Proposition de loi sur le congé menstruel : comment pourrait-il s’appliquer en France ?
Après l’adoption en Espagne d’une loi sur le congé menstruel, certains parlementaires français souhaitent faire voter un dispositif similaire.
En France, 65% des femmes ont déjà connu des difficultés liées à leurs règles au travail (difficulté à tenir debout ou assise, difficulté à se concentrer ou à suivre une réunion, difficulté à se déplacer pour se rendre sur son lieu de travail…), souligne une étude de l’IFOP parue fin 2022.
C’est pour améliorer le confort de ces salariées que la sénatrice Hélène Conway-Mouret prévoit de déposer une proposition de loi sur le congé menstruel dans les prochaines semaines. Le député, Sébastien Peytavie planche, lui aussi, sur un texte. Ils marchent ainsi dans les pas du législateur espagnol qui, le 16 février dernier, a adopté une loi instaurant un congé similaire. Le texte adopté par nos voisins prévoit qu’une collaboratrice souffrant de « règles invalidantes » puisse se faire prescrire un arrêt de travail par son médecin. Une mesure déjà en vigueur dans d’autres pays, à l’image du Japon, de la Corée du Sud, de Taïwan, de l’Indonésie et de la Zambie.
Quelles femmes seraient concernées en France ?
La mesure vise à la fois les femmes souffrant d’endométriose et celles en proie à des règles douloureuses (dysménorrhée). En fonction des études, 45 à 95% des femmes menstruées souffriraient de dysménorrhée et environ 10% des femmes françaises menstruées seraient atteintes d’endométriose, selon les statistiques de l’INSERM. Parmi elles, 70% souffrent de douleurs invalidantes. Cette maladie, très difficile à diagnostiquer en raison de ses symptômes variables d’une femme à une autre, a été reconnue comme affection de longue durée, début 2022. Dans le cadre du plan interministériel pour l’égalité entre les femmes et les hommes 2023-2027, dévoilé le 8 mars, la Première ministre, Élisabeth Borne a annoncé le renforcement du soutien au programme de recherche sur l’endométriose.
Quelle forme ce congé prendrait-il ?
Il s’agirait d’un arrêt de travail d’un à deux jours par mois, pris en charge par l’État et la Sécurité sociale. Si Hélène-Mouret souhaite que ce congé ne se fasse pas sur prescription médicale, Sébastien Peytavie est d’avis d’ouvrir la voie à plusieurs formules, « en fonction de la taille de l’entreprise et des métiers ».
S’imposerait-il à l’employeur ?
Si les deux parlementaires se refusent à rendre ce congé obligatoire, Hélène Conway désire inscrire le dispositif dans le Code du travail : « Car, tant que ce n’est pas dans la loi, les grandes entreprises n’auront pas forcément ce geste pour les femmes. Une fois inscrit, elles pourront le demander via leurs syndicats ou leur représentation hiérarchique », explique-t-elle au micro de RFI.
Des expérimentations françaises en cours
En France, une dizaine d’entreprises, telles que La Collective, Louis Design ou Critizr ont déjà choisi d’appliquer le congé menstruel. De son côté, le maire de Saint-Ouen, Karim Bouamrane, a annoncé, le 8 mars sur Twitter, que sa commune allait expérimenter un congé menstruel de deux jours, sans délai de carence, « pour les agentes qui souffrent d’endométriose ou de règles douloureuses qui les empêchent d’accomplir normalement leurs missions ». Une première dans une collectivité locale française.
Qu’en pensent les associations de défense des droits des femmes ?
Si une majorité, à l’image de Louise Delavier, directrice des programmes d’En avant toutes, apprécie que « le sujet des règles, encore trop tabou, s’invite dans le débat médiatique », les associations craignent également que cette mesure n’engendre de nouvelles discriminations au travail et ne pénalise les femmes, notamment au moment de leur embauche ou de leur promotion.
Elles souhaitent que cette mesure s’inscrive dans une réflexion plus large, associant l’État, les ministères du Travail, de la Santé et de l’Éducation ainsi que les professionnels de santé, dont l’objectif serait de développer la formation, la sensibilisation, l’éducation et les moyens alloués à ce sujet de société.