Le « Big Stay » : quand changer d’emploi paraît risqué
Le mot RH de la semaine. Aude Boudaud, directrice au sein du cabinet Robert Walters décrypte cette préférence pour la sécurité de l’emploi.
« Après le ‘’Big Quit’’, les vagues de démission post-Covid, on assiste à un ‘’Big Stay’’ : les salariés en poste semblent moins prêts à prendre le risque de changer d’entreprise. Et cela se traduit par un taux plus élevé de refus d’offres de la part des candidats : selon la dernière enquête Robert Walters, 46% des entreprises ont constaté une hausse du nombre de refus, mais aussi plus d’abandons en cours de process de recrutement. On observe ce phénomène depuis mi-2023, dans des secteurs comme la banque ou la finance, mais il s’est élargi à l’ensemble des secteurs courant 2024. »
La sécurité de l’emploi au centre des préoccupations des candidats
« Comment l’expliquer ? Par le fait que les candidats privilégient la sécurité de l’emploi dans un contexte d’incertitude politique et économique. Ils savent ce qu’ils quittent mais pas ce qu’ils vont trouver ailleurs. D’où une prudence, notamment chez les cadres et les plus de 50 ans, qui font passer la sécurité de l’emploi avant leur rémunération ou leur équilibre vie pro/vie perso. »
Des candidats toujours aussi exigeants…
« Dans le même temps, les candidats deviennent de plus en plus exigeants, leurs critères de choix s’élargissent : le groupe, le poste et la rémunération demeurent centraux, mais des critères comme la qualité du management, l’atmosphère de travail, l’équilibre vie pro/vie perso deviennent de plus en plus importants. Or, ces éléments intangibles ne facilitent pas la projection du candidat, qui est d’autant plus intransigeant sur le reste : un poste de rêve dans une entreprise de rêve avec un salaire de rêve. Les moins de 30 ans sont particulièrement attentifs au fait d’effectuer un gap salarial quand ils changent d’entreprise. »
…et des entreprises moins conciliantes
« En face, on trouve des entreprises moins enclines à faire des concessions. Elles souhaitent stopper l’inflation de leur masse salariale et sont moins prêtes à céder à des candidats aux prétentions salariales trop élevées. Comme ils ont de plus en plus de mal à attirer le profil parfait, les employeurs déploient beaucoup d’efforts pour retenir leurs talents. Ils revoient aussi leurs critères de sélection, par exemple en recrutant des profils plus junior que prévu qu’ils vont former et faire évoluer rapidement. »
Comment rassurer les candidats ?
« Pour attirer davantage les candidats, les employeurs doivent prendre le temps de partager avec eux les informations sur l’entreprise, le poste, la rémunération, le processus de recrutement, en incluant les éventuelles facettes moins positives pour établir une relation de confiance et éviter les surprises ou les suppositions. En somme la prise de risque supposée doit être rationalisée. »
« Les entreprises doivent aussi individualiser les parcours candidat et répondre à leur sentiment de prise de risque par une histoire rassurante, qui apporte du contexte. Un employeur doit savoir répondre à la question suivante : ‘’Qu’est-ce que ce candidat gagnera s’il vient chez moi ?’’ Sera-t-il mieux payé ? Aura-t-il des missions plus diversifiées ? Evoluera-t-il plus rapidement ? Apprendra-t-il de nouvelles choses ? C’est sur ce ou ces points qu’il faudra ensuite insister pour le convaincre. »