D’une banlieue populaire à la vice-présidence RH dans une multinationale : « Le mentorat a eu un effet extraordinaire sur ma carrière ! »

La success story de Karima Cherifi, accompagnée par l’association Nos Quartiers ont du Talent, avant de devenir mentor à son tour.

"On essaie de casser cette croyance selon laquelle on a moins de chances de réussir parce qu’on vient d’un milieu populaire."
"On essaie de casser cette croyance selon laquelle on a moins de chances de réussir parce qu’on vient d’un milieu populaire." © Camille Collin

2008 : année de la crise économique et de la validation du Master RH de Karima Cherifi. Un contexte pas simple pour chercher son premier emploi. Surtout quand on a grandi dans une banlieue populaire, à Villeneuve-la-Garenne, avec un père ouvrier, une mère femme de ménage et aucun réseau professionnel : « J’avais besoin d’un travail rapidement et je ne voulais pas d’un job alimentaire. J’ai envoyé une centaine de CV, je n’ai eu aucun retour. Pourtant, j’avais un beau parcours universitaire, j’étais très bonne élève, j’avais de l’expérience à valoriser, des stages, une alternance en tant qu’assistante RH. Je me demandais ce qui bloquait. Pourquoi on ne se rappelait pas de moi ? Pourquoi aucun recruteur ne flashait sur moi ? »

« Dès notre première poignée de main, elle a relevé mon manque d’assurance »

Lors d’un événement organisé par sa commune, Karima découvre l’association Nos Quartiers ont du Talent (NQT), qui accompagne vers l’emploi des jeunes de niveau bac+3 et plus. Elle s’y inscrit et est rapidement contactée par sa future mentor, responsable talents et mobilité interne au sein d’un groupe bancaire. « La deuxième femme de ma vie après ma mère », sourit Karima, qui se souvient parfaitement de leur première rencontre : « Le rendez-vous avait lieu dans des locaux incroyables à Boulogne-Billancourt. Je m’étais mise sur mon 31. Je voulais apprendre le maximum de cet entretien. Dès notre première poignée de main, elle a relevé mon manque d’assurance. On a tout de suite travaillé sur ma prestance, mon CV, la manière de me présenter, à la fois au travers d’un short speech impactant et en format plus long. »

« Je suis ressortie du rendez-vous requinquée, pleine d’espoir ! »

Au-delà du coaching professionnel, la mentor de Karima lève ses freins psychologiques : « J’étais un peu déprimée, je manquais de confiance en moi, à force de ne pas avoir de retours à mes candidatures. Ce qui m’a le plus rassurée, c’est quand elle m’a dit que j’avais un super CV, mais qu’il fallait simplement mieux le valoriser, parler de toutes mes expériences, ajouter une photo. Je suis ressortie de ce premier rendez-vous requinquée, pleine d’espoir ! »

Karima a raison d’y croire : en quelques semaines, elle décroche plusieurs entretiens d’embauche. Avant chaque rendez-vous, elle envoie des messages à sa mentor : « Je voulais la rendre fière, au même titre que ma famille ! » témoigne-t-elle. « J’étais obnubilée par l’obtention d’un CDI. Mais elle m’a convaincue d’élargir mon champ de recherche. J’ai eu trois propositions et j’ai accepté celle qui me semblait la meilleure : un CDD de RH généraliste de six mois, en remplacement d’un congé maternité, qui s’est transformé en CDI, dans une PME, avec des missions qui m’ont énormément appris. Ma mentor m’a suivie pendant toute ma période d’essai et nous sommes encore en contact aujourd’hui. »

« J’étais la plus jeune DRH de toute ma promo »

Karima gravit ensuite rapidement les échelons, jusqu’à devenir, à 28 ans, DRH : « Je crois bien que j’étais la plus jeune DRH de toute ma promo », affirme-t-elle avec une fierté teintée de gratitude. Lorsqu’elle prend son poste actuel de vice-présidente RH et communication d’un Business Group chez Nexans, elle tombe sur une publication de l’association NQT sur les réseaux sociaux : « Il fallait que je rende la pareille, car le mentorat a eu un effet extraordinaire sur ma carrière ! L’entreprise était déjà très engagée sur les politiques de diversité et d’inclusion mais rien n’avait été fait sur la diversité liée à l’origine sociale. Je me suis dit que c’était le moment et que j’étais la mieux placée pour le faire ! »

« Ces jeunes m’apprennent énormément »

Comment a-t-elle convaincu sa direction ? « J’ai raconté mon parcours, que j’étais très fière d’avoir grandi en QPV [quartier prioritaire de la politique de la ville], comment j’avais été accompagnée. Personne ne connaissait mon passé, les gens ont été très surpris. Mais j’ai eu un accueil très positif et enthousiaste. » Le groupe signe un partenariat avec l’association en 2020. Parmi ses cadres supérieurs, Nexans compte aujourd’hui une soixantaine de mentors, dont Karima : « Je me revois en ces jeunes. Je les comprends de A à Z : on oppose souvent la génération Z à la mienne, mais ils ont les mêmes attentes vis-à-vis du travail. La seule différence, c’est leur plus grande exigence dans leur recherche d’emploi, ce qui est une bonne chose. Au fil des séances, on travaille ensemble sur leur CV, leur posture en entretien… Mais c’est aussi du reverse mentoring, ils m’apprennent énormément. J’ai mentoré un jeune brillantissime passionné de finances et de cryptomonnaie, un autre hyper calé en cybersécurité. Ce qui me fait un bien fou, c’est de me dire que je peux leur faciliter la vie, avoir un impact sur leur carrière, les aider à occuper, un jour, le même type de poste que le mien et à devenir mentor. On essaie de créer un cercle vertueux et de casser cette croyance selon laquelle on a moins de chances de réussir parce qu’on vient d’un milieu populaire. »

« Les mentors sont des cadres plus engagés au travail »

Son autre motif de satisfaction : avoir créé une passerelle solide entre deux populations qui ne se seraient peut-être jamais croisées. « Mes collègues cadres me disent que discuter avec ces jeunes est leur bouffée d’oxygène de la journée. Certains ont la larme à l’œil quand le jeune qu’ils accompagnent est embauché ! »

Pourquoi développer le mentorat dans son entreprise ? « D’abord pour lever les barrières d’accès à l’emploi qui handicapent ces jeunes et ne pas se priver de personnes brillantes. Car il y a une forte corrélation entre diversité et innovation et que les entreprises ont tout intérêt à attirer des jeunes issus des QPV pour se développer. Le mentorat augmente également le niveau d’engagement des cadres et développe leurs compétences en matière de leadership. Cette parenthèse leur offre aussi la possibilité de sortir de leur quotidien professionnel pour voir ce qui se passe ailleurs dans la société. C’est enrichissant de part et d’autre ! »

Bien s’équiper pour bien recruter