L’accidental manager, ou l’histoire d’une promotion mal accompagnée
Le mot RH de la semaine. Coralie Rachet, Managing Director au sein du cabinet Robert Walters, revient sur une tendance venue des pays anglosaxons.
« L’accidental manager (ou manager accidentel) désigne une personne promue à un rôle de leadership sans préparation préalable. Ce changement de statut intervient souvent pour récompenser un collaborateur talentueux sur le plan opérationnel ou technique. Ce concept a été popularisé par le CMI (Chartered Management Institute), une institution basée au Royaume-Uni. »
57% des managers ne se sentent pas soutenus
« L’enquête Robert Walters récemment menée auprès de managers britanniques a montré que 66% d’entre eux n’avaient pas suivi de formation et que près d’un cinquième avaient le sentiment d’avoir été ‘’discrètement promus’’. Nous avons ensuite interrogé 600 managers français : 57% d’entre eux ne se sont pas senti soutenus à leur prise de fonction. 25% déclarent ne pas avoir reçu d’augmentation de salaire, 35% n’ont pas été formés, 53% estiment qu’ils ont été promus sans reconnaissance réelle de la part de leur entreprise. »
« Si le terme est moins connu en France, il décrit un phénomène qui a toujours existé, mais qui s’est accru au cours des dernières années. L’entreprise est de plus en plus exigeante envers ses managers, qui sont amenés à relever de nouveaux défis :
- Gérer la pression supplémentaire engendrée par les confinements et le télétravail durant la pandémie. Les managers ont dû gérer à distance de multiples sujets : pilotage, suivi de la performance, appartenance à l’entreprise, lien d’équipe, bien-être au travail, identification des risques psychosociaux…
- De nouvelles attentes des jeunes générations : autonomie accrue, souplesse dans l’organisation du travail… »
Un cadeau empoisonné qui a des coûts cachés pour l’entreprise
« Dans ces conditions, être promu à un rôle de leadership peut devenir un cadeau empoisonné si la personne n’a pas de reconnaissance en retour, n’est pas accompagnée, valorisée, formée. Ces promotions de « managers accidentels » ont un coût caché : bien souvent, elles se traduisent par une perte de motivation et de performance chez ces hauts potentiels. Or, le départ de ces profils précieux représente un risque, car ils sont pénuriques sur le marché de l’emploi. La démission de ces rôles-modèles peut aussi entraîner des départs en cascade. »
« L’entreprise doit investir dans ses managers parce qu’ils ont un rôle capital à jouer en termes de performance, d’innovation, de productivité, d’efficience. En ces temps d’incertitude politique, géopolitique, économique, il est d’autant plus essentiel d’accompagner le management intermédiaire, car un mauvais lien managérial est le 2e motif qui pousse les collaborateurs à quitter leur entreprise, après un salaire insatisfaisant. »
6 moyens d’éviter les ‘accidental managers’
« Les DRH disposent de différents leviers pour limiter les accidental managers :
- mieux cibler les profils à faire évoluer sur ces postes d’encadrement et proposer d’autres voies d’évolution possibles pour récompenser une expertise ou l’excellence d’un collaborateur ;
- aider les collaborateurs à anticiper leur plan de carrière en fixant des caps clairs, en leur donnant des informations sur les attendus à tel ou tel poste et sur les perspective d’évolution ;
- proposer des formations externes ou internes pour professionnaliser les managers ;
- mettre en place des actions de mentorat pour accompagner les managers récemment promus ;
- prendre le temps d’officialiser une promotion, voire la célébrer ;
- travailler sur l’égalité professionnelle : les femmes managers sont deux fois plus nombreuses que les hommes à être gagnées par le syndrome de l’imposteur, révèle l’étude. Il faut donc poursuivre le travail de sensibilisation sur les sujets d’égalité professionnelle, les actions de coaching, les communications sur les rôles-modèles, pour que les femmes aient davantage confiance en elles. »