« Les DRH ont une responsabilité légale et sociétale vis-à-vis de leurs salariés aidants »

En ce 6 octobre 2025, journée nationale des aidants, on fait le point sur la situation des salariés aidants en France et sur les mesures d’accompagnement mises en place par les entreprises.

La France compte aujourd'hui 4,4 à 5 millions de salariés aidants.
La France compte aujourd'hui 4,4 à 5 millions de salariés aidants. © Lightfield Studios/stock adobe.com

En 2030, un actif sur quatre sera proche aidant, que ce soit pour accompagner au quotidien un parent, un enfant ou un conjoint en perte d’autonomie. Actuellement, la France compte 8 à 11 millions de proches aidants, dont 61% sont salariés, selon les chiffres de France Travail. L’étude OCIRP/Viavoice 2025* brosse le portrait de ce salarié aidant : il a en moyenne 44 ans et est entré dans l’aidance alors qu’il avait 34 ans. Il accompagne principalement un membre de son cercle familial en perte d’autonomie : un parent, un grand-parent, un oncle, une tante, un frère, une soeur, un conjoint, un enfant…

Même si les aidants sont de plus en plus informés sur leur rôle d’aidant et leurs droits, 45% des salariés aidants disent ne pas se sentir concernés par l’aidance. « La stigmatisation des problèmes liés à la santé mentale est le principal frein au développement de politiques RH d’accompagnement des aidants, constate Emmanuelle Taylor-Bon, Head of Commercial and Marketing chez Stimulus Care Services, un programme de soutien psychologique, social et juridique des salariés. Les DRH se sont demandé pendant longtemps s’ils devaient s’emparer du sujet. Or, du fait du vieillissement de la population, l’aidance est devenu une question de responsabilité collective. Les DRH ont, non seulement, une obligation légale de préserver la santé physique et mentale de leurs salariés, mais aussi une responsabilité sociétale vis-à-vis de leurs collaborateurs aidants. »

Des répercussions sur la santé et sur le travail

Pour les 4,4 à 5 millions de salariés aidants que compte aujourd’hui la France**, concilier travail, aidance, vie personnelle et familiale relève souvent du parcours du combattant : 44% d’entre eux se déclarent en difficulté sur le plan de la santé mentale, 51% sont en proie à un épuisement physique et psychique, 38% sont isolés socialement et 36% sont en état dépressif.

Ces situations ont également des répercussions sur leur travail : chez les aidants, on enregistre une baisse de 20 à 30% de la productivité au travail, en raison d’un taux d’absentéisme supérieur à l’ensemble des salariés, selon les chiffres de la DREES. D’après une étude Malakoff Humanis, les salariés aidants ont deux fois plus de risques d’être absents que leurs collègues. L’absentéisme représente un coût moyen annuel de 3 000 à 4 000€ par salarié pour une entreprise. Du côté des aidants, cette situation se traduit par des pertes de revenus importantes, certains allant jusqu’à réduire leurs heures de travail ou quitter leur emploi pour s’occuper de leurs proches.

Identifier les salariés aidants

Premier défi pour les entreprises : identifier les aidants parmi leurs collaborateurs. Pour ce faire, les RH peuvent organiser des enquêtes anonymes pour connaître la part de collaborateurs concernés et leur poser des questions très précises afin de cerner leurs besoins et d’être en mesure de leur apporter les solutions les plus appropriées.

« De nombreux salariés n’ont pas conscience qu’ils sont aidants, souligne Emmanuelle Taylor-Bon. Et ceux qui se définissent comme tels n’osent généralement pas en parler à leur employeur pour plusieurs raisons : parce qu’ils ne veulent pas parler de problèmes personnels à leurs collègues ou à leur manager, parce que le travail leur sert d’échappatoire ou bien par peur que cette situation ne porte préjudice à leur carrière. »

De fait, une grande majorité de DRH et de managers interrogés dans le cadre de l’enquête OCIRP, estiment que la situation d’aidance a un impact sur l’organisation du travail, l’efficacité du travail, la quantité de travail et la qualité du travail de leurs collaborateurs.

Prendre soin de leur santé mentale et physique

L’accès à des aides professionnelles et à des services pour les soulager, tels que une aide à domicile, un soutien pour l’aménagement de logement ou la coordination de rendez-vous, est la principale mesure plébiscitée par les salariés aidants dans le cadre de l’enquête OCIRP/Viavoice 2025.

Flexibilité, télétravail, dons de jours : aider les aidants

L’autre éventail de mesures qui ont le plus d’impact pour faciliter le quotidien des aidants, sont celles qui génèrent de la flexibilité dans l’organisation de leur emploi du temps.

Une souplesse d’organisation

Pouvoir adapter son agenda professionnel à ses obligations personnelles est d’autant plus crucial pour les collaborateurs en situation d’aidance, qui doivent parfois faire face à des imprévus. Ainsi 65% des salariés interrogés par l’OCIRP apprécient d’avoir la possibilité d’aménager leurs horaires, 53% souhaitent pouvoir travailler à temps partiel, 51% désirent pouvoir télétravailler.

Du temps pour aider

Le don de congés ou de RTT entre collaborateurs est également un dispositif jugé efficace, voire très efficace, par 50% des actifs interrogés. L’employeur peut aussi décider de mettre en place des congés de proche aidant ou de financer des séjours de répit permettant au salarié de partir en vacances avec son proche en perte d’autonomie en bénéficiant d’un relais pour prendre soin de lui.

Des programmes d’assistance des employés

Pour informer ses employés en situation d’aidance, une entreprise peut désigner un référent santé mentale. Sa mission : orienter vers des associations, des groupes de parole composés de pairs-aidants, proposer des rendez-vous avec un psychologue ou un assistant social. « Le plus important est d’offrir des espaces de dialogue aux aidants, qui ont tendance à s’oublier à travers l’autre, et leur permettre d’avoir du temps pour eux. Car on ne peut pas bien prendre soin des autres si l’on ne prend pas bien soin de soi. »

Sensibiliser les RH et les managers

« Cette perception de l’aidance comme obstacle à l’évolution professionnelle est sans doute liée à la culture française du présentéisme qu’il faut revoir au profit d’un management par objectifs », analyse Emmanuelle Taylor-Bon.

Les DRH appréhendent aussi le coût que représenterait un accompagnement sur-mesure de leurs salariés, car chaque situation d’aidance est unique. « La clé est de sensibiliser et de former les services des ressources humaines et les managers pour instaurer une culture de la bienveillance et de la communication ouverte : les former à la détection des signaux faibles, comme une intense fatigue ou des absences répétées de dernière minute, à l’orientation vers des ressources (assistantes sociales ou psychologues, guide d’informations…), à l’accompagnement, les inviter à planifier des entretiens individuels réguliers avec les aidants de leur équipe… »

 

*Enquête réalisée du 20 mai au 13 juin 2025 auprès de 2 929 salariés du secteur privé, de 1 611 agents publics, de 200 actifs travaillant au seins d’une direction des ressources humaines du secteur privé, de 200 managers du secteur public et du secteur privé travaillant dans un structure de 10 salariés ou plus. Etude complétée par des interviews menées du 4 juin au 4 août 2025 auprès de 37 représentants d’organisations syndicales et de 22 représentants d’organisation patronales.

**Source : baromètre Interfacia 2020

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