Inclusion des plus de 50 ans, une stratégie gagnante pour les entreprises
À une époque où coexistent sur le marché du travail baby-boomers, Générations X, Y et Z, l’heure est venue de penser la diversité générationnelle comme un levier d’attractivité et de performance pour les entreprises.
« Nous sommes en janvier 2022. Je viens d’avoir 56 ans. Je dirige une grande ONG et je suis intéressée par un nouveau challenge, un nouveau job. Les chasseurs de têtes du cabinet de recrutement sont emballés par mon profil… Mais l’employeur ne souhaite pas me recevoir. Pourquoi ? Parce que je suis “trop vieille“». Tels sont les mots de Frédérique Jeske, ancienne directrice générale de la Ligue contre le cancer, en ouverture de son ouvrage Le choc des générations n’existe pas, paru le 3 octobre dernier.
« En deux mots, 32 ans de parcours de manager et dirigeante, d’engagement professionnel continu, de compétences et d’expériences, se sont envolés, balayés d’un revers de main. Mépris. Violence », continue-t-elle. Nommé l’âgisme, ce phénomène sociétal consiste à discriminer une personne en fonction de son âge. Encore fortement invisibilisé, c’est la première forme de discrimination dans le monde du travail, touchant particulièrement les deux extrémités de la population active : les moins de 25 ans (on parle aussi de jeunisme), et les plus de 50 ans.
Selon une étude Ifop, une personne de 50 ans et plus sur deux se dit victime de discrimination en raison de son âge. Cela peut prendre la forme de moindres augmentations salariales, de remarques dévalorisantes, de remise en doute des compétences, de mise à l’écart ou encore de difficultés pour évoluer.
Mais alors, « comment, dans un contexte de transformation profonde du monde du travail […] peut-on réinventer l’entreprise de demain en se privant d’autant d’atouts et de richesses ? », interroge l’autrice.
En finir avec les stéréotypes…
Chaque génération fait face à son lot de stéréotypes. Les baby-boomers seraient des acharnés de travail, profondément loyaux envers leur entreprise mais réfractaires aux nouvelles technologies. De son côté, la Gen Z serait la génération du BCPFT : « Bon courage pour les faire travailler ». Les 25-45 ans (ou Génération Y), épuisés par la parentalité, sont qualifiés d’individualistes, tandis que les 45-60 ans (ou Génération X) sont jugés « rigides, démotivés et peu créatifs ».
« Selon des études menées par l’OMIG, les conflits entre générations existeraient dans 55% des entreprises. »
Déconstruire ces préjugés réducteurs, c’est se donner l’occasion d’édifier une force de travail complémentaire et riche, capable de hisser le collectif au sommet. « Nos stéréotypes et nos préjugés sont des obstacles au “vivre ensemble“. Des outils au service des tensions, oppositions, conflits » précise Frédérique Jeske.
… en quelques chiffres
Le dernier Rapport au travail des actifs de moins de 30 ans, réalisé par l’Apec en partenariat avec Terra Nova, va à rebours des idées reçues sur les jeunes générations. 47% des 18-29 ans considèrent leur travail comme très important, au même titre que les 30-44 ans et davantage que les 45-65 ans (36%).
Comme leurs aînés, 70% d’entre eux sont prêts à s’investir au-delà de leur fiche de poste, et ils ne sont guère plus réfractaires à l’autorité (40%) que les générations précédentes.
En revanche, parce qu’ils sont au tout début de leur carrière, ils se distinguent par leur désir de progression professionnelle.
Faire de nos différences une force
Encourager le croisement des générations offre la possibilité « de débattre, de confronter les contradictions », mais aussi « de s’ouvrir à la confrontation, aux aspérités et aux nouvelles façons de penser et d’agir pour se nourrir et grandir » selon Frédérique Jeske. Quel intérêt y a-t-il à ne côtoyer que des personnes partageant nos idées ? Dans cette perspective, comment innover et créer ?
« Unifier, c’est nouer les diversités, non les effacer dans un ordre vain… Si tu diffères de moi, loin de me léser, tu m’enrichis. » – Antoine de Saint-Exupéry
Penser la diversité générationnelle, c’est aussi s’enrichir au contact des autres. La jeunesse apporte son expertise des technologies, les profils seniors transmettent des savoir-faire techniques.
Un atout pour la marque employeur
L’époque actuelle nous dit deux choses sur le marché du travail : les difficultés de recrutement sont particulièrement fortes et la concurrence est telle que fidéliser ses talents est impératif.
L’inclusion des 50 ans et plus peut partiellement répondre à ces problématiques et constitue un levier stratégique pour la marque employeur. Valoriser l’expérience et les compétences en place favorise la rétention des talents qualifiés. Cela place l’humain, quel que soit son âge, au cœur de l’entreprise et témoigne de l’engagement social de l’organisation, envoyant un signal positif aux futurs candidats et partenaires potentiels.
Le rôle des RH
Les RH ont un rôle central à jouer dans l’inclusion des plus de 50 ans. Ils sont chargés de créer un environnement propice à leur intégration en favorisant la diversité, en proposant des opportunités de développement professionnel et en veillant à combattre les stéréotypes liés à l’âge.
« L’intergénérationnel, c’est la cohésion, le lien, la solidarité, le partage. »
Quelques idées d’actions concrètes à mettre en place :
- Évaluer la politique RH d’une entreprise en matière d’inclusion des 50 ans et plus. Pour cela, réaliser une analyse quantitative et qualitative de la politique RH pour mettre en place un plan d’action adapté (recrutement, rémunération, formation, évolution et mobilité interne).
- Prévenir la discrimination et l’âgisme en lançant des campagnes de communication interne et externe, et concevoir une procédure de signalement pour traiter les incidents liés à l’âge.
- Former continuellement les 50 ans et plus. Il convient d’encourager une culture de l’apprentissage et d’offrir des opportunités de formation pour développer leurs compétences et faciliter la reconversion ou l’évolution professionnelle.
- Développer des méthodes de transmission intergénérationnelle. Cela peut passer par la pratique du reverse mentoring pour favoriser le partage des savoir-faire, par l’organisation d’ateliers collaboratifs.
- Former les jeunes managers. Investir dans des formations spécifiques permet aux jeunes managers d’apprendre à encadrer des profils seniors.
- Mettre en place des politiques de protection de la santé et de soutien à l’aidance.
- Adapter les conditions de travail selon les besoins.
- Mettre en place un programme de transition vers la retraite pour faciliter ce passage en douceur.