Le « salaire émotionnel » ou la nouvelle monnaie de l’engagement
Le mot RH de la semaine. Emilie Guérineau, experte en recrutement au Mercato de l’Emploi, nous renseigne sur ces avantages qui concourrent au bien-être au travail.
« Longtemps, la proposition de valeur d’une entreprise à ses talents s’est résumée à une équation simple : un bon salaire contre un bon travail. Mais cette époque est révolue. Aujourd’hui, pour attirer et surtout retenir les meilleurs professionnels, il ne suffit plus d’offrir une rémunération compétitive. La nouvelle devise de l’entreprise moderne est le « salaire émotionnel » ou « emotional paycheck ». »
Qu’est-ce que le « salaire émotionnel » ?
« C’est l’ensemble des bénéfices intangibles qui complètent le salaire financier traditionnel. Il s’agit d’une culture d’entreprise forte et bienveillante, d’un environnement de travail qui favorise la sécurité psychologique, de la reconnaissance et de l’autonomie, et bien sûr, de la flexibilité. Ces éléments, autrefois considérés comme des à-côtés, sont désormais au cœur des attentes des collaborateurs. Ils constituent ce “supplément d’âme” professionnel qui doit attirer et capter les talents. »
Quel enjeu pour l’employeur ?
« La pandémie a agi comme un accélérateur, révélant la nécessité d’un équilibre vie pro-vie perso et d’un sens au travail. Une majorité croissante de travailleurs considèrent qu’une culture d’entreprise positive est plus importante que la rémunération. Etre considéré est essentiel. Ce n’est pas que le salaire ait perdu de son importance. Bien entendu, il reste le socle. Mais il n’est plus suffisant. Les talents veulent les deux : une rémunération juste et un environnement où ils se sentent épanouis. Le défi pour les entreprises est de taille, car le « salaire émotionnel » n’a rien d’une recette universelle. La flexibilité, par exemple, peut signifier différentes choses selon les individus et les générations. Pour les plus jeunes, la génération Z, la flexibilité est une valeur cardinale, incluant à la fois le lieu et le temps de travail, mais aussi le temps libre. Pour d’autres, l’accent sera mis sur le bien-être ou la reconnaissance. »
Les leviers du « salaire émotionnel »
Flexibilité et autonomie
« La flexibilité est devenue un pilier central. Ce n’est plus un simple avantage, mais une attente fondamentale qui englobe la liberté de choisir où et quand travailler. En offrant la possibilité d’un mode de travail hybride ou à distance et des horaires flexibles, les entreprises montrent qu’elles font confiance à leurs talents. Cette autonomie, alliée à la possibilité de prendre en charge leurs propres missions, renforce leur sentiment de responsabilité et de contrôle, des facteurs essentiels pour l’épanouissement professionnel. Le télétravail est quasiment devenu un “acquis social”, garant d’une plus grande liberté pour le salarié. »
Bien-être et reconnaissance
« Le bien-être des salariés doit être une priorité, pas seulement une initiative de façade. Cela passe par une réelle prise en compte de la santé mentale, avec des ressources et un environnement qui favorise la sécurité psychologique. En parallèle, la reconnaissance est un levier puissant, qu’elle soit formelle ou informelle. Un simple mot de remerciement, un feedback constructif et régulier ou la mise en avant des réussites individuelles renforce la valeur de chaque contribution. Il s’agit de la “reconnaissance informelle” ou “informal recognition”. Ces actions démontrent que l’entreprise voit ses talents comme des individus précieux et non comme une simple “force de travail”. »
Développement et sens
« Les talents d’aujourd’hui ne cherchent pas seulement un emploi, mais une carrière. Ils veulent grandir et évoluer. L’investissement dans leur développement professionnel à travers des formations, des certifications ou des opportunités de mobilité interne est perçu comme une marque de respect et d’engagement de l’entreprise. En connectant les tâches quotidiennes à une mission d’entreprise plus large et en garantissant une culture d’équité et d’inclusion, l’entreprise donne du sens au travail de ses équipes, créant ainsi une adhésion plus forte et plus durable. »
Quel rôle pour les RH ?
« L’enjeu pour la fonction RH est donc de comprendre et d’intégrer ces attentes individuelles et collectives pour créer une proposition de valeur globale et pertinente. Il ne s’agit pas de distribuer des avantages superficiels, mais de construire un cadre de travail qui répond aux besoins profonds des équipes. Les entreprises qui réussiront demain sont celles qui sauront écouter leurs talents, notamment à travers des enquêtes régulières, pour identifier les leviers d’engagement qui comptent vraiment. Celles qui continueront de voir les salariés comme de simples ressources coûteuses risquent de se heurter à un exode des talents. Le temps est venu de valoriser la richesse invisible de l’expérience collaborateur. »