Le « mindful maneuvering » ou l’art d’allier manipulation et éthique

Le mot RH de la semaine. Chloé Beauvallet, directrice générale d’Outsourcia, revient sur cette technique de management.

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« Cette manipulation dite “vertueuse” repose sur l'écoute active, l’intention positive et l'intelligence émotionnelle. » © TSViPhoto/stock adobe.com

« Et si la manipulation, souvent diabolisée, pouvait être la clé d’un leadership bienveillant et efficace ? Une nouvelle pratique bouscule les conventions : le mindful maneuvering ou “manipulation consciente”. Ce concept audacieux propose de réconcilier influence et éthique, en transformant une pratique a priori néfaste en un outil vertueux au service du collectif. Est-ce réaliste ? »

Manipuler au service du collectif ?

« De prime abord, l’expression de “manipulation éthique” a de quoi surprendre. Contrairement à sa réputation toxique, la manipulation, lorsqu’elle est exercée avec subtilité et empathie, pourrait se révéler un outil efficace pour orienter les équipes vers des objectifs communs, en tenant compte des aspirations de chacun. Tel est le principe du “mindful maneuvering”, récemment théorisé par Caitlin Collins, psychologue organisationnelle, dans un article de WorkLife. Jenny Wood, ancienne dirigeante de Google et coach de carrière, défend aussi cette idée – moins provocatrice qu’il n’y paraît – d’une manipulation empathique comme moteur d’influence et clé d’un management efficace, dans son dernier ouvrage Wild Courage: Go After What You Want and Get It. »

Le leader qui fédère

« Cette manipulation dite “vertueuse” repose sur l’écoute active, l’intention positive et l’intelligence émotionnelle. Un dirigeant usant de cette approche chercherait d’abord à comprendre les besoins, les préoccupations et les aspirations de ses collaborateurs avant de proposer sa propre direction. Il ne s’agirait plus d’imposer, mais de connecter, de rallier, de suggérer, de façonner les résultats avec une fine compréhension des dynamiques de groupe. »

« C’est l’art subtil de guider sans contrôler, d’inspirer sans contraindre, de créer un mouvement collectif vers des objectifs partagés. Ce n’est plus le leader « locomotive » qui entraîne les équipes dans son sillage, mais un management horizontal où le leader fédère les énergies et valorise chaque individu pour le bien de l’équipe. Pour que cette forme d’influence fonctionne, le manager doit toujours appliquer les préceptes suivants : la transparence d’intention (l’objectif final doit bénéficier à tous), le respect du libre-arbitre (la personne peut toujours dire non), la réciprocité (être prêt à être influencé en retour) et la bienveillance (viser le développement de l’autre). »

Un éventail de techniques

« Un éventail de techniques peut être utilisé :

  • le “recadrage constructif” : au lieu de critiquer une erreur, le leader met en avant les points positifs de l’équipe (énergie, créativité) et l’aide à réaligner ses efforts vers l’objectif initial ;
  • la méthode du « futur antérieur » : le leader invite l’équipe à imaginer que le projet est déjà un succès. Ensuite, ses membres reviennent en arrière pour identifier les étapes clés qui ont mené à ce succès. Cette approche rend l’objectif plus concret et encourage l’équipe à trouver des solutions positives ;
  • l’avocat du diable bienveillant : le manager simule des objections potentielles à une idée de l’équipe pour l’aider à anticiper les critiques et à solidifier ses arguments. Après avoir testé la robustesse de l’idée, le manager révèle son soutien. Cela prépare l’équipe aux vraies objections et renforce sa confiance. »

« Avant d’appliquer une technique dite de “manipulation éthique”, le leader doit impérativement se poser la question suivante :« Si une personne de mon équipe découvrait ma stratégie, serait-elle reconnaissante ?” »

La prochaine soft skill ?

« Il pourrait être intéressant de soumettre ces techniques dans des formations managériales avec des mises en situation et un guide de bonnes pratiques. Aux conditions préalablement établies, dans une conscience partagée et avec des gages déontologiques, cette forme d’influence pourrait même devenir une pratique élargie à toutes les parties prenantes et pas seulement au manager, puisqu’il revient aussi à chacun de manager son manager ou ses pairs ! Elle pourrait même devenir la soft skill dont nous avons le plus besoin pour construire des organisations non plus performantes mais robustes et, surtout, plus humaines… Tout en maintenant des garde-fous. »

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Bien s’équiper pour bien recruter