Comment favoriser l’inclusion des collaborateurs LGBT + en entreprise ?

Comment créer un climat bienveillant et tolérant pour permettre aux collaborateurs LGBT+ de s’épanouir au travail ? Découvrez une série de bonnes pratiques faciles à adopter !

Comment permettre à vos collaborateurs LGBT+ de pouvoir être pleinement eux-mêmes au travail
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« En France, on a encore trop tendance à penser que les sujets liés à l’orientation sexuelle et à l’identité LGBT+ sont de l’ordre du privé, voire du secret. Cela entretient l’illusion qu’une personne au travail n’est pas complète. Or, les entreprises doivent considérer leurs collaborateurs dans toute leur entièreté d’autant plus qu’elles attendent d’eux qu’ils s’investissent dans leur travail dans toutes leurs composantes : leur spontanéité, leurs initiatives, leurs réactions, constate Anne Delbègue, DRH d’Audiens, le groupe de protection sociale des professionnels de la culture, de la communication et des médias.

Discriminations et souffrance au travail

Encore aujourd’hui, le fait de ne pas oser faire son coming out au travail, parce qu’on craint que cela ne freine notre évolution professionnelle, constitue une souffrance pour de nombreux salariés. Comme l’illustrent les exemples d’Alain Gavand, responsable de l’Observatoire de l’association L’Autre Cercle, qui œuvre pour l’inclusion des personnes LGBT+ au travail : « Comment expliquer à votre DRH, qui vous annonce que vous êtes muté dans l’un des 70 pays où l’homosexualité est pénalisée, que vous refusez cette proposition si vous n’êtes pas out ? Comment faire valoir vos droits auprès des RH en cas de mariage, de congé parental, de garde d’enfants malades s’ils ne sont pas au courant de votre situation familiale ? »

En matière d’inclusion des collaborateurs LGBT+, les entreprises françaises accusent un retard en comparaison de leurs homologues anglo-saxonnes. Pour s’en convaincre, il suffit de regarder le dernier baromètre l’Autre Cercle/IFOP selon lequel un collaborateur LGBT+ sur deux n’est pas visible au travail, ce qui signifie que ses collègues n’ont pas connaissance de son appartenance à cette communauté. « Il est fréquent que, lorsqu’un membre de la communauté LGBT+ raconte son week-end à ses collègues, il ‘’ maquille’’ le sexe de son conjoint, ce qui constitue un poids mental », témoigne Alain Gavand.

Pire, une personne LGBT+ sur 4 dit avoir été victime de LGBTphobie au travail, des remarques LGBTphobes ordinaire aux violences physiques. Et une personne LGBT+ sur 6 se considère victime de discrimination dans le cadre professionnel, sur le plan de la gestion de carrière, du recrutement ou du salaire.

De l’importance de pouvoir être pleinement soi-même au travail

Or, « cette possibilité de pouvoir être pleinement soi-même au travail est un élément important d’une vie professionnelle épanouie et de bien-être au travail, affirme Frédéric Olivennes, directeur général d’Audiens. Par symétrie, pour l’employeur, cela est sans doute la garantie d’avoir des collaborateurs plus efficaces, plus performants. »

« Faire son coming out au boulot a une vertu pédagogique, éducative, pour les personnes culturellement éloignées des communautés LGBT+. »

Les bénéfices de créer un climat bienveillant et ouvert à l’expression de toutes les identités de genre ne s’arrêtent pas là : « Faire son coming out au boulot a également une vertu pédagogique, éducative. Cet acte fort permet à des gens, culturellement assez éloignés des communautés LGBT+, d’avoir un regard plus tolérant, moins pétri de préjugés », avance Frédéric Olivennes.

« Notre référent interne sur les sujets LGBT+ est souvent approché par des collègues qui se questionnent sur l’orientation sexuelle de leurs enfants, poursuit Anne Delbègue. C’est extrêmement positif de pouvoir en parler à un collègue qui pourra le guider, le renseigner. »

De la prévention des discriminations à la fierté d’être qui l’on est

S’il est vrai que cette prise en compte des situations des collaborateurs LGBT+ peut varier fortement en fonction du secteur d’activité, de la taille de l’entreprise et de sa localisation géographique, l’idée infuse peu à peu qu’il faut cesser de renvoyer ce sujet à la sphère privée : « Ce chemin est accompagné par les évolutions du cadre législatif : le renforcement des sanctions liées à la discrimination de genre et la loi sur le mariage pour tous, souligne Alain Gavand. On assiste aussi à un changement de paradigme : d’une approche privilégiant la prévention des discriminations à une revendication d’être fier de qui l’on est. »

« La question LGBT+ doit devenir un sujet sans être un problème. »

En parallèle, on est passé « d’une société française qui valorise la retenue et l’aspect lisse des personnalités, incitées à rentrer dans le rang, à la promotion d’une expression plus claire et nette de la personnalité de chacun au sein d’un collectif de travail », note Frédéric Olivennes.

