses salariés et la planète. 

Le slow redéfinit les indicateurs de performance

Dans une démarche slow, on ne mesure plus seulement la performance de l’entreprise selon son chiffre d’affaires, mais également selon des critères sociétaux et environnementaux. On parle dans ce cas de triple comptabilité ou comptabilité multi-capitaux. 

Enfin, le slow est un pari sur le long-terme, qui vise la durabilité plutôt que l’immédiat, dans une logique de qualité plutôt que de quantité. “Une entreprise slow a un horizon de temps qui n’est pas celui du court terme, elle prend des décisions qui n’ont pas d’impact immédiat en matière d’efficacité et de rentabilité” souligne Emery Jacquillat, PDG de Camif Matelsom, interrogé dans le livre. 

Pour Heidi, le slow en entreprise repose sur trois grands principes : “viser le durable, agir en conscience et travailler en collaboration, à l’échelle de l’entreprise : tous les efforts doivent s’inscrire dans cette démarche pour que ça fonctionne.

Les trois piliers du slow en entreprise

Le mouvement slow repose sur trois piliers fondamentaux :

1. Viser la durabilité

Viser la durabilité, c’est lutter contre la surconsommation, suivre une logique long terme, penser RSE, développement durable et économie circulaire. “Repenser ses actes avec pour objectif principal la durabilité nécessite de s’inscrire dans un temps long, même si l’urgence d’agir est là.”

2. Agir en conscience

Prendre conscience du monde dans lequel on évolue, de nos propres limites et de celles des consommateurs.

“Quand on a le nez dans le guidon, on n’a pas conscience de là où on va, de ce qu’on est en train de faire, ni de notre impact.” souligne Heidi Vincent. Faire en conscience c’est aussi savoir s’entourer pour être le plus efficace possible. “En admettant par exemple qu’on n’a pas les connaissances nécessaires pour tout faire soi-même, et qu’on doit savoir s’entourer. Ce qui nous amène au 3e pilier : l’interdépendance.”

3. Mieux collaborer

Il faut être conscient qu’on va devoir travailler ensemble. Beaucoup plus qu’avant. On parle beaucoup de collaboration mais on ne le fait pas assez : quand on a une chaîne avec un distributeur, une entreprise et un fournisseur, il faut savoir se mettre à la place des autres parties pour comprendre leurs objectifs, leurs souhaits mais aussi leurs freins et leurs contraintes. Actuellement, on voit surtout l’interdépendance entre l’entreprise et son client : l’entreprise vise avant tout à satisfaire le consommateur. Or, il faut également prendre en compte les différents acteurs de la chaîne. En cela le slow appelle à mieux collaborer.”

Le slow, une réelle opportunité pour les entreprises

Que ce soit pour s’inscrire dans une logique durable (et rester compétitif), rayonner sur le territoire ou mieux répondre aux nouvelles attentes des clients/consommateurs, le slow est plus que jamais d’actualité et représente une formidable opportunité pour les entreprises.

Trouver de nouveaux gisements de croissance

La démarche slow permet aux entreprises d’avoir de nouveaux gisements de croissance et d’innovation. “Aujourd’hui les entreprises ont de plus en plus de mal à innover, car elles concentrent leur innovation sur des fonctionnalités produit. Or il y a plein de sources de création de valeur. Dans le livre on explique qu’on peut créer de la valeur à chaque étape d’une entreprise : design, processus, relations avec les fournisseurs et partenaires… Ces sources de valeur ne se traduisent pas uniquement par de l’argent, mais aussi par de la reconnaissance, de l’acquisition de compétences, de notoriété et de l’image.

Améliorer la marque employeur

Une entreprise qui adopte une démarche slow, c’est une entreprise qui se soucie de ses salariés, de ses clients, de ses collaborateurs et de son territoire. “On parle beaucoup de QVT, de Chief Happiness Manager et de bonheur au travail. Le slow, c’est aussi un moyen d’accéder au bonheur, en faisant sentir aux salariés qu’ils ont un rôle important et en faisant en sorte que l’entreprise leur permette de se réaliser, de gagner en compétences.

Si les salariés sont épanouis et trouvent du sens dans ce qu’ils font, ils seront certes plus productifs mais seront également plus à même de parler positivement de l’entreprise. Une entreprise qui fait les choses bien est reconnue : les salariés sont plus épanouis, les relations avec les partenaires sont plus fortes et elle n’a plus besoin de travailler sa marque employeur. Quand une entreprise fait des choses remarquables, on parle d’elle. Arrêtez avec le storytelling, laissez les gens parler de vous !

Des résultats quantifiables

Adopter une démarche slow et prendre le temps de “faire bien” est un exercice qui paie ! Dans l’ouvrage “Osez le slow en entreprise”, les auteurs donnent notamment l’exemple de Plezi, un éditeur d’une solution de marketing automation qui a mis en place une stratégie de slow content en 2018. En réduisant la fréquence de diffusion des contenus (moins de livres blancs, de newsletters et d’articles), l’entreprise a amélioré le trafic SEO de son site (+90% en 10 mois) et son taux de conversion (+1% en 10 mois). 

Je ne connais aucune entreprise qui a engagé une démarche slow et qui s’est plantée” précise Heidi Vincent. 

Comment se mettre au slow ?

Intégrer la démarche slow nécessite de se pencher sur trois facteurs importants :

  • avoir une approche systémique de l’entreprise, de son fonctionnement à son impact
  • renforcer le lien intra et inter-entreprise, en misant sur une vraie collaboration
  • se focaliser sur le long terme, en recherchant un fonctionnement vertueux pour l’humain et l’environnement

Pour que la démarche soit efficace sur la durée, elle doit être “bien faite”, mûrement réfléchie et minutieusement élaborée. “La démarche slow implique de redessiner le business model et d’intégrer toutes les parties prenantes.” C’est un travail qui nécessite à la fois de définir la raison d’être de l’entreprise et de suivre une ligne de conduite, qu’il faut déterminer en amont (valeurs, philosophie…). C’est en étant alignée avec ses valeurs, consciencieuse et cohérente avec ses actes, que l’entreprise marquera les esprits et s’inscrira dans une boucle vertueuse, respectueuse à la fois de l’homme et de l’environnement. 

Plus que jamais, il est temps de réfléchir au sens de nos actions. Il est temps de mettre le «  slow  » au cœur de la stratégie de chaque entreprise.

Bien s’équiper pour bien recruter