Les « compétences cachées », un trésor à découvrir et à partager
Le mot RH de la semaine. Julien Lever, Managing Partner au sein du cabinet de conseil Julhiet Sterwen, revient sur l’atout que représentent les compétences cachées pour une entreprise.
« Les compétences cachées, c’est le bon geste, le beau geste du professionnel. Son ‘’truc en plus’’ pour que la recette soit un succès. Ce sont celles que le collaborateur a pu acquérir dans un autre environnement professionnel ou bien en autodidacte, mais qu’il n’identifie pas lui-même. »
« J’en ai entendu parler pour la première fois il y a une quinzaine d’années, en échangeant avec des partenaires de l’industrie aéronautique et du luxe. Ils m’ont fait part d’une problématique : leurs collaborateurs partant à la retraite n’avaient pas toujours l’occasion de transmettre leur tour de main aux jeunes générations. L’idée qui a surgi a été de rechercher, au sein de l’organisation, celles et ceux qui savaient faire… sans nécessairement en être conscients. »
« Perpétuer des savoir-faire »
« L’intérêt pour les entreprises de s’intéresser à ces compétences est à la fois de valoriser le collaborateur, de lui redonner de la fierté et l’envie de rester dans votre entreprise, mais aussi de perpétuer des savoir-faire qui peuvent se perdre au fil des départs à la retraite. Cette question est donc un argument de poids pour la fidélisation des collaborateurs, tout en étant intimement liée aux sujets de reskilling et d’upskilling auxquels toutes les entreprises s’intéressent aujourd’hui. »
« Des compétences difficiles à identifier et à mesurer »
« Par nature, ces compétences sont difficiles à identifier et à mesurer. Le premier enjeu RH est donc de réussir à les déceler chez les collaborateurs. Difficile de se limiter au déclaratif pour les faire émerger, car les salariés n’en ont souvent pas eux-mêmes conscience. Le manager de terrain a ici un rôle crucial à jouer, à force d’observation et de discussion avec les membres de son équipe. Les équipes RH doivent aussi sortir de la nomenclature de compétences classiques (techniques, comportementales, savoirs académiques…) et intégrer ces compétences cachées à leurs référentiels de compétence dans le cadre de leur plan de gestion des carrières. Elles doivent aussi s’interroger, avec les managers, sur les critères d’évaluation les plus pertinents. »
« Convaincre le collaborateur des bienfaits de la transmission »
« L’étape suivante est de convaincre le travailleur de partager ses compétences. Car il n’y verra pas forcément son intérêt : pourquoi transmettre à d’autres un savoir-faire qui fait sa singularité et sa valeur ? Il faut d’abord créer un cadre de confiance pour faciliter la transmission. Ensuite, il s’agit de mettre en place des contreparties, un système de règles qui rassurent et qui récompensent le collaborateur pour son partage d’expérience : une évolution professionnelle, une prime, une augmentation salariale, un poste de responsable d’un département de formation… La valorisation de cette expertise pourrait aussi inciter les seniors à rester plus longtemps dans l’entreprise. Enfin, il faut créer un cadre pédagogiquement viable. Le travail en binôme, à l’image de ce que font les compagnons, est propice à l’observation et à l’imitation du geste. »