« Hier on cherchait un emploi, aujourd’hui on veut un travail qui nous intéresse dans de bonnes conditions ! »
Benoît Serre, Partner& Director HR People Strategy au Boston Consulting Group et vice-président délégué de l’ANDRH, nous explique comment la crise sanitaire a accéléré les transformations du monde du travail à l’oeuvre.
En 2024, 56% des recruteurs disent utiliser souvent la visioconférence lors de leurs recrutements (contre 25% en 2017). Demain, on recrutera tous en visio ?
Benoît Serre : Le recrutement hybride va perdurer, car il facilite les process et permet d’avoir accès à un plus large vivier de candidats. En revanche, je ne crois pas à l’avenir du 100% distanciel dans le recrutement. Dans un monde qui valorise de plus en plus les soft skills, la rencontre physique est un passage nécessaire, en particulier en dernière étape du processus de recrutement.
Quant au travail hybride, le modèle majoritairement adopté par les entreprises repose sur un mix équilibré distanciel/présentiel. Que penser des appels au retour au bureau relayés dans les médias ?
B.S : Certains dirigeants plaident aujourd’hui pour une meilleure structuration du télétravail, mais ils ne le supprimeront pas. J’ai du mal à croire qu’on reviendra en arrière, reste à admettre qu’il faut du temps pour s’adapter à ce changement de mode de travail, notamment en termes de management.
Après les bouleversements liés à la crise sanitaire, les salariés sont-ils désormais en quête de stabilité ?
B.S : Il y a deux ans, on craignait que la Grande Démission touche la France après les Etats-Unis. Mais elle n’a pas eu lieu chez nous. Notamment parce que le CDI constitue la norme sur notre marché du travail et offre une forme de sécurité de l’emploi. En revanche, on a assisté à un grand mouvement de mobilités professionnelles. Après la crise sanitaire, le taux de croissance de l’emploi a dépassé la croissance économique, du fait d’une baisse de notre productivité. Nous ne sommes plus dans ce cas aujourd’hui. Ce changement de contexte a un impact sur les projets de recrutement, mais dès que l’activité économique repartira et que les effets démographiques joueront à plein, le marché de l’emploi reprendra son ancienne dynamique.
Quels enjeux RH découlent de cette situation ?
B.S : La vraie problématique des entreprises est de parvenir à fidéliser leurs salariés, au moins pendant trois ou quatre ans. C’est crucial dans un contexte de vieillissement de la population et de concentration des besoins sur des métiers où les candidats sont rares. Pour ce faire, elles ont plusieurs cartes à jouer : la rémunération, les perspectives d’évolution, la qualité de l’onboarding, la qualité du management et le développement de l’accès à la formation. Autrefois, dans un contexte de chômage de masse, l’obsession des personnes était d’avoir un emploi. Aujourd’hui, leur priorité est d’avoir un travail qui les intéresse, offrant de bonnes conditions, dans un environnement de travail qui leur plaît et rétribué à sa juste valeur.
Les entreprises sont-elles en train d’avancer vers un modèle plus en phase avec les attentes des candidats et des salariés ?
B.S : Oui, car elles sont pragmatiques : ces transformations du travail et du management sont inéluctables. La crise sanitaire n’a fait qu’accélérer ces évolutions. Les entreprises cherchent à innover sur l’onboarding, sur l’expérience collaborateur. Cela prendra quelques années, mais les modèles de management vont se rajeunir.
Comment vont les RH en 2024 ?
B.S : Les RH sont partout ! Elles s’attellent à de vastes chantiers de réorganisation, elles anticipent le fait qu’on puisse se retrouver dans une situation économique délicate et elles émettent des inquiétudes quant au décalage entre les compétences attendues et les compétences réellement présentes sur le marché du travail. Certaines ont aussi le sentiment d’avoir été rétrogradées au sein de leur organisation après avoir occupé une place centrale pendant la crise sanitaire. Mais c’est loin d’être la majorité.