Les hush trips, ou l’art de télétravailler discrètement les doigts de pied en éventail
Le mot RH de la semaine. Une mode décryptée par Fanny Henriot, recruteuse au Mercato de l’Emploi dans la région de Nice.
« En se démocratisant, le télétravail a permis à un grand nombre de collaborateurs de délocaliser leur travail à domicile. Certains ont parfois une lecture extensible de cette notion et choisissent de télétravailler « en douce » sur un lieu de vacances sans en informer leur employeur. Une pratique qui n’est pas sans risque, mais qui peut se révéler paradoxalement positive pour les deux parties… »
Voyager “en douce”
« Qui n’a jamais rêvé secrètement de travailler depuis son transat sur une plage de sable fin entre deux cocktails et une petite baignade pour oublier la tension d’une réunion ? Bien entendu, en toute discrétion, loin du tumulte du bureau et de la ville. Les « hush trips » ou « voyages silencieux » se caractérisent par le fait qu’un salarié travaille à partir d’une destination de vacances, sans révéler son lieu de villégiature à son supérieur hiérarchique.
Pourtant, en vertu des conventions collectives et des règles établies dans les entreprises, le salarié a un devoir de transparence envers son employeur : il doit travailler depuis un lieu clairement défini avec lui. La plupart du temps, son domicile. Selon une étude RVShare et Wakefield Research de 2023, 56 % des travailleurs américains ont déclaré qu’ils étaient fortement enclins à participer à un « voyage silencieux ». 36% de la génération X et des millennials en avaient même déjà prévu un ! »
Les limites de ce mode de travail
« Toutefois, travailler dans un lieu de vacances, et notamment à l’étranger, peut générer un certain nombre de difficultés dans l’exécution de son travail :
– des problèmes de sécurité et cybersécurité, si les employés emportent des ordinateurs fournis par l’entreprise en dehors de la ville et utilisent des réseaux Wi-Fi non sécurisés
– des problématiques de confidentialité si les déplacements et le travail ne sont pas effectués à l’abri des regards
– des contraintes de disponibilité en cas de réunion de dernière minute devant avoir lieu impérativement sur site
– des implications fiscales et sociales pour les entreprises en fonction de la durée pendant laquelle l’employé travaille dans certains pays
– des impacts juridiques pour les entreprises qui ne sont pas correctement enregistrées dans d’autres pays. »
Une “évasion” profitable
« Même si ces “voyages discrets” peuvent sembler, pour certains, sournois voire déloyaux, ils ne sont peut-être pas une si mauvaise chose. En effet, changer d’environnement, être dans un lieu plus inspirant peut améliorer sa santé mentale et physique. Le regain de moral peut augmenter la productivité du collaborateur. La déconnexion en pleine nature peut être propice à la génération d’idées, en mettant son cerveau en Default Mode Network. Un état où le cerveau n’est plus sursollicité et où les idées viennent plus naturellement. Néanmoins, il convient de noter que les vacances ne sont pas toujours une solution de long terme contre l’épuisement chronique, car les problèmes peuvent survenir au retour au bureau.
La meilleure solution RH pourrait être d’élaborer des plans flexibles permettant aux collaborateurs d’occuper des postes de travail dans lesquels ils n’ont pas besoin de se faire discret. Par exemple, convenir de travailler depuis n’importe quel endroit du globe durant trois semaines par an. Cela implique de trouver un compromis qui concilie les intérêts des salariés avec ceux de l’entreprise. »