Le « job hopping » ou quand les salariés ont la bougeotte
Le mot RH de la semaine. Arnaud Roudeau, expert en recrutement au Mercato de l’Emploi, analyse cette tendance au zapping professionnel, plus répandue chez les jeunes générations.

« Le job hopping consiste à changer fréquemment d’emploi, tous les un à trois ans. Cette tendance est particulièrement répandue parmi les jeunes professionnels, de 20 à 35 ans, souvent appelés job hoppers. »
Le zapping professionnel
« Ce phénomène s’est accéléré ces dernières années sous l’effet de plusieurs facteurs, tels que :
- L’évolution des attentes professionnelles, notamment chez les jeunes générations (priorité à la flexibilité, au développement personnel et à l’équilibre travail-vie personnelle) ;
- L’impact de la pandémie de Covid-19, qui a intensifié la quête de sens au travail et popularisé les modèles de travail hybrides ;
- Le développement des outils numériques, facilitant la recherche et l’accès à de nouvelles opportunités. »
« Les secteurs comme la technologie, le marketing digital et les start-up sont particulièrement concernés. Le job hopping y est souvent perçu comme un accélérateur de carrière. Selon une enquête récente de McKinsey & Company, 54 % des job hoppers sont des hommes, contre 46 % de femmes, ces dernières étant plus influencées par des critères tels que la flexibilité et l’inclusivité. Dans les secteurs où le recrutement externalisé est fortement présent, comme la tech, on constate une augmentation notable du job hopping ces cinq dernières années. »
Pourquoi changent-ils de job ?
- « Pour obtenir une meilleure rémunération sans attendre les augmentations annuelles de salaire et le bon vouloir du manager. C’est souvent l’occasion pour le candidat nouvellement recruté de faire un « jump salarial » ;
- Pour progresser plus rapidement dans leur carrière avec l’accès à des postes de niveau supérieur sans attendre le bon vouloir de l’employeur ;
- Pour développer leurs compétences : les changements fréquents d’emploi améliorent leur adaptabilité et leur montée rapide en compétences, des qualités très appréciées dans des secteurs dynamiques comme la tech ;
- Pour trouver un meilleur équilibre vie professionnelle/vie personnelle : les job hoppers recherchent souvent des postes offrant une meilleure flexibilité, les incitant à explorer différentes opportunités. »
Dans l’œil du recruteur
« A la lecture du CV, le job hopping reflète un certain dynamisme du candidat et une forme de désirabilité s’il réussit à “enchaîner” différents postes. Une expérience professionnelle diversifiée, acquise dans différentes entreprises, enrichit le parcours individuel et développe une polyvalence appréciée. Cette mobilité favorise également une adaptabilité, une qualité particulièrement recherchée par les employeurs. De plus, chaque nouvelle expérience professionnelle offre l’opportunité d’élargir son réseau, ce qui peut s’avérer positif pour les perspectives de carrière futures. »
« Cependant, il est important de noter que des changements de poste fréquents peuvent être perçus par certains employeurs comme un manque d’engagement ou une instabilité. J’en ai moi-même fait l’expérience avec un client. Alors que je présentais un excellent profil, mon interlocuteur, un recruteur expérimenté, parcourait le CV d’un air dubitatif. Après un silence, il se laisse aller au commentaire suivant : « Trois entreprises en six ans… Votre candidat ne tient pas en place ? ». En effet, certains employeurs privilégient les candidats ayant démontré une certaine stabilité, gage de loyauté et d’une connaissance approfondie de l’entreprise. »
« Si le job hopping est aujourd’hui valorisé par de nombreux recruteurs issus de la nouvelle génération, perçu comme un signe d’agilité, de curiosité et de montée rapide en compétences, il n’en va pas toujours de même pour tous. Le job hopper peut se heurter à un conflit générationnel. D’un côté, des recruteurs qui voient dans cette trajectoire professionnelle un atout stratégique ; de l’autre, ceux pour qui la fidélité reste un gage de fiabilité. Ce fossé de perception peut devenir un frein à l’embauche, même pour des candidats talentueux. Le job hopping, bien qu’en vogue, n’est donc pas toujours un passeport universel. »