Quelles bonnes questions se poser avant de renégocier son accord de télétravail ?

Le vice-président de l’ANDRH, Benoît Serre, aborde les défis que pose le télétravail aux entreprises en 2024.

"Aujourd’hui, notre enjeu est de dresser le bilan de ce télétravail non organisé pour chercher la manière de mieux le structurer."
"Aujourd’hui, notre enjeu est de dresser le bilan de ce télétravail non organisé pour chercher la manière de mieux le structurer." © ANDRH

Une majorité des accords de télétravail, négociés au cœur de la crise sanitaire, couraient sur trois ans et arrivent à échéance. Quels points de vigilance avoir à l’esprit au moment de remettre le sujet sur la table des négociations avec les partenaires sociaux ou le CSE ? Le vice-président de l’Association nationale des DRH (ANDRH) nous aiguille.

En quoi le contexte actuel est-il différent de celui dans lequel ont été conclus les accords de télétravail en 2020 ou 2021 ?

Benoît Serre : Il faut d’abord rappeler que le télétravail, en France, était extrêmement peu développé avant le Covid, les entreprises l’ont mis en place à la hâte. Dès lors, c’est le modèle de l’open-bar qui a longtemps prévalu : chacun venait quand il le voulait, les managers eux-mêmes n’étaient pas très regardants, car ils avaient une conception assez libre du télétravail et voulaient eux-mêmes en profiter.

Trois ans après, les entreprises peuvent commencer à mesurer les effets durables de ce télétravail installé dans l’urgence. Le premier constat est que de nombreuses entreprises sont vides le vendredi et que les grandes villes sont plus embouteillées que jamais le jeudi soir. Elles ont aussi pu voir que ce mode de travail peut créer des dysfonctionnements d’équipe lorsque les collaborateurs ne se croisent pas, mais aussi des complexités managériales.

Quels défis le télétravail pose-t-il aux DRH en 2024 ?

B.S : Aujourd’hui, notre enjeu est de dresser le bilan de ce télétravail non organisé pour chercher la manière de mieux le structurer. De mon point de vue, le vrai sujet est que le travail hybride, de la même manière que le travail non hybride avant lui, doit répondre à un certain nombre de règles. On doit l’organiser pour le rendre durable et pour maintenir le lien social tout en faisant en sorte que l’entreprise fonctionne correctement, avec le bon niveau d’interactions humaines qui demeurent indispensables.

Il faut aussi garder à l’esprit que le travail au bureau conserve son importance. De nombreux jeunes, y compris dans la Tech, ne sont pas plus branchés que ça par le télétravail. Ce sont d’ailleurs les premiers qui sont revenus au bureau après la crise sanitaire. Mais, pour autant, ils ont besoin de savoir qu’ils disposent d’une marge de liberté dans l’organisation de leur travail et de leurs horaires.

Par où commencer si on doit renégocier son accord de télétravail ?

B.S : La première bonne question à se poser est : veut-on simplement corriger un certain nombre de défauts du télétravail mis en place dans l’urgence ou préfère-t-on prendre le travail hybride comme un fait établi que l’on veut organiser et structurer.

Quels autres points aborder dans le cadre des négociations avec le CSE ou les partenaires sociaux ?

B.S : Il faut se reposer la question de l’accès au télétravail. Cela passe par une phase de redéfinition des tâches par métier pour voir si certains postes qu’on ne pensait pas télétravaillables le sont en partie. Cela peut permettre de dégager, pour certains salariés, quelques jours de télétravail dans le mois qu’ils consacreront à ces tâches réalisables à distance.

Il ne faut pas perdre de vue que le télétravail ne concerne qu’un tiers des salariés français et que c’est un phénomène très urbain. Dans les entreprises où toutes les fonctions ne sont pas éligibles au télétravail, il faut donc prêter attention à ce que les personnes qui ne peuvent pas télétravailler ne développent pas un sentiment d’inégalité de traitement avec les télétravailleurs ou avec leur manager si lui seul a la possibilité de travailler à distance.

Que peuvent faire les entreprises pour contrer ce sentiment d’injustice ?

B.S : Elles doivent intégrer leur politique de télétravail à une réflexion plus globale : le télétravail est un argument de marque employeur, mais il ne suffit pas, à lui seul, à fidéliser des employés. Ce qui fait rester les gens, c’est la qualité de l’organisation du travail et du management de proximité. Tous les salariés aspirent à davantage d’autonomie, de flexibilité, de liberté dans l’organisation du travail. Le télétravail est l’une des réponses à ces besoins, mais elle n’est pas la seule. Les employeurs peuvent aussi y contribuer en rendant davantage prévisibles l’organisation et les horaires de travail (sur un semestre par exemple).

Enfin, il faut aussi anticiper l’influence du télétravail sur les mobilités professionnelles : un salarié qui n’avait pas accès au télétravail et évolue sur un poste qui lui offre cette possibilité reviendra plus difficilement sur un poste sans télétravail.

En résumé, l’accord doit répondre à cette question : en quoi le télétravail peut-il être un atout pour mon business et mon activité ?

Bien s’équiper pour bien recruter