Le « quiet caregiving » ou le silence des salariés aidants

Le mot RH de la semaine. Raphaël Martin, expert en recrutement au Mercato de l’Emploi, met en lumière les salariés aidants, de plus en plus nombreux au sein des entreprises.

quiet caregiving
Les collaborateurs aidants ont parfois peur d'être stigmatisés, pénalisés ou perçus comme moins engagés. © di_media/stock adobe.com

« Après le quiet quitting et le quiet firing, une nouvelle tendance silencieuse fait son apparition dans le monde du travail avec le vieillissement de la population : le quiet caregiving. Derrière ce terme se cache une réalité vécue par un nombre croissant de collaborateurs : la double vie de travailleur et d’aidant familial. Le quiet caregiving décrit tous ces collaborateurs qui s’occupent d’un proche (enfant, parent âgé, conjoint…) sans en parler à leur employeur, de peur d’être stigmatisés, pénalisés ou perçus comme moins engagés. »

Le silence coûte cher à tous

« Les conséquences de ce silence sont lourdes, à la fois pour les collaborateurs et pour l’entreprise. Pour les aidants, cette discrétion est une source d’isolement, de fatigue et de stress. Pour l’entreprise, elle peut se traduire par une baisse de la productivité, un désengagement et une augmentation du turnover. Une culture d’entreprise qui ne reconnaît pas ces défis risque de perdre ses talents les plus précieux, et de voir sa réputation entachée, ce qui rend le recrutement et la rétention plus complexes et plus coûteux. »

« En niant la réalité des « aidants silencieux », les entreprises manquent une opportunité de créer un sentiment d’appartenance. L’appartenance est cruciale, car elle permet aux collaborateurs d’être pleinement eux-mêmes au travail. C’est en reconnaissant les défis liés au rôle d’aidant que l’entreprise peut renforcer ce sentiment d’inclusion et montrer qu’elle est un acteur de la société. D’ailleurs, de récentes études démontrent que les entreprises où l’appartenance est forte connaissent une productivité et un engagement accrus. Le soutien aux aidants est donc un levier essentiel pour atteindre les objectifs de diversité, d’équité et d’inclusion (DEI) d’une organisation. »

Agir pour une culture plus inclusive

« Comment les entreprises peuvent-elles briser ce mur du silence et soutenir efficacement leurs collaborateurs ?

  • Reconnaître l’évidence : la première étape est d’en parler. Les dirigeants doivent reconnaître publiquement l’existence et l’importance des responsabilités d’aidant. Il est nécessaire aussi d’être vigilant au quotidien à l’état de santé de ces collaborateurs. Ce faisant, ils encouragent un dialogue ouvert et un climat de confiance. La création de groupes de ressources pour les collaborateurs (ERG) dédiés aux aidants peut également offrir un espace de partage et de soutien entre pairs.
  • Repenser les bénéfices et les politiques RH : la pandémie a mis en lumière la nécessité d’une plus grande flexibilité. Les horaires flexibles, le télétravail ou les modèles hybrides sont des aides précieuses pour les aidants. Il est également essentiel d’examiner et de renforcer les politiques en matière de congés parentaux, de congés pour aidants, ou de subventions pour les services de garde d’enfants. Alors que l’incertitude économique pousse certaines entreprises à réduire leurs avantages sociaux, il est vital de ne pas sacrifier ces aides qui ont un impact direct sur la rétention et l’engagement des collaborateurs.
  • Encourager l’authenticité : Une culture d’entreprise saine est une culture où les collaborateurs se sentent en sécurité pour être qui ils sont. Les dirigeants doivent être des modèles d’authenticité et montrer qu’il est normal de concilier travail et vie personnelle. Ce faisant, ils créent un environnement où les collaborateurs n’ont plus peur de révéler qu’ils sont aussi des aidants. Cela doit faire partie intégrante de la culture d’entreprise dès l’arrivée des nouveaux collaborateurs, afin qu’ils puissent ressentir et affirmer : “Ici, nous sommes écoutés.” »

« Le quiet caregiving est un phénomène humain et universel qui affecte l’ensemble de l’écosystème de l’entreprise. Ignorer cette réalité, c’est se priver d’un levier de performance puissant. Les professionnels des ressources humaines ont la responsabilité de transformer cette tendance silencieuse en une opportunité de renforcer leur culture, leur productivité et leur engagement. Le succès de nos entreprises passe par la reconnaissance et le soutien de ceux qui, chaque jour, jonglent avec deux vies pour mieux servir la nôtre. »

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Bien s’équiper pour bien recruter