Conseiller le matin, coder l’après-midi : les bénéfices de la diversification des compétences en entreprise

Les recruteurs recherchent de plus en plus des profils touche-à-tout, capables de faire face aux changements qui rythment la vie d’une entreprise.

La possibilité de monter en compétences est un facteur essentiel de fidélisation des talents au sein de l'entreprise.
La possibilité de monter en compétences est un facteur essentiel de fidélisation des talents au sein de l'entreprise. © REDPIXEL/stock adobe.com

La polyvalence est une qualité de plus en plus recherchée par les entreprises, tous secteurs d’activité confondus, dans un monde du travail de plus en plus frénétique. Quels sont les bénéfices de la diversification des compétences pour vos collaborateurs et pour votre entreprise et comment la favoriser au sein de votre organisation ?

Nous avons posé ces questions à Dominique Taïeb, directeur général de Polyconseil, un cabinet de conseil en transformation numérique créé il y a une vingtaine d’années.

Pourquoi la diversification des compétences est-elle un enjeu clé pour une entreprise ?

De manière générale, pour réussir un projet, il faut avoir une vue à 360° du sujet. Et avoir des talents en mesure de comprendre que tout ce que l’on fait dans le cadre de nos missions s’inscrit dans une vision d’ensemble. Si on prend l’exemple d’un projet numérique, le système d’information doit être intégré au sein de la réflexion stratégique globale de l’entreprise. Avant, on le considérait comme une boîte noire qui réalisait les basses œuvres dans la soute. Aujourd’hui, le système d’information est au cœur de la réussite des entreprises et concerne tous les métiers : aussi bien les équipes RH, les équipes produits ou logistiques que celles qui s’occupent de la facturation ou de la gestion des magasins.

Historiquement, les équipes étaient très segmentées avec, d’un côté, les sachants, qui disaient ce qu’il fallait faire, et, de l’autre, les exécutants, qui faisaient ce qu’on leur disait de faire. Les entreprises recherchent aujourd’hui des talents qui ont une capacité d’abstraction et qui savent mettre les mains dans le cambouis grâce à leur adaptabilité.

Comme ce type de profil est très recherché, nous avons réfléchi chez Polyconseil à la meilleure façon de les fidéliser. Le marché est très liquide, donc il faut donner une raison à nos collaborateurs de rester chez nous en les stimulant. La diversification des compétences et l’acquisition de connaissances qu’ils ne peuvent avoir nulle part ailleurs sont au cœur même de la promesse collaborateur et contribuent à limiter le turnover. L’entreprise, elle-même, ne sait pas ce qu’elle sera demain. Si elle collabore avec des talents polyvalents, elle sera en mesure de s’adapter rapidement aux mutations. Une entreprise qui donne à ses collaborateurs l’opportunité de progresser tous les jours grâce à elle engendre de la motivation, du contentement, de l’énergie chez ses équipes

Quelles sont les compétences aujourd’hui les plus recherchées par les entreprises ?

Les entreprises du numérique ont deux types de critères pour leurs recrutements. Le premier est académique et lié aux compétences techniques. Nous avons à cœur de trouver des profils déjà pointus ou capables de progresser très vite. Les compétences nécessaires pour réussir un projet numérique sont extrêmement rares car, historiquement, peu de sociétés sont équipées des personnes capables de réaliser leurs projets numériques. Les technologies évoluant rapidement, le défi du maintien des compétences opérationnelles des collaborateurs sur ces sujets se pose. En prenant conscience de l’urgence d’accélérer leur transformation numérique, les entreprises essaient à présent de muscler leurs compétences internes.

Chez Polyconseil nous recherchons aussi une certaine attitude chez nos candidats, car ces projets numériques sont complexes : il faut avoir une intelligence de situation, une capacité d’analyse, une certaine humilité. Dans le numérique, il n’y a pas de dogme, donc il faut savoir regarder les choses avec un peu de discernement. La compétence pure et dure n’est pas suffisante.

Comment mettre en place cette diversification des compétences au sein de son entreprise ?

