Le job crafting, une réponse au désengagement au travail

Le mot RH de la semaine. Marlène Legay, psychosociologue et fondatrice de Vague de Sens, revient sur les bienfaits, individuels et collectifs, de cette approche.

Le pouvoir de façonner son job à son image.
Le pouvoir de façonner son job à son image. © westend61/stock adobde.com

« Le job crafting, c’est parvenir à modeler un poste au regard des attentes d’un collaborateur, pour qu’il entre en résonnance avec sa singularité, ses convictions, ses ambitions. C’est faire évoluer son poste, en accord avec lui, pour faire en sorte qu’il prenne davantage de plaisir à venir travailler chaque jour. Ces transformations peuvent être de plusieurs natures : attribution de nouvelles tâches, interactions avec d’autres collègues, d’autres équipes, formation professionnelle pour développer ou acquérir des compétences… »

« Laisser s’exprimer les besoins des collaborateurs »

« Dans tous les cas, le point de départ est le même : il faut donner aux personnes l’espace pour exprimer leur besoin. Les RH ont tendance à penser que les collaborateurs savent qu’ils peuvent prendre la parole, mais ce n’est pas toujours le cas. Il faut leur dire qu’ils en ont le droit, qu’ils soient au CODIR ou opérateur sur une ligne de production, et leur expliquer comment ils peuvent le faire. En parallèle, il faut sensibiliser et accompagner les managers pour qu’ils s’approprient ce concept. En commençant par lever leurs freins. J’en vois trois principaux :

  • La peur de tout céder. Il faut accepter qu’on ne pourra pas forcément dire oui à toutes les demandes du collaborateur et lui expliquer pourquoi. Si vous avez réussi à créer une relation de confiance, ce sera souvent bien compris par le collaborateur si vous avez réussi à créer ce climat de confiance. Et si le manager garde en tête le besoin exprimé par le collaborateur, il pourra peut-être y apporter une réponse plus tard.
  • L’autre réticence, c’est qu’on n’a jamais adapté leur poste pour eux, donc ils ne voient pas pourquoi ils le feraient pour les autres. Mais la société évolue et il faut intégrer ces nouvelles exigences.
  • Le souci de justice organisationnelle : faut-il le faire pour tous les postes à la fois ? Difficile de faire évoluer tous les postes en même temps sous peine de déstabiliser l’entreprise. Mais il faut donner l’occasion à tous les collaborateurs d’être acteurs de ces changements qui se feront au fur et à mesure. »

Un puissant levier de réengagement

« Ensuite, il faut dédier aux managers du temps, chaque semaine, pour échanger avec leurs équipes. Cette parole ne peut émerger que si les managers savent instaurer ce climat de confiance et d’écoute. Ils pourront ainsi déceler qu’un membre de leur équipe est en train de se désengager, perd en motivation. Cette proximité leur permettra de mettre en place des actions préventives et correctives. Leur objectif : éviter que ce désengagement s’ancre dans le temps et qu’il débouche sur un départ précipité. »

« A cet égard, le job crafting est un puissant levier de réengagement car il répond à une double attente forte des collaborateurs : un besoin accru d’être considéré et une volonté de casser la routine, dans un monde où l’on s’ennuie très vite. Cette modularité introduit de l’horizontalité dans l’organisation, elle apporte une réponse à la désynchronisation entre les attentes des entreprises et celles des collaborateurs, en particulier les plus jeunes. »

Un projet collectif lié à la culture d’entreprise

« Au-delà de cette dynamique individuelle, il faut aussi penser le job crafting comme un projet collectif, une démarche liée à la culture d’entreprise, qui contribue à la fidélisation des collaborateurs. Cette redéfinition du poste contribue à la fois à améliorer le bien-être des salariés, à réduire le taux de turnover et à renforcer l’implication au travail, dans une logique gagnant-gagnant. »

« Notre baromètre Vague de Sens de 2023 sur les jeunes et leurs premières expériences professionnelles démontre que 22% d’entre eux se déclarent prêts à rester toute leur carrière au sein de la même entreprise s’ils s’y sentent bien. Cela va à contre-courant des idées reçues sur les jeunes qui ne restent pas plus de deux ou trois ans chez le même employeur. Mais, pour les garder, il faut trouver un nouvel équilibre en faisant un pas l’un vers l’autre. Le collaborateur acceptera de donner du temps et de s’engager dans l’entreprise si, en retour, celle-ci prend en compte ses besoins et lui garantit un bon équilibre de vie et les conditions pour s’épanouir au travail. »

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Bien s’équiper pour bien recruter