« Comment mon entreprise a mis en place le congé menstruel »

Chez Solimut Mutuelle de France, les collaboratrices qui rencontrent des difficultés liées à leurs règles peuvent bénéficier de 13 jours de congé par an. Retour d’expérience avec la DRH, Manon Enoc.

Solimut Mutuelle de France Mathilde Enoc
Pour la DRH, Mathilde Enoc (à droite), « il fallait prendre un temps de dialogue, d’expression et de débat pour démystifier le sujet tabou des règles au travail ». © Solimut Mutuelle de France

« Il y a deux ans et demi, lors de mes premiers échanges avec Solimut Mutuelle, le directeur général m’a fait part de son souhait de mettre en place un congé menstruel. Ce sujet a clairement joué dans ma décision d’accepter ce poste de DRH, car j’aime les sujets de transformation, d’innovation sociale. Spécialiste de la protection sociale complémentaire en santé et en prévoyance, notre entreprise est mobilisée pour faire de la santé un droit pour toutes et tous, et est particulièrement engagée en faveur de la santé des femmes. Notre autre particularité est que nous comptons 72% de femmes dans nos effectifs. Cela avait donc énormément de sens pour nous d’apporter une solution à nos collaboratrices qui souffrent de règles douloureuses ou incapacitantes. C’est à la fois un sujet de qualité de vie au travail et un outil au service de l’égalité professionnelle femmes-hommes. »

« Démystifier le tabou des règles au travail »

« La mise en place de ce congé menstruel s’est déroulée en trois phases : la conviction, la sensibilisation et le déploiement. La première étape a été d’embarquer toutes les parties prenantes, à commencer par le sommet : le conseil d’administration. Il fallait prendre ce temps de dialogue, d’expression et de débat pour démystifier le sujet tabou des règles au travail. Nous  avons donc créé un partenariat avec l’association Règles Elémentaires, qui est venue partager avec les membres du conseil d’administration des données sur les pathologies liées aux règles, sur la précarité menstruelle. Chacun a été invité à partager ses représentations, ses croyances, ses expériences liées aux règles. Ce qui m’a surprise, c’est qu’il y a eu énormément d’écoute, voire de curiosité, indépendamment du genre ou de la génération à laquelle appartiennent les personnes. J’ai été touchée de découvrir que les hommes soutenaient avec ferveur la démarche.  A l’issue de l’intervention de l’association, tous et toutes étaient convaincus de l’intérêt de mettre en place ce congé menstruel. Les interrogations portaient davantage sur le nom qu’on allait donner à cette absence autorisée, sur le nombre adéquat de jours, sur la confidentialité des informations. »

13 jours de congés menstruels par an

« L’étape suivante a été d’impliquer nos organisations syndicales, un public déjà convaincu par la nécessité de mettre en place ce congé. On a ouvert une négociation avec eux et, au bout de trois réunions, nous avons signé, en janvier 2025, un accord d’un an. Nos partenaires sociaux souhaitaient d’emblée un accord pluriannuel, mais comme il s’agit d’une innovation sociale, nous avons opté pour une période d’un an pour se garder une marge de manœuvre, tester le dispostif imaginé et, si besoin, l’ajuster. »

« Cet accord autorise le télétravail en cas de règles douloureuses ou incapacitantes pour toutes les fonctions qui le permettent. Il acte également que les collaboratrices concernées peuvent bénéficier de 13 jours de congé menstruel par an, deux au maximum par mois, sur présentation d’un certificat médical valable pour une durée d’un an. Ces congés sont évidemment rémunérés par l’entreprise. »

Un certificat médical annuel

« L’idée était que ce nouveau droit soit accessible à toutes et que le process soit le plus allégé possible ; on voulait à tout prix éviter que les femmes aient besoin de prendre rendez-vous chaque mois avec leur généraliste ou leur gynécologue. Mais nous avons tout de même choisi de nous adosser à un regard médical pour venir ancrer la sincérité de la démarche de la collaboratrice, pour éviter les abus potentiels et pour rester dans notre rôle d’employeur, qui ne s’immisce pas dans l’intimité de nos salariées. »

« En parallèle, nous avons également organisé d’autres sessions de sensibilisation par l’association Règles Elémentaires avec nos partenaires sociaux, puis avec notre comité de direction et nos managers. Là encore, à chaque fois, les débats ont laissé une large place au partage d’expériences personnelles, sans jugement, avec énormément de bienveillance. Nous avons ensuite communiqué par écrit les termes de l’accord d’entreprise à nos 500 collaborateurs et nous avons lancé un sondage pour cerner leurs attentes à ce sujet. »

Ni délai de prévenance ni validation managériale

« La troisième phase a été celle du déploiement. L’accord est entré en vigueur le 1er juin 2025. Le jour du lancement, nous avons organisé une visioconférence à laquelle tous nos collaborateurs pouvaient participer : les équipes RH ont présenté les modalités concrètes de ce congé, ont montré comment transmettre son certificat médical. Dans nos outils RH de gestion des absences, ce congé porte le nom de « jour exceptionnel Solimut », car c’était important pour nous que le secret médical soit respecté. Les managers ne connaissent pas le motif de l’absence, seule l’équipe RH qui a reçu le certificat médical est au courant. Ces jours de congé menstruel peuvent être posés le matin même et ne nécessitent pas de validation managériale. »

« Depuis le 1er juin 2025, 43 salariées nous ont transmis un certificat médical pour bénéficier du congé menstruel. 31 d’entre elles ont déjà posé des jours dans ce cadre, pour une moyenne de 2,1 jours posés entre le 1er juin et le 24 août. Au bout d’un an d’expérimentation, nous dresserons un premier bilan pour voir combien de salariées y ont eu recours, combien de jours ont été posés sur un an, comment se sentent les femmes qui ont en bénéficier et si elles y voient un réel avantage au quotidien pour gérer cette période de leur cycle. Et en fonction de ces retours, nous verrons, en concertation avec nos partenaires sociaux, s’il faut ajuster, par exemple, le nombre de jours. »

« Fières de travailler dans une entreprise engagée pour la santé des femmes »

« Les premiers retours sont extrêmement positifs : nos collaboratrices apprécient de pouvoir bénéficier de cette souplesse-là. On sent également un sentiment de fierté de travailler dans une entreprise qui s’engage pour la santé de ses salariés. Je dois dire que c’est très gratifiant pour les équipes RH et pour le conseil d’administration. Ce sujet ouvre aussi la porte à des discussions sur d’autres pans de la santé des femmes : certaines collaboratrices souhaitent que l’entreprise s’intéresse au sujet de l’impact de la ménopause sur les conditions de travail et nous allons nous pencher sur la question. »

« Du côté de l’employeur, je n’y vois également que des bénéfices. Travailler à la reconnaissance des femmes dans leur condition de femmes renforce leur attachement à l’entreprise et contribue à les fidéliser. Mettre en place cet avantage dans des secteurs majoritairement masculins, comme les entreprises industrielles, peut contribuer à attirer davantage de femmes. Et puis, quand vous commencez à adresser ce sujet, vous touchez à la culture d’entreprise, vous abordez des thèmes qui n’avaient jusqu’alors pas leur place dans l’entreprise, c’est donc un levier de transformation. Si on tire le fil, cela renforce la qualité du dialogue et de la relation entre managers et managés, mais aussi entre les collaborateurs et les équipes RH. Cela offre la possibilité de parler de ce sujet dans un cadre complétement sécurisé. »

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Bien s’équiper pour bien recruter