Le social loafing, ou la tentation de la relâche en travail d’équipe

Le mot RH de la semaine. Dissection de ce comportement contre-productif pour l’entreprise avec Sabrina Redouane, recruteuse au Mercato de l’Emploi en Normandie.

Quand la dilution dans la masse incite à la paresse.
Quand la dilution dans la masse incite à la paresse. © kasto/stock adobe.com

« Le travail en équipe, si souvent valorisé par la marque employeur, peut connaître un effet pervers avec le social loafing, que l’on peut traduire par paresse sociale. Ce terme décrit la façon dont les collaborateurs ont tendance à faire moins d’efforts lorsqu’ils travaillent en groupe plutôt qu’en solo. Ce phénomène peut s’observer, aujourd’hui, au sein d’un groupe d’humains et, demain, aux côtés de robots boostés à l’IA. Alors, quelles réponses apporter pour contrer ce travers ? »

Diluer ses efforts dans la “masse”

« Il y a environ un siècle, Max Ringelmann, ingénieur français, menait une expérience sociale et mesurait la force exercée par des ouvriers tirant sur une corde. Il avait remarqué un phénomène intéressant : lorsque davantage d’hommes sont ajoutés à l’expérience, la traction sur la corde n’augmente pas proportionnellement. Et ce n’est pas parce que les nouveaux ouvriers sont plus faibles. Ce phénomène s’appelle la paresse sociale. Appliqué à l’univers du travail, il répond à une règle simple : se fondre parmi un grand nombre de personnes permet aux individus d’esquiver plus facilement leurs responsabilités et de laisser les autres prendre les devants. Ainsi, la performance individuelle peut diminuer à travers une tâche collaborative. »

Les raisons d’un désengagement

« Vous êtes-vous déjà retrouvé dans une équipe où vous aviez l’impression que certains collègues ne faisaient pas leur part du travail ? Les raisons de cette flânerie sociale sont la perte de motivation, l’absence de reconnaissance individuelle et le manque de responsabilité. Travailler en équipe peut motiver les salariés à être performants, mais cela peut aussi engendrer une démotivation, car la contribution individuelle n’est pas aussi visible. Les collaborateurs se sentent moins motivés à travailler vers un objectif commun et les “fainéants” peuvent même faire tout leur possible pour cacher leur faible contribution. Un concept connexe est la désindividuation : en faisant partie d’un grand groupe, les individus peuvent se sentir moins responsables de leurs actes et adopter des comportements qu’ils n’auraient pas eus en solitaire ou dans un groupe plus restreint. Problème : la facilité avec laquelle il est possible de se soustraire aux responsabilités au sein d’un groupe explique que les équipes ont souvent une contribution inférieure à la somme de leurs parties. »

Bientôt le cas avec les robots ?

« Des recherches récentes révèlent aussi que lorsque nous travaillons aux côtés d’un robot, nous avons tendance à devenir un peu plus paresseux – tout comme certains d’entre nous se détendent en sachant qu’un collègue diligent prendra le relais. Un article scientifique, publié dans la revue Frontiers in Robotics and AI, laisse à penser que cette paresse sociale est le signe que les humains considèrent désormais les robots comme des coéquipiers à part entière. »

Combattre le “social loafing”

Former les managers

« Pour lutter contre cette paresse sociale, les RH peuvent distiller de bonnes pratiques auprès des managers et des collaborateurs. Par exemple, chaque manager peut recevoir une formation obligatoire sur le travail en équipe pluridisciplinaire pour savoir la diriger et organiser son travail. Notamment en répartissant les tâches et en attribuant des missions individuelles à ses collaborateurs afin de responsabiliser chacun. Avec une politique de délégation très claire, les membres de l’équipe sauront exactement de quoi ils sont responsables et la paresse sociale devrait être réduite. »

Réduire la taille du groupe

« Éviter de former des groupes trop importants, où les employés ont du mal à se répartir les tâches, est aussi la clef de la réussite. Il s’agit d’obéir à la règle des deux pizzas conceptualisée par Jeff Bezos, le fondateur d’Amazon. Un projet devant être réduit à un nombre restreint de personnes, de telle sorte que deux pizzas puissent nourrir tous les participants. Ainsi, chacun apporterait une contribution identifiée au sein du groupe pour éviter toute déperdition. »

Introduire de la concurrence

« D’après une étude approfondie menée en 2001 par Julian Birkinshaw de la London Business School, une concurrence interne bien conçue s’avère un puissant levier de motivation pour les collaborateurs agissant en groupe. Mettre en avant et récompenser les réalisations des membres les plus performants peut susciter une saine compétition et motiver les autres à se hisser à leur niveau. Le simple fait d’afficher en toute transparence le classement des performances individuelles peut stimuler la motivation et affecter le comportement des personnes tentées par le social loafing. »

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Bien s’équiper pour bien recruter