Le mode d’emploi RH pour combattre le sexisme ordinaire au travail
A l’approche de la journée nationale contre le sexisme, le 25 janvier, on vous explique comment réagir face à quatre situations typiques du sexisme ordinaire au travail.
Prise de conscience éveillée par le mouvement #MeToo et accrue par la médiatisation du procès des viols de Mazan, charte « StOpe » qui appelle à agir contre le sexisme ordinaire en entreprise, multiplication des actions de sensibilisation au sexisme au sein des entreprises : « Même si de plus en plus d’initiatives sont mises en place pour lutter contre le sexisme au travail et que les entreprises nous sollicitent toujours plus pour créer un environnement de travail inclusif, il reste encore un long chemin à parcourir avant d’atteindre une véritable égalité professionnelle », estime Pascale Hardy-Amargil, fondatrice de Yes We Are, agence de conseil et de communication pour les entreprises sur les sujets diversité et inclusion.
Selon le Global Gender Gap Report du Forum économique mondial 2023, au rythme actuel, il faudra encore attendre 130 ans pour parvenir à la parité. Par ailleurs, les chiffres du baromètre de l’initiative #StOpE montrent que le sexisme ordinaire reste un problème persistant : 8 femmes sur 10 affirment que les attitudes sexistes sont fréquentes dans leur environnement de travail. De plus, 3/4 des femmes et 2/3 des hommes rapportent avoir été confrontés à des blagues sexistes. « Ces chiffres stagnent depuis 2021, illustrant que le sexisme touche tout le monde, femmes comme hommes », constate Pascale Hardy-Amargil.
Autre fait préoccupant relevé par le Haut Conseil à l’Egalité dans son dernier rapport publié le 20 janvier 2025, « on constate une plus grande tolérance au phénomène de ‘’boy’s club’’ au travail : 44% des Français·es trouvent dérangeante une réunion de travail où il n’y a que des hommes, c’est 5 points de moins que l’an dernier. De même, un homme qui explique à une femme ce qu’elle connait déjà, situation relativement courante sur le lieu de travail, dérange 64% de la population, soit 5 points de moins que l’an dernier. Enfin, 10% des femmes ont déjà subi des étreintes ou des baisers forcés faits par un collègue ou un homme qu’elles ne connaissaient pas. »
« Des comportements qui délégitiment et infériorisent »
Pour mémoire, le sexisme ordinaire désigne l’ensemble des attitudes, propos et comportements fondés sur des stéréotypes de genre. « Bien qu’ils paraissent anodins, ces comportements délégitiment et infériorisent de manière insidieuse ou, parfois, sous couvert de bienveillance », développe la fondatrice de Yes We Are. Parmi les manifestations les plus courantes, on trouve :
- Des blagues ou des remarques sexistes ;
- Des commentaires non sollicités sur l’apparence physique ;
- Des préjugés sur la parentalité, touchant aussi bien les mères que les pères ;
- Des inégalités à l’embauche ou des différences salariales pour des postes similaires.
« Ces comportements s’appuient sur des croyances inconscientes selon lesquelles hommes et femmes auraient des compétences, ambitions ou attitudes psychologiques différentes. Heureusement, ces idées fausses peuvent être déconstruites ! »
Voici comment les RH peuvent combattre ces situations à travers des exemples concrets.
4 scénarios typiques du sexisme ordinaire en entreprise
1. L’intégration des femmes dans des univers masculins
Lorsqu’Aurélie postule à un poste de manager dans une entreprise tech, on lui demande si elle se sent capable de diriger une équipe d’hommes.
« Ce type de remarque s’appuie sur le préjugé que les femmes manquent de leadership, notamment dans des secteurs perçus comme masculins », explique Pascale Hardy-Amargil. 17% seulement des postes dans la tech sont occupés par des femmes, d’après une étude GenderScan de 2022. Par ailleurs, 28% des Français de 25-34 ans pensent que les hommes sont davantage faits pour être patrons que les femmes (rapport annuel sur l’état du sexisme en France, 2023).
Comment réagir ? Former les managers aux biais inconscients et encourager une culture où les compétences prévalent sur les stéréotypes de genre.
2. Les pères et la parentalité
Julien, père d’une petite fille, demande à partir plus tôt pour aller la chercher à l’école. Un collègue lui demande : « Ce n’est pas ta femme qui s’en occupe ? »
« Ce type de remarque reflète les stéréotypes liés à la parentalité et au partage des tâches », poursuit l’experte. 66% des personnes pensent que les mères savent mieux répondre aux besoins des enfants (baromètre de la Drees, 2022). 50% des hommes disent avoir essuyé des remarques sexistes liées à leur paternité (rapport annuel sur l’état du sexisme en France, 2023).
Comment réagir ? Instaurer des politiques d’entreprise favorisant le congé paternité et promouvoir activement l’égalité dans la gestion des responsabilités familiales.
3. Les mères et la parentalité
Anne, malgré ses excellents résultats, se voit refuser une promotion car son responsable suppose qu’elle sera trop souvent absente pour s’occuper de ses enfants.
« Cela illustre l’idée selon laquelle les femmes doivent adapter leur carrière à leur rôle de mère », commente Pascale Hardy-Amargil. Près de 7 femmes sur 10 ont déjà entendu ce type de propos liés à la maternité, selon le baromètre de l’initiative #StOpE, paru en 2023.
Comment réagir ? Mettre en place des processus d’évaluation basés sur les compétences et les résultats, en supprimant les critères discriminatoires liés à la vie personnelle.
4. La blague de trop
Sandrine raconte à son supérieur, Gilles, qu’elle s’est trompée d’horaire dans un mail. Gilles plaisante : « Tu es une vraie blonde toi, ah ah ! »
« Ces blagues, souvent humiliantes, sont difficiles à dénoncer, surtout lorsqu’elles viennent d’un supérieur ! » 57% des femmes ont déjà subi des remarques sexistes ; ce chiffre atteint 2 femmes sur 3 parmi les cadres (rapport annuel sur l’état du sexisme en France, 2023).
Comment réagir ? Créer un espace de dialogue sécurisant pour que les salarié(e)s puissent signaler ces comportements inacceptables et organiser des formations sur la communication respectueuse.
En résumé, les RH disposent de trois clés essentielles pour agir :
- Se sensibiliser et s’informer : à travers des ateliers de sensibilisation sur les biais cognitifs, des conférences sur le sexisme ordinaire au travail, la charte #StOpE, qui définit huit actions pour lutter contre le sexisme ordinaire ;
- Favoriser l’écoute des équipes : encouragez l’empathie et la communication et créez un climat où les collaborateurs se sentent en confiance pour partager leurs besoins ;
- S’inspirer de bonnes pratiques : explorez des contenus inspirants (podcast Chroniques du sexisme ordinaire, compte @Pépite sexiste sur les réseaux sociaux, livres tels que le Petit traité contre le sexisme ordinaire de Brigitte Grésy…).