Epuisement professionnel : qui va prendre soin des RH en 2022 ?

Ils sont les interlocuteurs privilégiés des salariés lorsqu’ils se sentent mal au travail, mais qui s’occupe des RH, mis à rude épreuve pendant la crise sanitaire ?

La fonction RH était déjà mise à rude épreuve bien avant la crise sanitaire.
La fonction RH était déjà mise à rude épreuve bien avant la crise sanitaire. © fizkes/stock adobe.com

La longue période de crise sanitaire que nous traversons a généré une « fatigue pandémique », selon le terme utilisée par Merete Wedell-Wedellsborg (docteure en économie d’entreprise et psychologue) dans un article publié dans la Harvard Business Review. Un mal, dont les symptômes sont la perte de motivation, la lassitude, des troubles du sommeil, une fatigue psychologique ou physique, et qui touche tout type de salariés.

La fonction RH est particulièrement en proie à cet épuisement professionnel : 64% des RH interrogés se déclarent en situation de détresse psychologique, selon le 9e baromètre du cabinet Empreinte Humaine, publié en mars 2022.

Tout l’enjeu, aujourd’hui, est de parvenir à « mobiliser l’endurance psychologique de ses équipes sans se vider de sa propre énergie », estime Jean-Christophe Villette, psychologue et cofondateur du cabinet Ekilibre, spécialisé dans les questions de bien-être et de performance au travail. Un challenge pour les services RH et les managers.

Comment expliquer cette grande fatigue des RH ?

Avant la crise sanitaire, cette profession était déjà vulnérabilisée au sein de l’entreprise. Selon les éditions Tissot, en février 2020, 80% de la fonction RH se disait épuisée et 71% frustrée. Une situation qui n’a fait que se dégrader avec l’arrivée du Coronavirus.

Obligées de s’adapter en permanence aux nouvelles mesures de précaution sanitaire, les RH n’ont pas connu de temps mort au cours des deux dernières années. « Ces nouveaux sujets sont venus s’ajouter à l’usuel : le recrutement, la paie, la GEPP [gestion des emplois et des parcours professionnels, NDLR], les accords égalité femmes-hommes, les actions RSE, liste Célia Kuster, ergonome du travail et cofondatrice du cabinet Ekilibre. Au début de la crise, les RH ont dû trouver en urgence des masques des gants, du gel hydroalcoolique, mettre en place du jour au lendemain le télétravail, former au management à distance, équiper en matériel leurs collaborateurs pour qu’ils puissent travailler. »

« Dès la fin du premier confinement, on a été témoins de difficultés particulières dans la gestion de l’énergie au sein de la fonction RH dans les entreprises que nous accompagnons, confirme Jean-Christophe Villette. Et nous n’avions aucun élément nous permettant de dire que ce risque allait être résorbé. »

Après la gestion de l’urgence, les RH doivent s’impliquer dans des sujets stratégiques : généraliser le télétravail, faire face à d’importantes pénuries de main-d’œuvre dans certains secteurs, composer avec les attentes d’engagement en matière de diversité et à d’inclusion.

« La fonction RH subit la pression des enjeux en lien avec le cœur de sa mission qui est d’accompagner le changement, poursuit-il. Elle doit composer avec des injonctions paradoxales : aller plus vite tout en maintenant la qualité et en assurant l’équilibre financier. Les RH se voient sans cesse confier de nouvelles missions, des objectifs plus ambitieux, mais sans ressources supplémentaires et sans moyen d’anticiper la durée de cette crise. Cet accroissement de la charge cognitive et émotionnelle durant la crise explique la dégradation de l’état de fatigue. »

C’est également une fonction relativement isolée au sein de l’entreprise, notamment du fait de son devoir de confidentialité vis-à-vis de l’ensemble des collaborateurs. « On relève aussi que les RH sont en manque de reconnaissance, précise le psychologue du travail. La plupart de leurs missions sont invisibles pour les salariés car ils ne les sollicitent, le plus souvent, qu’en cas de problème. A la longue, ce manque de considération génère une forme de lassitude. »

Comment la fonction RH peut-elle se préserver de cet épuisement professionnel ?

Ce sont souvent les RH qui organisent les actions de prévention et de sensibilisation de leurs collaborateurs. « Mais cela ne doit pas leur faire oublier qu’ils sont eux-mêmes des collaborateurs avant tout. Ils doivent également faire un audit de leur propre service, une étude, une photographie à date pour identifier les facteurs de risques psychosociaux et renforcer les mesures de protection », avance Célia Kuster.

Ces professionnels ont vocation à être formés à ces RPS pour savoir y faire face, pour les accompagner, mais aussi pour les mettre à distance : « Quand on est soi-même éreinté, il convient de trouver la bonne distance avec la fatigue des autres, tout en conservant le bon niveau d’empathie. C’est toute la difficulté face à la forte exigence émotionnelle du poste », explique l’ergonome du travail.

« Dans le quotidien de la relation de travail, il est recommandé d’être ouvert au dialogue, écouter les autres et s’écouter soi-même, développe Jean-Christophe Villette. Si on cherche à supposer, à deviner plutôt que de demander ou d’écouter, on se livre à un exercice qui n’est pas forcément réaliste. Il faut être attentif à ces signaux d’alarme, chez vous comme chez les autres : perte d’enthousiasme, irritabilité, difficulté à gérer les émotions dans les relations professionnelles… »

Pour ne pas rester seul face à des situations difficiles à surmonter, vous pouvez vous tourner vers la médecine du travail ou votre propre médecin généraliste, vers votre manager, votre DRH, votre direction générale, ou encore vers des pairs qui occupent les mêmes fonctions que vous dans d’autres entreprises. L’ANDRH (association nationale des DRH) propose d’ailleurs des événements (conférence, webinaires…) pour échanger avec des professionnels confrontés aux mêmes problématiques que les vôtres.

Malgré la fin du protocole sanitaire et du masque en entreprise, les RH doivent continuer de se mobiliser pour assurer la sécurité et préserver la santé de leurs équipes, tout en ménageant la leur.

« La capacité à donner du sens, les méthodes agiles et les soft skills : adaptabilité, gestion des émotions… seront les forces de la suite du pilotage des politiques dans l’entreprise. Ces maîtres-mots seront les meilleurs alliés des RH pour réguler au mieux la pression au quotidien, constate Célia Kuster. Elles devront se former et former les managers à la maîtrise de ces compétences clés. De telle sorte que l’ensemble des équipes soient prêtes à mieux s’engager dans le changement et à s’adapter. »

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