La principale difficulté est que les changements s’opèrent très rapidement et que la compétence doit être en permanence nourrie. Il faut aider ses équipes à rester au contact des meilleures pratiques du marché et de ses besoins réels. Les RH et les managers peuvent, dans un premier temps, évaluer le travail fait par leurs talents pour identifier les compétences complémentaires à leur apporter. Cela leur permettra de définir ensuite la meilleure stratégie avec eux : leur confier une autre mission au sein de l’entreprise, les faire participer à une formation ou à des retours d’expérience technique ou business.

Ce dispositif ne peut pas être un one shot. L’enjeu majeur est de faire progresser ses talents tout au long de leur vie dans leur entreprise. Cela demande un gros travail RH de suivi, d’encadrement, de mesures, d’analyse. Il n’y a rien de plus facile que de donner à quelqu’un quelque chose qu’il sait faire, parce que c’est confortable pour l’entreprise. Mais, parfois, il faut inciter les collaborateurs à sortir de leur zone de confort et anticiper le besoin de monter en compétences sur de nouveaux sujets en acceptant que ce qui leur apporte de la compétence, de l’expérience, de l’ouverture d’esprit, sera toujours bénéfique pour l’entreprise. C’est d’ailleurs un devoir pour l’entreprise de le faire.

Favoriser le développement accéléré des talents est évidemment gagnant-gagnant pour les entreprises. Il y a quelques années, Polyconseil a recruté un collaborateur d’un très bon niveau au profil académique hors pair pour faire du consulting en stratégie. Assez rapidement, il a proposé de transposer son savoir-faire en stratégie dans la gestion de projets IT. Cela n’était pas nécessairement prévu dans notre feuille de route mais il a défendu l’idée qu’il y avait, à l’image de ce que proposaient les cabinets anglo-saxons en stratégie, un besoin de prestations premium aussi dans l’IT. En substance, une prestation plus chère mais aussi meilleure à tous les effets.

Cela nous a paru extrêmement intéressant. Assez rapidement, nous avons identifié des missions idoines et testé et validé ce concept auprès de quelques clients. Ce qui devrait être une simple expérimentation s’est avéré un coup gagnant sur plusieurs plans : compte tenu du succès rencontré, on a construit un digital lab autour de lui que l’on a fini par intégrer au sein de notre cabinet qui en a fait sa marque de fabrique aujourd’hui. Ceci a également favorisé le travail entre experts très pointus, les passerelles entre les métiers et la prise de responsabilité rapide sur des missions particulièrement stimulantes et gratifiantes.

Qu’est-ce que la diversification des compétences peut apporter à un collaborateur ?

Les salariés savent que leur vie professionnelle ne sera pas monolithique et sont très intéressés par la possibilité de naviguer d’une discipline à une autre ou de jongler entre plusieurs métiers. Leur entreprise doit leur permettre de changer de braquet en cours de carrière, leur donner l’opportunité d’apprendre, de se projeter, d’évoluer.

La diversification des compétences est un formidable accélérateur de carrière. Historiquement, on avait pour habitude de mettre un collaborateur dans une case et de ne pas l’en faire sortir. C’était plus simple à gérer pour les équipes RH qui s’appuyaient sur une grille de salaire et une grille d’évolution professionnelle. Aujourd’hui, les RH ont une place beaucoup plus centrale au sein des organisations mais, surtout, le marché et les souhaits des collaborateurs leur imposent un constant renouveau. Un développeur peut souhaiter apprendre à manager des équipes ou à faire un business plan. Car il sait qu’il faut être capable d’avoir une vision complète du projet pour apporter une décision éclairée.

Peut-elle être envisagée comme une solution au maintien dans l’emploi des seniors ?

Au sein de nos équipes, nous avons recruté une collaboratrice senior qui avait codé toute sa vie et qui souhaitait désormais faire de la data. Nous l’avons accompagnée et formée en interne et puis placée chez un premier client qui a apprécié son travail et c’était le début d’un renouveau dans sa carrière. Je suis persuadé que celui qui travaille dur et qui est motivé peut y arriver, quel que soit son âge. Il suffit de lui donner l’opportunité de monter en compétences !

Bien s’équiper pour bien recruter