Pénurie de compétences dans l’écomobilité : « Il faut encourager les synergies locales écoles/entreprises »
Des milliers de postes seront à pourvoir dans la mobilité électrique au cours des prochaines années, ce qui pose des défis considérables en matière d’acquisition de nouvelles compétences.
En 2027, un million de véhicules électriques devraient être fabriqués en France, d’après les projections gouvernementales. Et la tendance devrait encore s’accélérer, par la suite, avec l’interdiction à horizon 2035 de la vente des véhicules thermiques dans l’Union européenne.
Pourtant, la main-d’œuvre qualifiée et nécessaire pour opérer cette transition est difficile à recruter. Une carence qui alarme les professionnels du secteur, à l’image de François Gatineau, président du cabinet de conseil et bureau d’études Mobileese qui accompagne les acteurs privés et publics dans leurs projets de mobilité électrique : « Il est urgent de promouvoir la visibilité des métiers de l’écomobilité en incitant les jeunes générations à envisager une carrière dans ce secteur ! »
Une grande palette de métiers
Parmi ces métiers d’avenir que les nouvelles mobilités vont créer ou transformer, on peut citer : électricien qualifié pour l’installation de bornes de recharge électrique, retrofitter (un métier dont le rôle est de modifier un véhicule thermique en véhicule électrique), formateur en véhicule électrique, monteur-câbleur, ingénieur sûreté/cybersécurité, ingénieur nucléaire, soudeur, technicien ou ingénieur bureau d’études, technicien de maintenance…
« Ces métiers sont tous en forte tension, car ils mettent en jeu des compétences fonctionnelles assez rares. L’enjeu de recrutement est de taille : nous sommes en train d’électrifier tous nos usages, que ce soit dans le monde des transports, de l’industrie, du bâtiment, des énergies… Prenons l’exemple du réseau électrique public français qui est vieillissant et de plus en plus soumis aux aléas climatiques, comme nous l’a rappelé encore récemment la tempête en Bretagne. Son renouvellement et sa maintenance nécessitent des bras. »
Renforcer la visibilité de ces métiers d’avenir
Pourquoi les entreprises rencontrent-elles de telles difficultés de recrutement ? « On forme chaque année environ 9 000 jeunes aux métiers de l’électricité, mais, d’ici deux ou trois ans, le pays aura besoin de recourir à 50 000 à 80 000 personnes par an ! constate le président de Mobileese, qui appelle les entreprises du secteur à intervenir davantage dans les collèges et les lycées pour présenter ces professions aux jeunes : « C’est en les sensibilisant aux opportunités et aux projets stimulants de ce domaine que les acteurs de la mobilité peuvent contribuer à attirer les talents nécessaires pour faire face aux défis à venir. » Expliquer en quoi consistent ces métiers méconnus passe aussi par une nouvelle manière de communiquer et de nouveaux formats, vidéo notamment, sur des réseaux sociaux tels que TikTok.
Autre problématique, selon François Gatineau, les formations ne sont pas complètement adaptées aux besoins des entreprises. Il incite à multiplier les liens entre les acteurs de la formation et le monde de l’entreprise, notamment à travers des forums. « Il faut d’abord décentraliser, encourager les synergies locales écoles/entreprises. Mais aussi impliquer davantage les décideurs dans l’élaboration des contenus de formation et dans la création de nouveaux diplômes, afin d’être plus réactif. »
L’alternance et la reconversion professionnelle comme voies royales
La voie de l’alternance permet aussi de former plus rapidement des salariés en situation de travail. « On pourrait s’inspirer de certaines écoles d’ingénieurs qui proposent des alternances très tôt au cours de leur cursus », suggère le président de Mobileese.
La reconversion professionnelle offre une autre piste intéressante pour élargir le vivier de candidats : « De nombreuses petites entreprises d’artisans électriciens se disent prêtes à prendre le temps de former, témoigne François Gatineau. On voit aussi se développer des centres de formation communs à différentes entreprises, au sein d’un territoire, pour former aux métiers dont elles ont besoin. »
Enfin, les entreprises peuvent miser sur la mutualisation des compétences, en faisant effectuer certaines missions à des salariés à temps partagé dans différentes entreprises sur un secteur géographique donné.