Pourquoi les chefs d’entreprise ne comprennent pas la génération Z
70% des employeurs éprouvent des difficultés à comprendre les aspirations professionnelles des moins de 28 ans.
Les chefs d’entreprise reconnaissent avoir du mal à attirer et à fidéliser les jeunes de la génération Z (nés après 1995). D’après une enquête Ipsos/CESI parue le 18 juin, 70% des dirigeants peinent à cerner les attentes de ces travailleurs et 86% estiment que cette génération est bien différente de celle qui la précède.
Des jeunes moins investis et moins fidèles à l’entreprise ?
A l’aise avec les outils digitaux et l’IA, très attentive à son équilibre vie pro/vie perso, plus innovante et plus ambitieuse que ses aînés : tel est le portrait de la génération Z que dressent les employeurs, côté pile.
Côté face, ils la décrivent comme moins investie, moins fidèle à l’entreprise et moins respectueuse de la hiérarchie et de l’autorité que les salariés plus âgés. Elle serait aussi moins prête à assumer des responsabilités ou des missions qui outrepassent le périmètre de sa fiche de poste, moins prête à faire des heures de travail supplémentaires non rémunérées ou à être contactée en dehors des horaires de travail.
En finir avec les clichés
Ce tableau n’est pas tout à fait fidèle à la réalité. Le travail constitue toujours une valeur essentielle aux yeux des moins de 28 ans : 91% d’entre eux disent qu’avoir un travail qu’ils apprécient est une condition essentielle pour être heureux.
L’image du jeune papillonnant d’une entreprise à l’autre au gré de ses envies est, elle aussi, à nuancer : 60% de ce jeune panel considèrent que, dans leur situation actuelle, ils seraient prêts à conserver un emploi stable même s’ils ne s’y épanouissent pas.
« Enfin, contrairement à ce que pensent les chefs d’entreprises, la génération Z est intéressée par les responsabilités, même lorsqu’elles ne font pas partie de la fiche de poste », relève Brice Teinturier, directeur général délégué d’Ipsos. 73% des jeunes sont prêts à réaliser parfois des tâches qui ne sont pas dans leur fiche de poste et 60% d’entre eux se disent prêts à assumer des responsabilités au-delà de leur fiche de poste. « Dès lors, il paraît difficile de dire qu’il y a un déni du travail ou un refus de s’impliquer dans l’entreprise quand on interroge ces jeunes générations même s’il y a des conditions à cet investissement. »
Un engagement sous conditions
« Dans le monde de l’entreprise, en cas de pic d’activité, la culture a longtemps été de se retrousser les manches, d’avancer et d’envisager une contrepartie dans un second temps, rembobine Brice Teinturier. La jeune génération n’est pas prête à sacrifier son temps à l’entreprise, surtout si c’est sans contrepartie financière. »
Ces exigences se reflètent d’ailleurs dans les deux critères principaux de choix d’une entreprise cités par les moins de 28 ans : une rémunération attractive et une garantie de l’équilibre vie pro/vie perso.
Une exigence de réactivité source de malentendu
Si la génération Z ne se retrouve pas dans le contrat conclu avec l’entreprise, elle n’hésite pas à mettre les voiles, explique le directeur général délégué d’Ipsos : « Les jeunes expriment une réelle confiance dans leur avenir professionnel, à la différence de ce que l’on a pu connaître dans les années 1980-90 avec le chômage de masse. Cette génération a bien intégré que les entreprises ont besoin de recruter et qu’elle ne devrait pas avoir de problèmes massifs d’insertion dans le monde du travail. Ce niveau de confiance augmente encore une fois en poste. »
Un contexte qui fait germer de fortes attentes en matière de réactivité : près de huit jeunes sur dix considèrent que pour avoir ce qu’ils souhaitent (une meilleure rémunération, des missions plus intéressantes, des possibilités d’évolution), ils doivent changer d’entreprise.
Si une majorité tente d’abord le dialogue en cas de désaccord sur des sujets essentiels (rémunération, ambiance et bien-être au travail, manque d’équilibre pro/perso), ils n’hésitent pas à démissionner si la situation n’évolue pas dans le bon sens dans les quelques jours ou semaines qui suivent la discussion.
« Cette exigence de contreparties immédiates alimente ce malentendu : les entreprises l’interprètent comme de l’infidélité alors que les jeunes la voient comme un engagement sous conditions. »
*Enquête réalisée avec un double échantillon : 1 000 Français âgés de 18 ans à 28 ans, du 19 avril au 7 mai ; 405 chefs d’entreprise, du 24 avril au 14 mai 2024.