Sens au travail : quel rôle les entreprises peuvent-elles jouer ?

Un livret de la FIRPS liste plusieurs leviers à la main des employeurs pour injecter du sens au travail.

Le rôle du manager est de concilier les aspirations individuelles entre elles.
Le rôle du manager est de concilier les aspirations individuelles entre elles. © fizkes/stock adobe.com

De nombreux Français ont profité de la crise sanitaire pour s’interroger sur le sens de leur travail : qu’est-ce qui me donne envie d’aller travailler ? A quoi sert mon travail ? Est-ce que je m’épanouis au travail ?

L’augmentation du nombre de démissions, les reconversions professionnelles, l’appel des jeunes diplômés à des modèles économiques plus respectueux du climat sont quelques stigmates de cette crise du sens au travail.

Si le sens au travail est une notion éminemment subjective, il peut néanmoins être nourri par des modes de fonctionnement collectif. La FIRPS (Fédération des intervenants en risques psychosociaux) considère que l’entreprise peut injecter du sens dans le travail en jouant sur trois tableaux en particulier : l’amélioration des conditions de travail, le développement des compétences de ses collaborateurs et un bon management. Dans un livret publié le 12 octobre 2023, elle formule une série de recommandations à ce sujet.

Mettre en place des dispositifs d’écoute des salariés

La FIRPS suit l’une des recommandations des Assises du travail, qui suggérait d’ajouter un principe à l’article L.4121-2 du Code du travail : « Écouter les travailleurs sur la technique, l’organisation du travail, les conditions de travail et les relations sociales ».

Consulter ses salariés, par le biais de sondages notamment, et échanger régulièrement avec eux, permet en effet de les impliquer dans la construction des objectifs du travail et des moyens mobilisés pour les atteindre.

Les experts recommandent ensuite de réaliser une cartographie des perceptions des collaborateurs et de leurs besoins, à partir des remontées du terrain, afin d’identifier les principaux vecteurs de sens au travail. Sur cette base, les employeurs pourront alors engager des démarches d’amélioration des processus, des conditions de travail et du fonctionnement de l’organisation, en prenant soin d’associer les managers et les collaborateurs à chaque étape.

Préserver la santé mentale et physique des salariés

Pour François Cochet, président de la FIRPS, « l’épuisement des gains de productivité provient de l’épuisement des travailleurs ». Les entreprises ont le pouvoir d’agir pour prévenir ces situations de fatigue, sources de désengagement au travail. D’abord en étant vigilantes quant aux signaux faibles de dépression, de conflits de valeurs et de risque d’isolement de certains travailleurs.

Mais aussi en informant les collaborateurs des dispositifs de soutien et d’alerte (numéro vert, soutien psychologique, SPST, assistance sociale…). Enfin, la FIRPS préconise de définir des modalités spécifiques d’entretien individuel pour les collaborateurs en difficulté ou en maladie et de former les managers sur ces thématiques.

Identifier les besoins d’évolution des compétences

« En entretien d’embauche, la première question d’un candidat est, de plus en plus souvent : ‘’Qu’allez-vous m’apprendre ?’’ », rapporte Kévin Audureau, administrateur de la FIRPS. « Si les talents n’ont plus le sentiment d’apprendre, ils n’hésitent pas à aller chercher immédiatement qui leur apprendra mieux. »

D’où l’importance de conduire une réflexion stratégique sur l’évolution des métiers et les besoins associés en nouvelles compétences. Dans ce but, la Fédération recommande de sécuriser, voire de renforcer, les moyens RH afin que les équipes soient à même de piloter le développement des compétences dans de bonnes conditions.

Les entreprises peuvent construire un environnement favorable à l’apprentissage, basé sur des approches complémentaires : formation collective, parcours individualisés, échanges de bonnes pratiques, tutorat, coopération sur des missions…. « Le rôle de l’entreprise est de remettre de l’humain […], à l’heure où l’on peut s’auto-former sur Internet et où il existe quantité de modules d’e-learning. Car, en trouvant de tout, on ne trouve plus rien ! »

Accompagner les managers

Le manager est l’une des clés de voûte du sens au travail, c’est pourquoi il est essentiel de recruter ou de promouvoir à ce poste des personnes qui, certes, présentent des aptitudes, mais aussi une sincère motivation pour la fonction.

« Son rôle est de rendre compatibles les aspirations individuelles les unes avec les autres. Cela ne signifie pas les rendre homogènes, mais faire en sorte qu’elles n’entrent pas en conflit », résume Brigitte Vaudolon, administratrice FIRPS. Les entreprises doivent donc reconnaître leur rôle dans la création d’un environnement favorable à la qualité et au sens au travail, au-delà de la pure performance quantitative. Cela peut passer par une charte de management, conçue par les équipes de managers et la direction, adaptée au contexte de l’entreprise, explicitant le rôle et les valeurs portées par le manager.

« Le manager poursuit, lui-même, cette quête de sens, guidé par ces injonctions paradoxales :  veiller à la santé mentale de ses équipes tout en atteignant des résultats ambitieux, avec des moyens parfois insuffisants et des demandes de plus en plus pressantes de reporting », constate Brigitte Vaudolon.

La FIRPS conseille aux entreprises de mieux outiller les managers, dès leur prise de fonction, en les sensibilisant à « l’écoute active, l’art du retour d’information, l’évaluation constructive, le management à distance ». Enfin, elle suggère de faciliter les échanges entre managers sur le sens et la réalité de leur rôle dans l’entreprise, sur leur charge de travail et les marges de manœuvre dont ils disposent.

Bien s’équiper pour bien recruter