Religion au travail : qu’est-ce qui est autorisé ?

Le fait religieux est de plus en plus présent en entreprise, selon le baromètre de l’Institut Montaigne. Que dit la loi à ce sujet ?

Le fait religieux est de plus en plus présent en entreprise.
Le fait religieux est de plus en plus présent en entreprise. © Nikola Spasenoski/stock adobe.com

Sept entreprises françaises sur dix repèrent dans leur fonctionnement quotidien des situations de travail dans lesquelles le fait religieux est présent. « Il s’agit du niveau le plus élevé depuis la mise en place du Baromètre du fait religieux en 2013 », précise l’Institut Montaigne, qui a publié le 21 novembre les résultats de l’édition 2024.

Les manifestations de la religion au travail sont protéiformes, du port d’un signe religieux à la prière pendant le temps de pause en passant par des menus prenant en compte les interdits alimentaires, des absences ou un refus de réaliser certaines tâches pour motif religieux. Si la plupart de ces comportements ne sont pas problématiques pour la vie de l’entreprise, certains peuvent donner lieu à des conflits, à des tensions, voire à des actes discriminatoires.

« La part des répondants qui observe régulièrement ou occasionnellement des situations de stigmatisation et de discrimination au travail continue de progresser pour atteindre 32,5%, alors qu’elle était de 19,3% en 2019 et 30% en 2022, déplorent les auteurs du baromètre. Toutes les religions sont concernées : le salarié pratiquant qui donne, d’une manière ou d’une autre, à voir son engagement religieux au travail prend le risque d’être stigmatisé dans ses rapports avec ses collègues ou l’encadrement, mais aussi d’être discriminé à travers les processus de gestion de l’entreprise, notamment le processus d’embauche. »

Pour éviter d’en arriver là, il est indispensable de poser un cadre clair à l’expression du fait religieux sur le lieu de travail. Quel rôle peuvent jouer les RH et les managers pour prévenir ou apaiser ce genre de situations ?

L’entreprise : un espace d’équilibre entre liberté religieuse et neutralité

Des règles connues de tous

Depuis la loi Travail de 2016, l’employeur peut décider de limiter l’expression religieuse au sein de son entreprise au nom du principe de neutralité. Il doit, dans ce cas, introduire cette disposition dans son règlement intérieur en respectant certaines conditions dictées par la jurisprudence. Ces restrictions doivent :

  • être justifiées par la nature de la tâche à accomplir, les nécessités tirées du bon fonctionnement de l’entreprise ou l’exercice d’autres libertés et droits fondamentaux : par exemple, si ces convictions portent atteinte à l’égalité femmes-hommes ;
  • être proportionnées au but recherché.

A titre d’exemple, une entreprise peut préciser les règles relatives à :

  • la tenue vestimentaire au travail
  • l’organisation de la pause déjeuner
  • les conditions de prise de congés et d’aménagements d’horaires
  • la prière sur le lieu de travail

Selon l’Institut Montaigne, seules 40% des entreprises interrogées mentionnent le fait religieux dans leur règlement intérieur.

Il est à noter que l’entreprise privée n’est pas obligée de respecter le principe de neutralité, à la différence du secteur public, où l’absence de manifestation des croyances religieuses s’impose à tous les agents. Pour le dire autrement, le principe de laïcité s’applique au secteur public mais pas au secteur privé.

Outiller les managers

29% des entreprises ayant participé à l’enquête ont mis en place des dispositifs managériaux spécifiques en 2024, contre 23% en 2022. Un niveau de déploiement qui reste toutefois insuffisant, selon les auteurs du baromètre. Parmi les outils les plus utilisés : les discussions sur la religion lors de réunions d’équipe, la diffusion de consignes aux managers pour la gestion des demandes, telles que des aménagements d’horaires, ou encore des sessions de formation dédiées.

Aborder le sujet en entretien d’embauche

69% des entreprises jugent important de lister les comportements religieux admis et non admis, au cours de l’entretien d’embauche, si le candidat est visiblement pratiquant. En revanche, il est interdit de poser des questions liées à la religion du candidat dans le cadre du processus de recrutement.

Les comportements religieux autorisés au travail

Sauf restrictions apportées par le règlement intérieur aux conditions citées plus haut, un salarié du secteur privé a le droit, sur son lieu de travail, de :

  • porter un signe ou un vêtement religieux ;
  • demander un aménagement des horaires de travail, par exemple pour cause de prière. En revanche, l’employeur n’est pas obligé d’accepter s’il estime que ce changement peut entraver la bonne marche de l’entreprise ;
  • jeûner par conviction religieuse, notamment pendant le ramadan pour les musulmans pratiquants ;
  • prier sur son lieu de travail (en revanche, l’employeur peut émettre des restrictions au fait de prier pendant le temps de travail, car le collaborateur est censé se consacrer pleinement à son travail durant ces heures-là).

Les comportements religieux interdits au travail

Dans le cadre d’une entreprise privée, un collaborateur n’est pas autorisé à :

  • s’absenter pour une cérémonie ou fête religieuse sans y avoir été autorisé par son employeur. Dans ce cas de figure, le salarié doit demander l’autorisation de son employeur, qui est en droit de lui opposer un refus. Certaines conventions collectives prévoient toutefois un congé pour cérémonie ou fête religieuse ;
  • refuser une visite médicale auprès du médecin du travail pour motif religieux ;
  • refuser d’effectuer certaines tâches du fait de sa religion ;
  • refuser d’obéir aux ordres de son supérieur hiérarchique, par exemple au motif qu’elle est une femme ;
  • faire du prosélytisme, c’est-à-dire essayer de convaincre d’autres salariés d’adhérer à sa religion.
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