Index de l’égalité professionnelle : ce que lui reprochent les entreprises
Si l’outil a de nombreuses vertus, il est également critiqué car il invisibilise certains facteurs essentiels d’inégalité femmes-hommes au travail.
« Utile mais imparfait » : telle est la perception de l’index de l’égalité professionnelle par les entreprises, trois ans après sa mise en place. Destiné à réduire les inégalités de traitement entre les femmes et les hommes dans la sphère professionnelle, l’outil est parfois décrié pour son « incomplétude, son manque de précision et sa relative complexité ».
Dans la droite lignée de l’étude de la Dares, publiée fin 2021, une récente enquête du Céreq, fait état des avancées permises par cet instrument de mesure, mais aussi de ses limites identifiées par les DRH, la direction, les responsables diversité ou RSE et les représentants du personnel ou syndicaux.
Au rang des avancées, en 2022, 92% des entreprises ayant publié leur index affichent une note au-dessus de 75/100. Pour rappel, il est prévu que les organisations affichant un score en-deçà de ce seuil, trois années consécutives, écopent d’une amende pouvant aller jusqu’à 1% de leur masse salariale. Au fil des années, la note moyenne progresse, même si les avancées sont timides : elle est passée à 86 en 2022 dans les entreprises de plus de 50 salariés, contre 85 en 2021. Point positif également, l’index a grandement contribué à faire respecter la loi sur l’augmentation des femmes à leur retour de congé maternité.
S’il faut se réjouir de ces progrès, il faut également s’interroger sur les moyens de rendre l’outil encore plus efficace pour résorber les inégalités. Quels sont les principaux reproches adressés à l’index par les yeux entreprises sondées ?
Des classifications non pertinentes pour calculer les écarts de rémunération
Pour mesurer les écarts de rémunération entre les femmes et les hommes, l’index se base sur une répartition des collaborateurs de l’entreprise en 16 groupes, formés selon 4 catégories socioprofessionnelles (ouvriers, employés, techniciens et agents de maîtrise, ingénieurs et cadres) et 4 catégories d’âge (moins de 30 ans, 30 à 39 ans, 40 à 49 ans, 50 ans et plus).
Or, ces catégories regroupent parfois des métiers très différents, difficiles à comparer, sources d’une marge d’erreur qui peut masquer les inégalités réelles, comme le souligne une DRH d’une entreprise du numérique : « Au sein de la catégorie agents de maîtrise sont inclus des développeurs hommes bien payés et des métiers artistiques plutôt féminins moins bien rémunérés. »
Le choix de privilégier la classification par âge, plutôt que par ancienneté, pose également question, car il occulte « les inégalités dues aux retards de carrière des femmes, telles que par exemple l’inégale durée d’accès aux échelons supérieurs du fait de congés maternité, congé parental ou de temps partiel », notent les auteurs du rapport.
Les montants d’augmentation exclus du calcul
Autre limite pointée du doigt par les entreprises : seuls les pourcentages d’hommes et de femmes ayant touché une augmentation sont comparés. Le niveau de revalorisation des salaires est, de son côté, purement exclu du calcul. Dès lors, certaines voix s’élèvent pour dénoncer le fait qu’une entreprise puisse afficher une bonne note sur ce critère, même si les femmes bénéficient d’augmentations dans des proportions bien moins importantes que leurs homologues masculins.
Le témoignage de cette DRH d’une entreprise de services de taille moyenne va dans ce sens : « On a 50 % des femmes augmentées contre 61 % des hommes ; ce n’est pas un écart énorme, ce n’est pas 80/20, mais on est pénalisé. C’est pervers, car si je donne 4 centimes d’augmentation, c’est pareil que si je donne 15 %. On est en pleine revue des salaires, je sais comment faire !»
Nombre de salariés du sexe sous-représenté parmi les 10 plus hautes rémunérations : peu de moyens d’action
Sur ce cinquième critère permettant de calculer le score de l’index, « la majorité des entreprises se déclarent impuissantes face à cet indicateur ou signalent que sa correction prendra du temps. Certaines précisent que la fixation de ces hauts salaires n’est pas de leur ressort pour diverses raisons (appartenance à un groupe, victime d’une logique de plafond de verre). D’autres estiment qu’elles pourront agir, mais qu’il faudra de nombreuses années pour combler ce déficit de cadres féminins », explique la note de synthèse du Céreq.
A ce sujet, on peut espérer que la loi Rixain du 24 décembre 2021, qui crée une obligation de représentation équilibrée entre les femmes et les hommes parmi les cadres dirigeants et les membres des instances de direction des grandes entreprises, contribuera à rééquilibrer la situation.
La non prise en compte de la surreprésentation des femmes dans certains métiers
Enfin, il est reproché à l’index d’invisibiliser les premiers facteurs d’inégalité au travail : « la surreprésentation des femmes dans les emplois à temps partiel et parmi les bas salaires, ainsi que dans certains secteurs et métiers sous-valorisés, où leurs compétences sont partiellement, voire totalement non reconnues, parce que jugées ‘’naturelles’’. »
Les auteurs du rapport déplorent également que l’index soit silencieux sur les discriminations subies par les femmes tout au long de leur carrière professionnelle.