Jeunes diplômés : pourquoi sont-ils inégaux face aux plateformes de recrutement ?

Comment expliquer que certains titulaires d’un master décrochent un CDI dans les six mois suivant l’obtention de leur diplôme quand d’autres attendent plus de treize mois ?

L'insertion professionnelle des jeunes diplômés dépend fortement de leur croyance ou non dans la rationalité du marché du travail.
L'insertion professionnelle des jeunes diplômés dépend fortement de leur croyance ou non dans la rationalité du marché du travail. © BullRun/stock adobe.com

A niveau d’études égal, les jeunes diplômés ont-ils tous les mêmes chances d’accès à l’emploi ? Pas vraiment, si l’on en croit une étude* dirigée par Jean Pralong, titulaire de la chaire Compétences, employabilité et décisions RH à l’EM Normandie et publiée le 13 juin.

Le postulat de départ : dans un monde où internet est devenu bien plus qu’un espace de diffusion d’offres d’emploi, en témoignent les nombreuses CVthèques, les applications de cooptation et les approches des recruteurs via les réseaux sociaux, les digital natives devraient être avantagés dans leur recherche d’emploi.

« Etre trouvé par un algorithme »

Or, c’est loin d’être le cas : si 25% des jeunes diplômés décrochent un CDI moins de six mois après l’obtention de leur diplôme, 46% attendent plus de treize mois. Comment expliquer un tel écart ?

En 2021, 25% des recrutements se font par le biais des CVthèques, de la cooptation ou des réseaux sociaux, contre 17,4% en 2019 : « Cette évolution introduit une médiation nouvelle entre candidats et recruteurs, analyse l’étude. Il ne s’agit plus d’être choisi par un recruteur mais d’être trouvé par des algorithmes, parfois après que d’autres algorithmes ont lu, interprété et classé le profil déposé sur un site. Les relations entre candidats et recruteurs sont médiatisées par ces logiciels. L’utilisation pertinente des plateformes qui collectent les profils est donc centrale pour accéder à l’emploi. »

Le marché du travail est-il rationnel ?

Dans ce contexte, les auteurs  mettent en avant deux profils de candidats qui ont des stratégies de recherche d’emploi radicalement différentes :

  • Ceux qui estiment que les recruteurs ont des comportements rationnels et que le recrutement répond à des règles qu’il suffit de comprendre pour être embauché. Ces jeunes diplômés mettent tout en œuvre pour convaincre les recruteurs : consultation de nombreux sites d’emploi, emploi de mots-clés pertinents dans les moteurs de recherche, mise à jour régulière de leur CV dans les CVthèques, posts LinkedIn. Ce sont eux qui sont embauchés le plus rapidement en CDI
  • Ceux qui jugent le marché du travail incompréhensible et pensent que le bon matching candidat/recruteur est le fruit du hasard. Ils ne sont pas aussi actifs que les premiers dans leur recherche, postulent à une offre comme s’ils jetaient une bouteille à la mer et ont davantage de difficulté à s’insérer sur le marché du travail.

5 leviers pour corriger ces inégalités d’accès à l’emploi

Pour pallier ces inégalités, l’étude formule des propositions pour faciliter la compréhension par les candidats du recrutement digital :

  • Valoriser les engagements éthiques des plateformes d’emploi : « L’existence de chartes de non- discrimination ou d’associations comme ‘’à compétence égale’’ permet d’orienter les éditeurs de plateformes vers des comportements vertueux et de le faire savoir des candidats », développent les auteurs de l’étude
  • Faire des marques de plateforme ou des algorithmes des marques de confiance
  • Systématiser des formations concrètes à l’utilisation des plateformes pour les étudiants et les candidats
  • Systématiser les actions d’initiation au fonctionnement des algorithmes de recrutement
  • Développer des pratiques collaboratives d’entraide pour les candidats, par exemple via des communautés de pairs où partager son expérience et demander conseil.

*L’étude a été réalisée auprès de 287 jeunes, détenteurs de diplômes de Master, suivis pendant les dix-huit mois suivant l’obtention de leur diplôme.

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Bien s’équiper pour bien recruter