Maladies chroniques : comment limiter les risques de discrimination dans l’emploi ?
Une personne sur six atteinte d’une maladie chronique déclare avoir été victime de discrimination dans l’emploi.

Le 16e baromètre sur les discriminations dans l’emploi* de la Défenseure des droits, réalisé en partenariat avec l’Organisation internationale du travail (OIT), est consacré aux travailleurs atteints de maladies chroniques. Qu’il s’agisse de diabètes, de cancers, de maladies mentales ou psychiques, de maladies cardiovasculaires ou de maladies rares (mucovicidose, myopathies…), les maladies chroniques définissent, selon l’OMS, des affections de longue durée, associées à une invalidité ou à la menace de complications graves, qui évoluent lentement et nécessitent une prise en charge pendant plusieurs années.
Ces maladies touchent, chaque année, une part plus importante de la population : de 15% des Français en 2019, 25% pourraient être concernés en 2025, selon les estimations de l’Anact (Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail).
Se taire par crainte de répercussions négatives
L’enquête de la Défenseure des droits nous apprend que quatre malades sur dix ont déjà été victimes de discrimination dans le cadre de leur recherche d’emploi, un chiffre deux fois plus élevé que chez l’ensemble de la population française. Pour se prémunir de ces différences de traitement, un candidat sur deux choisit de taire son problème de santé lors du processus de recrutement.
Être atteint d’une maladie chronique peut également être source de discriminations dans l’emploi. « Au-delà de différences de traitement vécues dans le travail au quotidien (43 %), les discriminations liées à l’état de santé et/ou au handicap surviennent principalement lors du retour d’un congé maladie (30 %) et à l’occasion d’une demande d’évolution de carrière (30 %) ou d’aménagement de poste (26 %) », détaille le baromètre. Seule la moitié des malades ont informé leur employeur ou supérieur hiérarchique de leur état de santé et, parmi ceux qui ne l’ont pas fait, 40 % déclarent avoir peur des répercussions négatives.
Comment faire pour créer un environnement de travail propice au bien-être de ses salariés atteints de maladie chronique ?
Suivre à la lettre les préconisations de la médecine du travail
Selon les articles L. 4121-1 et suivants du Code du travail, l’employeur est tenu à une obligation de sécurité et doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.
Pourtant, dans près d’un tiers des cas, l’employeur ne suit pas, ou seulement en partie, les recommandations de la médecine du travail, notamment en termes d’aménagements du poste. « Lorsqu’un avis d’inaptitude est émis par le médecin et qu’aucun aménagement ne peut être proposé, la plupart des entreprises ne recherchent pas activement de poste en vue d’un reclassement interne et le licenciement est préféré à d’autres solutions quasi systématiquement », constatent les auteurs du rapport.
Afin d’aider au maintien dans l’emploi des personnes atteintes d’une maladie ou d’un handicap, le médecin du travail peut effectuer des préconisations auprès de l’employeur ou de l’employeuse pour adapter le poste de travail et réaliser des aménagements nécessaires (de l’environnement de travail, du temps de travail ou de la charge de travail) ou, si cela n’est pas possible, proposer un reclassement (interne ou externe) et/ou une formation adaptée aux besoins en vue d’une réorientation professionnelle.
Il peut également émettre un avis d’inaptitude au poste de travail et conseiller le salarié ou la salariée dans ses démarches de reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé.
S’informer et se former aux dispositifs de prévention et de maintien dans l’emploi
« Seulement la moitié des malades chroniques connaissent plutôt bien ou très bien les bons gestes et mesures de prévention au travail (53 % d’entre eux contre 59 % pour le reste de la population active), les informations liées à la santé au travail (44 % contre 50 %) et les risques auxquels ils sont exposés dans leur emploi (51 % contre 58 %), développe le baromètre. Les dispositifs tels que les aménagements de poste qui peuvent être préconisés par le médecin du travail ou le document unique d’évaluation des risques professionnels (DUERP) sont encore moins bien connus. »
Mieux accompagner les reprises après un arrêt de longue durée
Une visite de pré-reprise médicale peut être organisée dans le but d’accompagner, de préparer et d’anticiper, pendant leur arrêt, leur retour au travail dans les meilleures conditions et de proposer des aménagements éventuels.
La visite de reprise est, elle, obligatoire, après un arrêt maladie de longue durée, qu’il s’agisse d’une absence pour cause de maladie professionnelle, d’une absence d’au moins 30 jours pour cause d’accident du travail, ou d’une absence d’au moins 60 jours pour cause de maladie ou d’accident non professionnel.
Accompagner les managers de proximité
L’enquête souligne, par ailleurs, le rôle clé de la hiérarchie directe. Le manager de proximité doit tout mettre en œuvre pour que les incertitudes liées à l’état de santé d’un collaborateur ou d’une collaboratrice (absences imprévues, fatigue récurrente…) ne chamboulent pas l’organisation de l’équipe. Pour cela, il peut actionner divers leviers : répartition de la charge de travail du collaborateur entre ses collègues, recrutement de contrats courts, aménagement de poste ou allègement de la charge de travail. Le manager est un élément crucial de soutien pour le salarié malade et doit savoir se montrer à l’écoute de ses besoins.
*L’enquête a été réalisée par l’institut Ipsos, du 24 mars au 25 avril 2023, par internet, auprès d’un échantillon représentatif de la population active (en termes de sexe, âge, région d’habitation et catégorie socioprofessionnelle du répondant) de 2 000 individus âgés de 16 à 64 ans et d’un sur-échantillon de 1 000 individus actifs, âgés de 16 à 64 ans, ayant déclaré un problème de santé chronique.