Conscientes que la question « LGBT+ doit devenir un sujet sans être un problème », selon la formule d’Anne Delbègue, les entreprises prennent des engagements de plus en plus affirmés. En témoigne le nombre croissant de groupes qui ratifient la charte de l’Autre Cercle ou celle des normes de conduite pour lutter contre les discriminations de genre de l’ONU. Mais aussi l’émergence de réseaux LGBT+, comme chez Orange, Thales ou France Télévisions, créés à l’initiative des salariés ou de la direction.

Sensibiliser, écouter, inspirer : de bonnes pratiques à explorer

Alain Gavand encourage les entreprises à organiser des campagnes d’affichage, des conférences, des workshops et des guides pour aborder le sujet. De son côté, pour sensibiliser l’ensemble des salariés, Audiens multiplie les actions : participation aux Gay Games, soutien à l’association Gray Pride qui répond aux craintes des personnes LGBT+ vieillissantes, exposition de photos de couples LGBT+ vieillissants dans le hall de l’entreprise, réalisation d’un film tourné par 40 salariés en faveur de l’inclusion des LGBT+, participation à des enquêtes sur la diversité et l’orientation sexuelle.

L’entreprise a également fait le choix de nommer un référent spécialisé : « Il a pour vocation de répondre aux questions personnelles des salariés mais aussi aux questions liées aux relations avec les clients, développe la DRH d’Audiens. Par exemple, un conseiller qui a au téléphone un bénéficiaire masculin doit réfléchir avant de demander’ ’et pour madame, est-ce que vous souhaitez prendre une option dans votre complémentaire ?’’. Il y a encore des progrès à faire. » Certains groupes ont également fait le choix de créer une cellule d’écoute pour lutter contre les discriminations et les sanctionner.

« Notre défi est d’accompagner la prise en compte de situations de plus en plus diverses car les identités sont de plus en plus complexes et granulaires. »

Autre outil à la portée des entreprises, la mise en lumière de rôles-modèles : des dirigeants LGBT+ qui osent le revendiquer ou des chefs d’entreprise qui s’engagent pour cette cause. C’est le sens de la cérémonie des rôles modèles LGBT+ et Allié.es, organisée par l’Autre Cercle. 94 lauréats ont été récompensés cette année, dont Frédéric Olivennes : « Si j’ai candidaté, c’est que j’ai baigné dans une culture du respect des homosexuels. C’est entré dans ma tête très tôt comme un fait qui ne devait pas être questionné du point de vue de la normalité. Je me suis ensuite rendu compte que, si j’avais eu cette chance de naître dans une famille ouverte d’esprit, c’était loin d’être le cas de tous, qu’il fallait accepter que tout le monde n’ait pas eu cette éducation-là et que c’était mon rôle de faire bouger les lignes, à mon échelle. »

« Notre défi, aujourd’hui, est d’accompagner, de manière fine, la prise en compte de situations de plus en plus diverses car les identités sont de plus en plus complexes et granulaires. Cela passe par un questionnement sur la désignation de certains locaux, notamment des sanitaires, mais aussi sur des sujets de paramétrages IT lorsqu’on demande, par exemple, à des clients de remplir des formulaires », poursuit-il.

La prise en compte de cette diversité passe également par la formation des managers et des RH pour éviter tout biais dans le recrutement. « Du point de vue du candidat qui cherche un emploi, c’est un sujet qui fait souvent la différence dans un contexte où l’on se bat pour recruter, confirme Anne Delbègue. Si on explique, dès le recrutement, qu’on est attentifs et engagés sur ces questions de diversité, ça marque les candidats. » Au point que l’intégration des personnes LGBT+ au sein du collectif de travail devient un sujet important de marque employeur, qui contribue à l’attractivité d’une entreprise, en particulier lors des forums école. « La communauté LGBT+ représente aujourd’hui 7% de la population active, fait remarquer Alain Gavand. Il ne faut pas se priver de ce vivier de candidats ! »

Bien s’équiper pour bien recruter